Recherche
Inscrivez-vous à l’Alerte Newsletter
Minerva étant une revue d'Evidence-Based Medicine promeut la diffusion d'une information scientifique indépendante et apporte une analyse critique des publications pertinentes dans la littérature internationale.
Sommaire septembre 2023
L’aspirine, une alternative aux héparines de bas poids moléculaire pour la thromboprophylaxie en cas de traumatisme majeur ?
Page 158 - page 160
Sculier J.P.
Les auteurs concluent que la thromboprophylaxie par aspirine est non inférieure à l’HBPM pour la prévention des événements mortels chez les patients ayant subi un traumatisme orthopédique et est associée à de faibles fréquences de thrombose veineuse profonde, d'embolie pulmonaire et de décès toutes causes confondues à 90 jours. Malgré certaines limitations méthodologiques, les résultats sont cliniquement significatifs et sont en faveur de l’aspirine en cas de traumatisme orthopédique en raison de ses coûts inférieurs et de son administration moins lourde que celle d’injections d’HBPM. Le schéma (durée de la prophylaxie, injection préalable d’une ou deux doses d’HBPM) reste cependant à préciser.
Les exercices physiques réguliers ont-ils un effet bénéfique dans le TDAH chez l’enfant et l’adolescent ?
Page 161 - page 164
Blause S., Léonard F., Durieux N.
Cette revue systématique avec méta-analyses présentant de nombreuses limites méthodologiques suggère qu’une intervention basée sur des exercices physiques réguliers pourrait être bénéfique aux patients souffrant de TDAH en diminuant leurs symptômes principaux et en améliorant leurs fonctions exécutives.
Technologies de l'information et de la communication, efficaces sur les symptômes psychologiques et comportementaux des personnes démentes ?
Page 165 - page 167
Levaux E.
Cette méta-analyse souffrant d’une grande hétérogénéité au niveau des données incluses suggère que les interventions non pharmacologiques utilisant des technologies de l'information et de la communication pourraient avoir un effet bénéfique sur certains symptômes de la démence (dépression, agitation, symptômes globaux), particulièrement chez les plus jeunes. Dans ce champ aux interventions peu standardisées et très dépendantes du contexte, des essais cliniques bien menés et suffisamment larges restent plus que jamais nécessaires.
Le traitement d’une infection asymptomatique par Helicobacter pylori protège modestement du risque de saignement gastro-duodénal le sujet âgé prenant de faibles doses d’aspirine
Page 168 - page 171
Sculier J.P.
Pour les auteurs de cette étude, l'éradication de Helicobacter pylori protège, en soins primaires, chez des patients âgés de 60 ans ou plus non sélectionnés recevant de l'aspirine à une dose de 325 mg ou moins, contre les saignements d'ulcère peptique associés à l'aspirine avec une réduction significative du risque d'hospitalisation pour saignement d'ulcère, mais ce bénéfice pourrait ne pas être maintenu à long terme. Ce bénéfice a été observé dans une population à faible risque (< 2% de patients avec des antécédents ulcéreux) : il faut traiter 238 malades avec un test positif pour Helicobacter pylori pour éviter une hospitalisation en raison d'un saignement sur ulcère peptique.
Intérêt du sémaglutide administré une fois par semaine chez des patients adolescents obèses ?
Page 172 - page 174
Vanhaeverbeek M.
Cette RCT d’excellente qualité méthodologique montre une perte de poids significative chez la majorité d’un petit groupe d’adolescents obèses traités par sémaglutide, avec modifications concomitantes du mode de vie, en comparaison à un placebo et modifications concomitantes du mode de vie seules. Au vu de la trop grande incertitude actuelle sur le maintien de l’effet après un an, vu la grande variabilité de la réponse individuelle, et en absence d’une balance bénéfice-risque bien évaluable, il faut réserver l’utilisation du sémaglutide chez l’adolescent à des patients pris en charge par des groupes multidisciplinaires structurés et expérimentés et inclure ces patients dans des études bien conduites, et donc approuvées par des comités d’éthique, ou à tout le moins dans des registres.
Quelles sont les interventions les plus efficaces pour augmenter la fréquence et/ou la qualité des contacts sociaux ?
15 09 2023
Joly L.
Cette étude, de bonne qualité méthodologique mais basée sur des études hétérogènes, éclaire sur le choix des stratégies à adopter pour améliorer la fréquence et/ou la qualité des contacts sociaux. L’augmentation de l’accès à un réseau social permettrait d’accroître la fréquence des contacts, tandis que les interventions psychologiques en amélioreraient la qualité.
Efficacité des traitements sur la douleur due à la fasciite plantaire
15 09 2023
Feron J-M.
