Analyse


Faut-il opérer les lésions méniscales dégénératives ?


15 04 2015

Professions de santé

Analyse de
Sihvonen R, Paavola M, Malmivaara A, et al; Finnish Degenerative Meniscal Lesion Study (FIDELITY) Group. Arthroscopic partial meniscectomy versus sham surgery for a degenerative meniscal tear. N Engl Med J 2013;369;2515-24.


Conclusion
Cette étude randomisée et cette méta-analyse confirment que, comme cela était déjà admis pour le genou arthrosique, le débridement méniscal arthroscopique versus un simulacre d’intervention n’apporte pas de bénéfice clinique à 12 mois en cas de lésion méniscale dégénérative chez les patients d’âge moyen ne présentant pas d’arthrose avérée ou avec une forme modérée.


Faut-il opérer les lésions méniscales dégénératives ?

En 2008, nous avions analysé pour Minerva (1), la RCT de Kirley (2) qui questionnait le lecteur sur le bien-fondé de la chirurgie endoscopique dans l’arthrose du genou. Les auteurs concluaient qu’une chirurgie endoscopique n’apportait aucune plus-value thérapeutique par rapport à une prise en charge médicale et physique. Cette étude avait pour faiblesse que les patients opérés ou non ne pouvaient ignorer le traitement choisi. Une étude plus ancienne de 2002 (3) avait eu recours à un simulacre d’intervention (à savoir l’incision cutanée uniquement) et était arrivée aux mêmes conclusions avec néanmoins une moindre rigueur dans l’utilisation des outils d’évaluation clinique. Il est maintenant clairement admis que la chirurgie arthroscopique pour lésions méniscales dégénératives du genou arthrosique n’est pas supérieure à un traitement conservateur isolé (4).

La question de l’intérêt de la chirurgie endoscopique du genou, ici dans le cadre de lésions méniscales dégénératives en dehors d’un contexte arthrosique, avéré, est reprise par des auteurs finlandais (5).

Le concept de lésions méniscales dégénératives est supporté par les études anatomiques de Noble J. en 1977 (6). Elles concernent principalement la partie postérieure du ménisque interne et sont retrouvées macroscopiquement chez 18,6% des sujets autopsiés de moins de 55 ans et à l’examen microscopique dans 76% des ménisques macroscopiquement normaux.

 

Sihvonen et al (5) ont sélectionné 146 patients de 35 à 65 ans présentant des gonalgies depuis > 3 mois et sans évolution clinique favorable sous traitement conventionnel, et dont l’examen clinique est compatible avec une lésion dégénérative du ménisque interne sans signe radiologique d’arthrose. Des antécédents traumatiques coïncidant avec le début de la symptomatologie étaient une cause d’exclusion.

Tous les patients ont eu une arthroscopie diagnostique avec une technique identique. En cours d’intervention les patients ont été dirigés vers un des deux bras de l’étude randomisée. Dans la série traitée, la partie anormale et les lésions flottantes du ménisque ont été régularisées au shaver et au rongeur. Dans l’autre groupe, le chirurgien a introduit les instruments sans procéder à la régularisation méniscale. Les soins postopératoires ont été identiques dans les deux groupes.

L’évaluation préopératoire a été axée sur l’importance de la douleur. L’évaluation au terme de l’étude, 12 mois après l’intervention, a été faite avec le Lysholm knee score (7) et le WOMET (Western Ontario Meniscal Evaluation Tool) (8) qui est une échelle de qualité de vie spécialement validée pour les lésions méniscales. Des évaluations intermédiaires ont été réalisées à 2 mois et à 6 mois. Les patients ont également été interrogés sur leur perception de ce qui avait été réalisé comme intervention (une simple arthroscopie diagnostique ou une arthroscopie interventionnelle).

