Analyse


Apixaban : moins d’hémorragies qu’avec les AVK ?


15 09 2015

Professions de santé

Analyse de
Touma L, Filion KB, Atallah R, et al. A meta-analysis of randomized controlled trials of the risk of bleeding with apixaban versus vitamin K antagonists. Am J Cardiol 2015;115:533-41.


Conclusion
Cette méta-analyse de 5 RCTs comparant l’apixaban à un AVK dans diverses indications (fibrillation auriculaire, thromboembolie veineuse et prothèse totale de genou) montre un risque hémorragique et de décès moindre sous apixaban, mais l’hétérogénéité des résultats est considérable et un biais de mention de certains résultats est possible.


 

L’effet indésirable le plus redouté d’un traitement anticoagulant est la survenue d’une hémorragie. Dans la méta-analyse en réseau bayésienne de Castellucci et al. (1) publiée en 2013 que nous avons analysée dans la revue Minerva (2), le risque d’hémorragie majeure est évalué pour les antagonistes de la vitamine K (AVK) et pour les nouveaux anticoagulants (NACOs) versus placebo ou observation. Nous avons souligné la rareté des comparaisons directes, insistant sur la valeur essentiellement indicative des comparaisons possibles :

 

 

Risque de saignement majeur

OR (I Cr à 95%)

Nombre d’épisodes de saignement majeur par 100 années-patient (I Cr à 95%)

AVK

5,24 (1,78 à 18,25)

1,3 en plus (0,2 en plus à 5 en plus)

Apixaban 5 mg 2x/j

0,19 (0,01 à 1,78)

0,26 en moins (0,32 en moins à 0,2 en plus)

Apixaban 2,5 mg 2x/j

0,46 (0,05 à 2,82)

0,2 en moins (0,3 en moins à 0,6 en plus)

Dabigatran 150 mg 2x/j

2,79 (0,79 à 11,69)

0,6 en plus (0,1 en moins à 3,2 en plus)

Rivaroxaban 20 mg/j

20,79 (1,31 à 14,230)*

5,7 en plus (0,1 en plus à 62,1 en plus)

 * : 1 seule étude prise en compte

 Source: Castellucci LA, Cameron C, Le Gal G, et al. Efficacy and safety outcomes of oral anticoagulants and antiplatelet drugs in the secondary prevention of venous thromboembolism: systematic review and network meta-analysis. BMJ 2013;347:f5133.

 

Ces résultats montrent une probable incidence moindre de saignements majeurs pour l’apixaban versus autres anticoagulants oraux, mais pour aucun NACO (sauf le rivaroxaban mais le résultat est très peu fiable) le risque n’est nul versus placebo ou observation. S’il semble moindre pour les NACOs que pour les AVK, rappelons qu’il s’agit essentiellement de comparaisons indirectes dans cette méta-analyse en réseau.

Touma et al. publient en 2014 (3) une méta-analyse des RCTs avec comparaison directe entre l’apixaban et un AVK (warfarine en forte majorité). Au total, 5 RCTs sont incluses : 2 RCTs chez des patients (n = 18358) en fibrillation auriculaire (FA), 1 RCT chez des patients (n = 458) avec prothèse totale de genou (PTG), 2 RCTs chez des patients (n = 5619) avec thromboembolie veineuse (TEV). Ces auteurs montrent des résultats en faveur de l’apixaban (généralement 2 x 5 mg/j) versus AVK pour différents critères :

  • tous saignements : RR 0,73 (avec IC à 95% de 0,59 à 0,90), test I² 83,6%
  • saignements majeurs ou non majeurs mais cliniquement pertinents : RR 0,60 (avec IC à 95% de 0,40 à 0,88), test I² 82,3%
  • saignements majeurs : RR 0,57 (avec IC à 95% de 0,18 à 1,18), test I² 62,4%
  • décès de toute cause : RR 0,89 (avec IC à 95% de 0,81 à 0,99), test I² à 0%.

Ces résultats indiquent une hétérogénéité substantielle à considérable, sauf pour la mortalité globale, mais pour ce critère, la pertinence clinique est limite (borne de l’IC à 0,99) et aucune des RCTs ne montre un résultat franchement statistiquement significatif (borne de l’IC à 0,99 dans l’étude ARISTOTLE (4) commentée dans Minerva (5)).

Pour l’anticoagulation dans la FA, 2 RCTs sont reprises : l’étude ARISTOTLE précitée (n = 18201) et l’étude ARISTOTLE-J (6) qui concerne une population japonaise (n = 222). Aucun résultat pour les critères susnommés n’est statistiquement significatif dans l’étude ARISTOTLE-J (avec warfarine en protocole ouvert et 2 doses d’apixaban en aveugle), avec une grande dispersion des résultats (liée au faible nombre de patients inclus). Cette publication des résultats non favorables aux NACOs d’une sous-population japonaise amène à s’interroger sur la possibilité d’autres mentions incomplètes dans la grande étude ARISTOTLE : les résultats d’autres sous-populations ont-ils été oubliés (non publiés), ce qui pourrait expliquer les résultats favorables de cette étude versus autres études avec d’autres NACOs ?

 

Conclusion

Cette méta-analyse de 5 RCTs comparant l’apixaban à un AVK dans diverses indications (fibrillation auriculaire, thromboembolie veineuse et prothèse totale de genou) montre un risque hémorragique et de décès moindre sous apixaban, mais l’hétérogénéité des résultats est considérable et un biais de mention de certains résultats est possible.

 

Références

  1. Castellucci LA, Cameron C, Le Gal G, et al. Efficacy and safety outcomes of oral anticoagulants and antiplatelet drugs in the secondary prevention of venous thromboembolism: systematic review and network meta-analysis. BMJ 2013;347:f5133.
  2. Chevalier P. Quel traitement antithrombotique en prévention secondaire post thromboembolie veineuse ? MinervaF 2014;13(5):56-7.
  3. Touma L, Filion KB, Atallah R, et al. A meta-analysis of randomized controlled trials of the risk of bleeding with apixaban versus vitamin K antagonists. Am J Cardiol 2015;115:533-41.
  4. Granger CB, Alexander JH, McMurray JJ, et al; ARISTOTLE Committees and Investigators. Apixaban versus warfarin in patients with atrial fibrillation. N Engl J Med 2011;365:981-92.
  5. Chevalier P. FA et nouveaux anticoagulants oraux : l’apixaban. Minerva online 28/10/2011.
  6. Ogawa S, Shinohara Y, Kanmuri K. Safety and efficacy of the oral direct factor Xa inhibitor apixaban in Japanese patients with non-valvular atrial fibrillation. The ARISTOTLE-J study. Circ J 2011;75:1852-9.

 




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