Cette revue systématique avec méta-analyse de bonne qualité méthodologique montre une efficacité faible à modérée d’une série d’interventions différentes chez les patients adultes souffrant de fasciite plantaire en termes de douleur à court terme (1 - 6 semaines) ; à moyen et long terme (7 à > 12 semaines), seules les ondes de choc extra corporelles ont montré une efficacité sur la douleur
Les études randomisées disponibles ne permettent pas d’établir l’utilité des interventions physiques pour éviter la propagation des infections virales respiratoires aigües
15 09 2023
Sculier J.P.
Pour les auteurs, le risque élevé de biais dans les essais randomisés sélectionnés, la variation de la mesure des résultats et la conformité relativement faible aux interventions au cours des études empêchent de tirer des conclusions fermes et de généraliser les résultats à la pandémie actuelle de covid-19. Il existe une incertitude quant aux effets des masques faciaux. La certitude faible à moyenne des preuves signifie que la confiance dans l'estimation de l'effet est limitée et que l'effet réel peut être différent de l'estimation observée. Les résultats regroupés des essais randomisés n'ont pas montré de réduction nette des infections virales respiratoires avec l'utilisation de masques médicaux/chirurgicaux pendant la grippe saisonnière. Il n'y avait pas de différences claires entre l'utilisation de masques chirurgicaux par rapport aux masques respiratoires chez les travailleurs de la santé lorsqu'ils étaient utilisés dans les soins de routine pour réduire les infections virales respiratoires. L'hygiène des mains est susceptible de réduire légèrement le fardeau des maladies respiratoires. Les préjudices associés aux interventions physiques ont été sous-étudiés. En pratique, la mise à jour de la revue Cochrane, limitée aux seules RCTs, sur les interventions physiques pour interrompre ou réduire la propagation des virus respiratoires n’apportent aucun nouvel élément probant.
Les résultats à long terme d’une étude randomisée en cas de cancer prostatique localisé de faible risque confirment une survie similaire que le choix thérapeutique soit une surveillance active, la chirurgie ou la radiothérapie
15 09 2023
Sculier J.P.
Les auteurs concluent qu’après 15 ans de suivi, la mortalité spécifique au cancer de la prostate était faible quel que soit le traitement attribué. Ainsi, le choix du traitement implique de peser les compromis entre les avantages et les inconvénients associés aux traitements du cancer localisé de la prostate. Le choix en cas de cancer prostatique localisé de faible risque avec donc un taux de mortalité faible se fera avec le patient entre 3 possibilités : surveillance active, prostatectomie radicale, radiothérapie prostatique curative.
Comparaison des réponses aux questions médicales sur un forum public entre des médecins bénévoles et l’intelligence artificielle (ChatGPT-3.5)
15 09 2023
Saubry MI.
Cette étude observationnelle comparant les réponses fournies par intelligence artificielle via ChatGPT-3.5 à celles fournies par des médecins sur des questions d’un forum public présente de nombreux biais méthodologiques qui ne permettent pas de tirer des conclusions suffisamment fiables. Cependant, cette étude à l’avantage de mettre en lumière une potentielle utilisation de l’intelligence artificielle comme outil d’aide à la pratique médicale. D’autres études restent nécessaires afin d’en préciser le cadre et les limites. Enfin, des considérations d’ordre éthique et déontologique concernant l’utilisation de l’IA dans un contexte de soins doivent également être discutées.
L’aspirine, une alternative aux héparines de bas poids moléculaire pour la thromboprophylaxie en cas de traumatisme majeur ?
Contexte
La thromboprophylaxie en postopératoire du placement d’une prothèse totale de la hanche ou du genou fait partie de la pratique courante. Une héparine de bas poids moléculaire (HBPM) est actuellement le traitement préventif de premier choix des thromboses veineuses profondes (TVP), du moins en Europe. Minerva a analysé en 2021 (1) une revue systématique avec méta-analyse (2) de bonne qualité méthodologique mettant en évidence l’intérêt potentiel de l’aspirine dans la thromboprophylaxie dans cette indication. Cet intérêt mérite d’être confirmé par de nouvelles études, vu sa bonne tolérance et son faible coût, à la place certainement des anticoagulants oraux et probablement des HBPM. Une autre indication de ce type pour l’aspirine pourrait être les fractures. Les HBPM sont en effet recommandées pour la thromboprophylaxie chez les patients souffrant de fractures, mais les essais de son efficacité par rapport à l'aspirine font défaut. Une étude randomisée à ce sujet (3) vient d’être rapportée, la « Prevention of Clot in Orthopaedic Trauma (PREVENT CLOT) » menée par le « Major Extremity Trauma Research Consortium (METRC) », organisation américano-canadienne.
