Texte sous la responsabilité de la rédaction néerlandophone

Sur la base d’une étude cas-témoins ayant montré un lien entre le lorazépam et l’incidence des fractures de la hanche chez les personnes âgées, nous n’avons précédemment pas pu tirer de conclusion dans la revue Minerva concernant l’« innocuité » des autres benzodiazépines (1,2). Une méta-analyse a montré (3,4) qu’en raison d’un déséquilibre du rapport coûts/bénéfices, les somnifères n’ont pas leur place dans le traitement de l’insomnie (chronique) de la personne âgée. Une vaste méta-analyse récente (5) a confirmé le lien entre les chutes chez les personnes âgées et la consommation de benzodiazépines (OR de 1,57 avec IC à 95% de 1,43 à 1,72), ainsi qu’avec celle de neuroleptiques et d’antipsychotiques (OR de 1,59 avec IC à 95% de 1,37 à 1,83) et celle d’antidépresseurs (OR de 1,68 avec IC à 95% de 1,47 à 1,91).

Une étude cas-témoins (6) et une étude de cohorte rétrospective (7) ont précédemment suggéré un risque accru de chute également avec les hypnotiques apparentés aux benzodiazépines, aussi appelés “Z-Drugs” (zopiclone, zolpidem). La validité de ces études a cependant été remise en cause. Les résultats peuvent en effet aussi s’expliquer par une différence des caractéristiques de base entre les personnes à qui un somnifère était prescrit et les autres.

Une récente et vaste étude en cas croisés a été conçue dans le but d’éviter ces facteurs de confusion (8). Pour chaque patient ayant une fracture de la hanche, la prise d’une Z-Drug au cours du mois précédant la fracture (période de risque) a été comparée à la prise entre le mois 2 et le mois 3 et entre le mois 4 et le mois 5 avant la fracture (période témoin). Les chercheurs ont inclus 15 528 personnes âgées résidant en maison de repos et de soins et ayant une fracture de la hanche documentée entre le 1er juillet 2007 et le 31 décembre 2008. Au total, 11% d’entre elles prenaient un hypnotique apparenté aux benzodiazépines. L’analyse a concerné les résidents qui avaient pris une Z-Drug durant la période de risque ou bien durant la période témoin, mais pas au cours des deux périodes. L’âge moyen est de 81 ans (ET 9,7 ans), et la proportion de femmes est de 77,6%. Le risque de fracture de la hanche est plus élevé chez les personnes qui ont pris ce médicament au cours des trente jours avant la fracture que chez celles qui n’en ont pas pris (OR de 1,66 avec IC à 95% de 1,45 à 1,90). Le lien entre la consommation d’une Z-Drug et la fracture de la hanche est plus marqué dans le sous-groupe des personnes qui ont consommé ce médicament plus récemment (< 15 jours avant la fracture) (OR de 2,20 avec IC à 95% de 1,76 à 2,74). Ce lien a également une tendance plus marquée en cas de légère détérioration cognitive qu’en cas de détérioration cognitive modérée à grave (OR de 1,86 (avec IC à 95% de 1,56 à 2,21) versus 1,43 (avec IC à 95% de 1,15 à 1,77) ; p = 0,06), en cas de limitation fonctionnelle légère qu’en cas de limitation fonctionnelle sévère ou totale (OR de 1,84 (avec IC à 95% de 1,40 à 2,42) versus 1,16 (avec IC à 95% de 0,75 à 1,79) ; p = 0,11) et est plus marqué en cas d’aide limitée qu’en cas d’aide complète lors des transferts (OR de 2,02 (avec IC à 95% de 1,65 à 2,48) versus 1,43 (avec IC à 95% de 1,14 à 1,79) ; p = 0,02).

Les résultats de cette étude indiquent donc que les Z-Drugs augmentent le risque de fracture chez les résidents de maison de repos. Ils viennent étayer la recommandation de Domus Medica concernant l’insomnie (9) qui donne la préférence à une approche non médicamenteuse de l’insomnie, de même que le Formulaire MRS (10) qui, en cas d’insomnie chez la personne âgée, déconseille l’administration d’hypnotiques aux personnes âgées.

Conclusion

Cette importante étude transversale, conçue de manière rigoureuse, montre que les hypnotiques apparentés à la classe des benzodiazépines (alias Z-Drugs), augmentent le risque de fracture de la hanche chez la personne âgée résidant en maison de repos.

Références

1. Piefitte C, Macouillard M, Chaslerie A, et al. Benzodiazepines and hip fractures in elderly people: case-control study. BMJ 2001;322:704-8.
2. Declercq T. Breken bejaarden die benzodiazepines gebruiken vaker hun heup? Minerva 2002;31(3):152-4.
3. Habraken H, Declercq T. Sédatifs chez les personnes âgées insomniaques. MinervaF 2006;5(8):124-6.
4. Glass J, Lanctôt KL, Herrmann N, et al. Sedative hypnotics in older people with insomnia: meta-analysis of risks and benefits. BMJ 2005;331:1169-73.
5. Woolcott JC, Richardson KJ, Wiens MO, et al. Meta-analysis of the impact of 9 medication classes on falls in elderly persons. Arch Intern Med 2009;169:1952-60.
6. Wang PS, Bohn RL, Glynn RJ, et al. Zolpidem use and hip fractures in older people. J Am Geriatr Soc 2001;49:1685-90.
7. Finkle WD, Der JS, Greenland S, et al. Risk of fractures requiring hospitalization after an initial prescription for zolpidem, alprazolam, lorazepam, or diazepam in older adults. J Am Geriatr Soc 2011;59:1883-90.
8. Berry SD, Lee Y, Cai S, Dore DD. Nonbenzodiazepine sleep medication use and hip fractures in nursing home residents. JAMA Intern Med 2013;173:754-61.
9. Declercq T, Rogiers R, Habraken H, et al. Aanpak van slapeloosheid in de eerste lijn. Aanbeveling voor goede medische praktijkvoering. Domus Medica 2005.
10. Formulaire MRS 2013. Guide pour la prescription rationnelle de médicaments chez les personnes âgées.