Texte sous la responsabilité de la rédaction néerlandophone

La revue Minerva a précédemment conclu que le dépistage systématique de l’anévrisme de l’aorte abdominale par une échographie unique chez les hommes âgés de 64 à 73 ans diminue bien la mortalité associée à cette pathologie, mais non la mortalité totale (1-4). Actuellement, il n’existe pas encore de consensus sur le délai optimal à observer entre deux échographies dans le cadre d’un suivi structuré après la découverte d’un anévrisme de l’aorte abdominale.

Une récente méta-analyse (5) a utilisé les données de 15 471 patients qui ont passé des échographies à plusieurs reprises pour un anévrisme de l’aorte abdominale (diamètre aortique entre 3 et 5,4 cm) découvert à l’occasion d’un dépistage. Selon l’étude, la durée du suivi allait d’1 à 8 ans. Les patients présentant une rupture de l’aorte, ceux dont l’aorte avait un diamètre ≥ 5,5 cm et ceux qui ont subi une intervention non urgente n’ont pas été suivis ultérieurement. La plupart des études prennent 5,5 cm comme seuil pour une intervention chirurgicale.

La revue Minerva avait conclu à l’absence d’une base scientifique en faveur d’une intervention immédiate en cas d’anévrisme de l’aorte abdominale dont le diamètre est inférieur à 5 cm (6). Dans un autre commentaire, nous sommes arrivés à la conclusion que, pour les anévrismes de l’aorte abdominale à partir de 5,5 cm, la chirurgie à ciel ouvert et la pose d’un stent endovasculaire se valent, mais que le stent va de pair avec un plus grand nombre de réinterventions (7). En cumulant les données des différentes études en analyse suivant un modèle d’effets aléatoires, les auteurs ont essayé d’estimer le risque de rupture ou d’augmentation du diamètre à 5,5 cm dans un délai donné. Plus l’anévrisme de l’aorte abdominale augmentait en taille, plus une accélération de sa croissance était observée ainsi qu’une augmentation du risque de rupture. Pour une augmentation de 0,5 cm du diamètre de l’anévrisme, sa vitesse de croissance augmentait de 0,59 mm par an (IC à 95 % de 0,51 à 0,66), et le risque de rupture était multiplié par un facteur 1,91 (IC à 95 % de 1,61 à 2,25). Les auteurs ont constaté une importante hétérogénéité statistique entre les différentes études qui s’explique partiellement par un taux de croissance plus élevé chez les fumeurs et les personnes non diabétiques. Pour rendre les chiffres plus concrets, les auteurs les ont repris dans un graphique indiquant, pour un diamètre de l’anévrisme de 3 cm, de 4 cm et de 5 cm, le délai d’augmentation à 5,5 cm et le délai de rupture chez un pourcentage déterminé de patients. Ainsi, pour les personnes chez qui le diamètre aortique est ≤ 4 cm, il atteindra 5,5 cm chez 10 % d’entre elles après plus de 3 ans, et une rupture de l’anévrisme surviendra chez 1 % d’entre elles après au moins 3,5 ans.

Le guide de pratique Duodecim « Anévrisme de l’aorte et dissection » (8) préconise un contrôle échographique tous les 24 mois pour les anévrismes d’un diamètre n’excédant pas 3,0 à 3,5 cm et tous les 12 mois pour les anévrismes d’un diamètre n’excédant pas de 3,6 à 4,5 cm. En absence de croissance, les visites de suivi peuvent être moins fréquentes et même être arrêtées. Les anévrismes de diamètre supérieur à 4,5 cm sont généralement suivis tous les 6 mois. L’étude précédemment citée montre que, pour les anévrismes dont le diamètre est ≤ 4 cm, l’intervalle de suivi peut être allongé jusqu’à 3 ans. Pour les anévrismes d’un diamètre de 4 à 4,4 cm, la surveillance peut se faire seulement tous les 2 ans, et, pour les anévrismes d’un diamètre de 4,5 à 5,4 cm, une fois par an suffit.

Conclusion de Minerva 

Cette méta-analyse de 15 741 patients présentant un anévrisme de l’aorte abdominale d’un diamètre situé entre 3 cm et 5,5 cm montre que l’intervalle actuellement observé pour les contrôles échographiques peut être allongé. L’importante hétérogénéité statistique entre les 18 études incluses demande une recherche plus approfondie concernant le suivi de l’anévrisme de l’aorte abdominale dans des populations de patients particulières.  

Références

1. Bruyninckx R. Dépistage de l'anévrisme abdominal. MinervaF 2004;3(1):14-6.
2. Chevalier P. Dépistage de l’anévrisme abdominal. MinervaF 2007;6(8):128.
3. Chevalier P. Dépistage de l’anévrisme abdominal (suite). MinervaF 2010;9(3):38.
4. Chevalier P. Bénéfice à long terme du dépistage de l’anévrisme aortique abdominal? Minerva online 28/02/2011.
5. Bown MJ, Sweeting MJ, Brown LC, et al; RESCAN Collaborators. Surveillance intervals for small abdominal aortic aneurysms: a meta-analysis. JAMA 2013;309:806-13.
6. Bruyninckx R. Anévrysme de l'aorte abdominale: opérer ou attendre. MinervaF 2003;2(6):96-8.
7. Chevalier P. Anévrisme de l'aorte abdominale : quel traitement ? Minerva online 27/09/2010.
8. Anévrisme et dissection aortiques. Duodecim Medical Publications Ltd 2010 [visité le 13 novembre 2013]; URL : https://www.ebmpracticenet.be/nl/paginas/default.aspx?ebmid=ebm00086