Résumé
Population étudiée
- critères pour la randomisation :
- être âgé de 18 ans ou plus
- avoir une fracture d’un membre supérieur de l'épaule au poignet ou d’un membre inférieur de la hanche au milieu du pied, traitée chirurgicalement
- fractures du bassin ou de l'acétabulum qui peuvent être traitées chirurgicalement ou ne pas être opérées
- critères d’exclusion : se présenter à l'hôpital plus de 48 heures après la blessure ou avoir reçu ≥ 3 doses de thromboprophylaxie par héparine avant consentement éclairé ; avoir d’antécédents de thromboembolie veineuse (TEV) au cours des 6 derniers mois, être sous anticoagulation thérapeutique et/ou avoir un trouble chronique de la coagulation sanguine
- finalement inclusion de 12211 patients avec les caractéristiques suivantes : âge moyen (± ET) de 44,6 ± 17,8 ans ; 62,3% de sexe masculin ; 0,7% avec des antécédents de TEV ; 2,5% avec des antécédents de cancer.
Protocole d’étude
- essai randomisé, ouvert, multicentrique, de phase III avec un design de non-infériorité, avec 2 bras :
- HBPM : énoxaparine SC 30 mg 2x/j (n = 6110)
- aspirine : 81 mg p.o. 2x/j (n = 6101)
- durée du traitement : jusqu’à sortie de l’hôpital ou plus suivant les habitudes locales.
Critères de jugement
- critère de jugement primaire : décès de toute cause à 90 jours
- critères de jugement secondaires (endéans les 90 premiers jours) :
- causes spécifiques de décès
- survenue d’une embolie pulmonaire non mortelle
- survenue d’une thrombose veineuse profonde
- les résultats de sécurité secondaires comprenaient les événements hémorragiques, les complications des plaies et les infections du site opératoire.
Résultats
- critère de jugement primaire : décès chez 47 patients (0,78%) dans le groupe aspirine et chez 45 patients (0,73%) dans le groupe HBPM (différence de 0,05 point de pourcentage ; avec IC à 96,2% de -0,27 à 0,38 ; p < 0,001 pour une marge de non-infériorité de 0,75 point de pourcentage)
- critères de jugement secondaires :
- décès par embolie pulmonaire : pas de différence entre les groupes
- TVP : 2,51% dans le groupe aspirine et 1,71% dans le groupe HBPM (différence de 0,80 point de pourcentage avec IC à 95% de 0,28 à 1,31)
- embolie pulmonaire : 1,49% dans chaque groupe
- événements indésirables dont saignements : pas de différence significative avec 13,7% de saignement dans le groupe aspirine et 14,3% dans le groupe HBPM.
Conclusion des auteurs
Les auteurs concluent que chez les patients présentant des fractures des extrémités traitées chirurgicalement ou une fracture pelvienne ou acétabulaire, la thromboprophylaxie par l'aspirine est non inférieure à l’HBPM pour prévenir le décès et est associée à une faible incidence de TVP et d'embolie pulmonaire et à une faible mortalité à 90 jours.
Financement de l’étude
Par le “Patient-Centered Outcomes Research Institute”, un consortium dont font partie notamment des représentants de l’industrie et des assurances privées.
Conflit d’intérêts des auteurs
Quelques liens d’intérêt avec l’industrie rapportés par une minorité des auteurs, sans rapport direct apparent avec l’objet de l’étude.
Discussion
Évaluation de la méthodologie
Il s’agit d’une étude randomisée ouverte de phase III avec un design de non-infériorité. L’aspirine était donc considérée a priori comme inférieure à l’HBPM pour la prévention de la TEV après trauma. Le bénéfice secondaire justifiant le design, probablement économique et aussi la facilité de la prescription de l’aspirine, n’est pas clairement explicité dans l’article. Le résultat de l'analyse préspécifiée selon le protocole (per protocol) – le protocole a été suivi chez 94,7% des patients du groupe aspirine et 96,9% du groupe HBPM – est cohérent avec le résultat de l’analyse en intention de traiter pour l’objectif principal, ce qui est une façon pragmatique de « valider » les résultats.
Cet essai de grande taille – 12211 patients – permet d’analyser avec une bonne puissance non seulement l’objectif primaire mais aussi les objectifs secondaires. Il y a cependant eu des problèmes de recrutement dans l’étude et les auteurs ont autorisé les patients éligibles à recevoir jusqu'à deux doses d’HBPM en tant que soins standard avant l'obtention du consentement. Notons aussi qu’il y a eu une modification du protocole : le critère de jugement principal est passé de « décès lié à une embolie pulmonaire » à « décès quelle qu'en soit la cause ». Ce changement a été réalisé après le début du recrutement et la publication du protocole sans aucune connaissance des résultats de l'essai en cours.
