Analyse


Associer varénicline et traitement de substitution nicotinique ?


15 03 2015

Professions de santé

Analyse de
Koegelenberg CFN, Noor F, Bateman ED, et al. Efficacy of varenicline combined with nicotine replacement therapy vs varenicline alone for smoking cessation. JAMA 2014;312:155-61.


Conclusion
Cette RCT multicentrique, menée en double aveugle, montre que, chez des adultes avec une dépendance modérée à la nicotine mais avec un tabagisme actif de longue durée, l’association varénicline et patch de nicotine conduit à un taux d’abstinence continue plus élevé que la varénicline seule. Ce résultat est cependant en contradiction avec d’autres études, et il conviendrait de mener des recherches plus approfondies.


Associer varénicline et traitement de substitution nicotinique ?

 


 

Outre les conseils lors de l’accompagnement à l’arrêt du tabagisme, la pharmacothérapie est un élément essentiel pour augmenter les chances d’abstinence (1). Diverses stratégies thérapeutiques sont conseillées et étudiées pour optimaliser l’efficacité des médicaments qui existent pour arrêter de fumer (2). L’association de médicaments en fait partie (3-8). Suite à une RCT comparant différentes stratégies d’arrêt du tabagisme, nous avions conclu dans Minerva que l’association de deux préparations de substitution nicotinique ayant des profils pharmacothérapeutiques différents (patch + pastilles à sucer) et l’association de médicaments axés sur des aspects thérapeutiques différents (bupropion et traitement de substitution nicotinique) sont plus efficaces qu’une monothérapie (5). L’efficacité de l’association de varénicline et de bupropion a récemment été évaluée (9-11). Par ailleurs, parmi les dernières études, nombreuses sont celles qui portaient sur l’association de varénicline et d’un traitement de substitution nicotinique.

Dans une RCT publiée en 2014 (12), menée en double aveugle, multicentrique, contrôlée par placebo, a inclus 446 participants (171 hommes et 275 femmes) âgés en moyenne de 46,3 ans, présentant une dépendance modérée à la nicotine, ayant des antécédents de tabagisme depuis 26 ans en moyenne, consommant en moyenne 15 à 16 cigarettes par jour et ayant déjà essayé une ou deux fois d’arrêter de fumer (arrêt ne dépassant pas 3 mois au cours de l’année écoulée), qui ont été randomisés en 2 groupes : un groupe intervention recevant pendant 14 semaines de la varénicline et un patch de nicotine actif (n = 222) et un groupe témoin recevant de la varénicline et un patch de placebo (n = 224). 12 semaines après la date d’arrêt prévue, dans une analyse en intention de traiter, les résultats montrent que le taux d’abstinence continue (Continuous Abstinence Rate, CAR) contrôlé par dosage du CO était plus élevé dans le groupe intervention que dans le groupe témoin : 55,4% contre 40,9% (RC de 1,85 (avec IC à 95% de 1,19 à 2,89), p = 0,007). Il y avait donc environ 15% de patients en plus qui avaient complètement arrêté de fumer entre la semaine 9 et la semaine 12, avec confirmation par mesure de la concentration en CO en fin d’expiration à la semaine 12. De la semaine 9 à la semaine 24, le taux d’abstinence continue était également plus élevé dans le groupe intervention que dans le groupe témoin : 49,0% contre 32,6% (RC de 1,98 (avec IC à 95% de 1,25 à 3,14), p = 0,004). Il n’y avait pas de différence entre les groupes quant aux effets indésirables, à part un nombre significativement plus élevé de réactions cutanées dans le groupe avec patch de nicotine.

Face à ces résultats favorables, quelques observations sont toutefois nécessaires. Les critères d’inclusion et d’exclusion étant stricts, de nombreuses comorbidités ont été exclues. En outre, les participants ne présentant qu’une dépendance modérée à la nicotine, la généralisation des résultats à toute la population des fumeurs dans la pratique de médecine générale n’est pas possible. Il faut également remarquer que les résultats favorables de cette étude sont en contradiction avec ceux d’autres études (13-15). Plusieurs arguments peuvent expliquer cette contradiction : taille de l’échantillon trop petite et participation rémunérée (pouvant impliquer une moindre motivation pour arrêter de fumer) dans l’étude de Hajek (14), différences de critères d’inclusion et d’exclusion et de profil de dépendance des participants entre les études, début du traitement par patch de nicotine avant le jour de l’arrêt du tabagisme dans l’étude discutée ici. La justification clinique pour l’association de varénicline et d’un traitement de substitution nicotinique n’est donc pas confirmée par toutes les études existantes. En conséquence, des études futures devront nuancer et rectifier les connaissances actuelles pour définir d’éventuels indicateurs permettant d’identifier les sous-groupes susceptibles de tirer plus ou moins profit de cette association thérapeutique.