Les critères de jugement primaires (douleur, qualité de vie) étaient améliorés à 12 mois, sans différence significative entre les deux groupes. Il n’a pas été mis en évidence de différence quant à la fréquence d’intervention secondaire ou d’effet indésirable. 2 patients ayant subi la régularisation méniscale et 5 patients dans le groupe témoin ont dû être opérés au cours du suivi de l’étude.

Il est remarquable de noter que les patients n’ont pas pu identifier le groupe auquel ils appartenaient : 47% des patients régularisés pensaient être dans le groupe témoin et 38% des patients ayant simplement subi une arthroscopie diagnostique pensaient avoir été régularisés.

 

Cette étude ne permet pas de confirmer si les lésions dégénératives du ménisque participent au processus de dégénérescence arthrosique du genou. Il serait bien entendu très intéressant de suivre l’évolution de ces genoux et d’évaluer si la régularisation méniscale a contribué à ralentir la dégénérescence arthrosique.

 

La méta-analyse de Khan (9) publiée en août 2014 confirme les résultats de cette étude randomisée. Ces auteurs concluent, avec un niveau de preuve modéré, que le débridement méniscal arthroscopique versus pas d’intervention n’apporte pas de bénéfice en cas de lésion méniscale dégénérative chez les patients d’âge moyen sans arthrose du genou ou avec une forme modérée.

 

Suite à la publication de Kirley et al. en 2008 (2) qui venait après celle de Moseley (3) diffusée dès 2002 parmi les chirurgiens orthopédistes, le nombre d’interventions arthroscopiques pour traiter des genoux arthrosiques a drastiquement diminué aux Etats-Unis. Par contre le nombre de méniscectomies partielles a continué à augmenter atteignant le nombre de 700 000 par an, ce qui constitue une dépense de santé considérable.

 

Conclusion

Cette étude randomisée et cette méta-analyse confirment que, comme cela était déjà admis pour le genou arthrosique, le débridement méniscal arthroscopique versus un simulacre d’intervention n’apporte pas de bénéfice clinique à 12 mois en cas de lésion méniscale dégénérative chez les patients d’âge moyen ne présentant pas d’arthrose avérée ou avec une forme modérée.

 

 

 

Références

  1. Rombouts JJ. Chirurgie arthroscopique des genoux arthrosiques ? MinervaF 2009;8(8):102-3.
  2. Kirkley A, Birmingham TB, Litchfield RB, et al. A randomized trial of arthroscopic surgery for osteoarthritis of the knee. N Engl J Med 2008;359:1097-107.
  3. Moseley JB, O’Malley K, Petersen NJ, et al. A controlled trial of arthroscopic surgery for osteoarthritis of the knee. N Engl J Med 2002;347:81-8.
  4. Katz JN, Brophy RH, Cjaisson CE, et al. Surgery versus physical therapy for a meniscal tear and osteoarthritis. N Engl J Med 2013;368:1675-84
  5. Sihvonen R, Paavola M, Malmivaara A, et al; Finnish Degenerative Meniscal Lesion Study (FIDELITY) Group. Arthroscopic partial meniscectomy versus sham surgery for a degenerative meniscal tear. N Engl Med J 2013;369;2515-24.
  6. Noble J. Lesions of the menisci. Autopsy incidence in adults less than fifty-five years old. J Bone Joint Surg Am 1977;59:480-3.
  7. Briggs KK, Kocher MS, Rodkey WG, Steadman JR. Reliability, validity and responsiveness of the Lysholm knee score and Tegner activity for patients with meniscal injury of the knee. J.Bone Joint Surg Am 2006;88:698-705.
  8. Kirkley A, Griffin S, Whelan D. The development and validation of a quality of life-measurement tool for patients with meniscal pathology: the Western Ontario Meniscal evaluation tool (WOMET). Clin J Sport Med 2007;17:349-56.
  9. Khan M, Evaniew N, Bedi A, et al. Arthroscopic surgery for degenerative tears of the meniscus: a systematic review and meta-analysis. CMAJ 2014;186:1057-64.

 

 

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Auteurs

Rombouts J.J.
professeur émérite, UCL
COI :

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