Vu son design ouvert sans double aveugle, il y a des risques de biais en termes de suspicion de diagnostic et de surveillance. Cependant en ayant choisi comme objectif principal la mortalité quelle que soit la cause du décès, ces biais n’affectent pas l’analyse de l’objectif primaire, ce qui aurait pu être le cas avec le critère initialement choisi (le décès par embolie pulmonaire).
Interprétation des résultats
Il y a des biais potentiels liés à la réalisation pratique de l’essai pouvant altérer la généralisabilité des résultats. La majorité des patients (68%) ont reçu une ou deux doses d’HBPM avant randomisation. Seul un tiers n’a pas reçu d’anticoagulant avant randomisation. Il n’y a pas de différence à ce sujet entre les deux bras. La durée de la thromboprophylaxie a été laissée à la discrétion de l’investigateur local, cette durée s’est avérée similaire entre les deux bras. Cela signifie que dans l’essai, l’aspirine a été en pratique donnée après une ou deux doses d’anticoagulants et pour une durée variable, ce qui ne permet pas au praticien d’avoir un schéma bien défini pour l’administration du traitement préventif. Pour les traumatismes, il n’existe qu’une seule autre étude ayant testé la question. Cet essai français (4) est de petite taille (329 patients) et a un design de supériorité avec, comme critère principal, un indice composite de complications hémorragiques, d'infection profonde du site opératoire, de thrombose veineuse profonde, d'embolie pulmonaire et de décès dans les 90 jours suivant la blessure. La différence entre les deux bras n’est pas statistiquement significative avec, respectivement pour les bras aspirine et HBPM, 59,9 et 59,4% de malades sans événement dans les 90 premiers jours.
Que disent les guides de pratique clinique?
Dans ses recommandations de pratique clinique, l’American College of Chest Physicians (5) propose en 2012, en cas de fracture de la hanche, une thromboprophylaxie par HBPM ou aspirine. Dans son guide pratique clinique de 2018, l’European Society of Anaesthesiology (6) propose en option l’aspirine dans la même indication.
Conclusion de Minerva
Les auteurs concluent que la thromboprophylaxie par aspirine est non inférieure à l’HBPM pour la prévention des événements mortels chez les patients ayant subi un traumatisme orthopédique et est associée à de faibles fréquences de thrombose veineuse profonde, d'embolie pulmonaire et de décès toutes causes confondues à 90 jours.
Malgré certaines limitations méthodologiques, les résultats sont cliniquement significatifs et sont en faveur de l’aspirine en cas de traumatisme orthopédique en raison de ses coûts inférieurs et de son administration moins lourde que celle d’injections d’HBPM. Le schéma (durée de la prophylaxie, injection préalable d’une ou deux doses d’HBPM) reste cependant à préciser.
- Sculier JP. L’aspirine, une alternative de plus en plus sérieuse à un anticoagulant en thromboprophylaxie après placement d’une prothèse totale de la hanche ou du genou. MinervaF 2021;20(3):28‑32.
- Matharu GS, Kunutsor SK, Judge A, et al. Clinical effectiveness and safety of aspirin for venous thromboembolism prophylaxis after total hip and knee replacement: a systematic review and meta-analysis of randomized clinical trials. JAMA Intern Med 2020;180:376-84. DOI: 10.1001/jamainternmed.2019.6108
- Major Extremity Trauma Research Consortium (METRC). Aspirin or low-molecular-weight heparin for thromboprophylaxis after a fracture. N Engl J Med 2023;388:203‑13. DOI: 10.1056/NEJMoa2205973
- Haac BE, O’Hara NN, Manson TT, et al. Aspirin versus low-molecular-weight heparin for venous thromboembolism prophylaxis in orthopaedic trauma patients: a patient-centered randomized controlled trial. PLoS One 2020;15:e0235628. DOI: 10.1371/journal.pone.0235628
- Falck-Ytter Y, Francis CW, Johanson NA, et al. Prevention of VTE in orthopedic surgery patients. Chest 2012;141(2 Suppl):e278S-e325S. DOI: 10.1378/chest.11-2404
- Afshari A, Ageno W, Ahmed A, D, et al. European guidelines on perioperative venous thromboembolism prophylaxis: executive summary. Eur J Anaesthesiol 2018;35:77‑83. DOI: 10.1097/EJA.0000000000000729