 

Conclusion 

Cette RCT multicentrique, menée en double aveugle, montre que, chez des adultes avec une dépendance modérée à la nicotine mais avec un tabagisme actif de longue durée, l’association varénicline et patch de nicotine conduit à un taux d’abstinence continue plus élevé que la varénicline seule. Ce résultat est cependant en contradiction avec d’autres études, et il conviendrait de mener des recherches plus approfondies.

 

 

Références

  1. Stead LF, Lancaster T. Behavioural interventions as adjuncts to pharmacotherapy for smoking cessation. Cochrane Database Syst Rev 2012, Issue 12.
  2. Carpenter MJ, Jardin BF, Burris JL, et al. Clinical strategies to enhance the efficacy of nicotine replacement therapy for smoking cessation: a review of the literature. Drugs 2013;73:407-26.
  3. Berlin I. Therapeutic strategies to optimize the efficacy of nicotine replacement therapies. COPD 2009;6:272-6.
  4. Ebbert JO, Hays JT, Hurt RD. Combination pharmacotherapy for stopping smoking: what advantages does it offer? Drugs 2010;70:643-50.
  5. Laekeman G, Poelman T. Poly- plutôt que monothérapie médicamenteuse pour l’arrêt du tabac ? Minerva online 25/11/2010.
  6. Smith SS, McCarthy DE, Japuntich SJ, et al. Comparative effectiveness of 5 smoking cessation pharmacotherapies in primary care clinics. Arch Intern Med 2009;169:2148-55.
  7. Mills EJ, Wu P, Lockhart I, et al. Comparisons of high-dose and combination nicotine replacement therapy, varenicline, and bupropion for smoking cessation: a systematic review and multiple treatment meta-analysis. Ann Med 2012;44:588-97.
  8. Loh WY, Piper ME, Schlam TR, et al. Should all smokers use combination smoking cessation pharmacotherapy? Using novel analytic methods to detect differential treatment effects over 8 weeks of pharmacotherapy. Nicotine Tob Res 2012;14:131-41.
  9. Ebbert JO, Croghan IT, Sood A, et al. Varenicline and bupropion sustained-release combination therapy for smoking cessation. Nicotine Tob Res 2009;11:234-9.
  10. Rose JE, Behm FM. Combination treatment with varenicline and bupropion in an adaptive smoking cessation paradigm. Am J Psychiatry 2014; Jun 17. doi: 10.1176/appi.ajp.2014.13050595. [Epub ahead of print].
  11. Ebbert JO, Hatsukami DK, Croghan IT, et al. Combination varenicline and bupropion SR for tobacco-dependence treatment in cigarette smokers: a randomized trial. JAMA 2014;311:155-63.
  12. Koegelenberg CF, Noor F, Bateman ED, et al. Efficacy of varenicline combined with nicotine replacement therapy vs varenicline alone for smoking cessation. JAMA 2014;312:155-61.
  13. Ramon JM, Morchon S, Baena A, Masuet-Aumatell C. Combining varenicline and nicotine patches: a randomized controlled trial study in smoking cessation. BMC Med 2014;12:172.
  14. Hajek P, Smith KM, Dhanji AR, McRobbie H. Is a combination of varenicline and nicotine patch more effective in helping smokers quit than varenicline alone? A randomised controlled trial. BMC Med 2013;11:140.
  15. Ebbert JO, Burke MV, Hays JT, Hurt RD. Combination treatment with varenicline and nicotine replacement therapy. Nicotine Tob Res 2009;11:572-6.

 

 

 

 


Auteurs

Boudrez H.
psycholoog-tabacoloog, Universiteit Gent
COI :

Glossaire

Code





Ajoutez un commentaire

Commentaires