Analyse


Antipsychotiques ou autres médicaments psychotropes chez les patients atteints de démence : risque de décès augmenté ?


17 12 2015

Professions de santé

Analyse de
Maust DT, Kim HM, Seyfried LS, et al. Antipsychotics, other psychotropics and the risk of death in patients with dementia: number needed to harm. JAMA Psychiatry 2015;72:438-45.


Conclusion
Cette large étude d’observation rétrospective permet d’observer que le risque absolu de mortalité augmente chez les personnes âgées atteintes de démence en cas de prise d’antipsychotiques, tant typiques qu’atypiques, versus absence de traitement ou versus traitement par antidépresseurs. De plus, le risque de mortalité s’avère dose-dépendant pour les antipsychotiques atypiques.


 

Minerva a déjà mentionné à plusieurs reprises l’utilité de diminuer progressivement les antipsychotiques chez les personnes âgées atteintes de démence et la faisabilité d’appliquer cette mesure (1-8). Minerva a également discuté le fait que l’approche pharmacologique des troubles du comportement chez les personnes âgées atteintes de démence n’est que partiellement ou peu efficace (9-13). Par ailleurs, les antipsychotiques peuvent aussi avoir des effets indésirables graves (14-17). Ces 10 dernières années ont en outre apporté des preuves, en nombre croissant, du lien entre l’utilisation prolongée des antipsychotiques et l’augmentation de la mortalité chez les personnes âgées atteintes de démence (18-20). En 2005, Schneider avait montré dans une synthèse méthodique que, sur une période de 6 à 12 semaines, le risque de décès augmentait de 1% chez les personnes âgées démentes sous antipsychotiques (18-20). Dans une étude de cohorte rétrospective publiée en 2007 (21), une augmentation de la mortalité avait été observée sous antipsychotiques, versus autres médicaments psychotropes.

 

Une nouvelle étude d’observation rétrospective publiée en 2015 (22) avec appariement sur différents facteurs de confusion a examiné le risque absolu de mortalité 180 jours après l’utilisation d’un antipsychotique, de l’acide valproïque ou d’un antidépresseur, versus absence de traitement, chez 90786 patients âgés de plus de 65 ans atteints de démence. Une analyse secondaire a examiné le risque absolu dose-dépendant de décès pour l’olanzapine, la quétiapine et la rispéridone.

 

  • antipsychotiques versus absence d’antipsychotiques : la surmortalité absolue variait de 3,8% pour l’halopéridol (avec IC à 95% de 1,0% à 6,6% ; p < 0,01) et un NNH de 26 (avec IC à 95% de 15 à 99), à 2,0% pour la quétiapine (avec IC à 95% de 0,7% à 3,3% ; p < 0,01) et un NNH de 50 (avec IC à 95% de 30 à 150)
  • dose élevée versus faible dose d’antipsychotiques atypiques (rispéridone, olanzapine, quétiapine) : une augmentation de la mortalité de 3,5% (avec IC à 95% de 0,5% à 6,5% ; p = 0,02) a pu être montrée
  • antidépresseurs versus absence d’antidépresseurs : association à une petite augmentation statistiquement significative de la mortalité de 0,6% (avec IC à 95% de 0,3 à 0,9%) et un NNH de 166 (avec IC à 95% de 107 à 362)
  • antipsychotiques versus antidépresseurs : après correction pour tenir compte de l’âge, du sexe, du nombre d’années de démence, de la présence de délire et d’autres caractéristiques cliniques et démographiques, une augmentation de la mortalité de 12,3% a été observée avec l’halopéridol (avec IC à 95% de 8,6% à 16% ; p < 0,01) et de 3,2% avec la quétiapine (avec IC à 95% de 1,6% à 4,9% ; p < 0,01)
  • Acide valproïque versus absence d’acide valproïque : une augmentation de la mortalité n’a pas pu être montrée.

 

Malgré l’étendue de cette étude d’observation, qui a pris en compte un grand nombre de facteurs de confusion, il n’a pas été possible de corriger les résultats pour tenir compte de certaines données pronostiques importantes comme la gravité de la démence et les symptômes comportementaux et psychiatriques.

 

Conclusion

Cette large étude d’observation rétrospective permet d’observer que le risque absolu de mortalité augmente chez les personnes âgées atteintes de démence en cas de prise d’antipsychotiques, tant typiques qu’atypiques, versus absence de traitement ou versus traitement par antidépresseurs. De plus, le risque de mortalité s’avère dose-dépendant pour les antipsychotiques atypiques.

 

 

Références

  1. Michiels B. Arrêt des antipsychotiques chez les personnes âgées atteintes de démence. Minerva online 15/05/2014.
  2. Declercq T, Petrovic M, Azermai M, et al. Withdrawal versus continuation of chronic antipsychotic drugs for behavioural and psychological symptoms in older people with dementia. Cochrane Database Syst Rev 2013, Issue 3.
  3. Sturtewagen JP. Personnes âgées avec multimorbidité: diminuer les médicaments. Minerva online 15/04/2015.
  4. van der Cammen TJ, Rajkumar C, Onder G, et al. Drug cessation in complex older adults: time for action. Age Ageing 2014;43:20-5.
  5. De Meyere M, Petrovic M. Sevrage de neuroleptiques chez les résidents de home déments. MinervaF 2007;6(7):110-1.
  6. Fossey J, Ballard C, Juszczak E, et al. Effect of enhanced psychosocial care on antipsychotic use in nursing home residents with severe dementia: cluster randomised trial. BMJ 2006;332:756-61.
  7. Chevalier P. Continuer ou arrêter les neuroleptiques chez des patients déments ? MinervaF 2009;8(1):11.
  8. Ballard C, Margallo Lana M, Theodoulou M, et al. A randomised, blinded, placebo-controlled trial in dementia patients continuing or stopping neuroleptics (the DART-AD trial). PLoS Med 2008;5:e76.
  9. Azermai M, Declercq T, Petrovic M. Antipsychotica voor gedragsproblemen bij dementie: evidentie versus de praktijk. Tijdschrift voor Geneeskunde 2014;70:855-60.
  10. De Paepe P, Petrovic M. Traitement médicamenteux des symptômes neuropsychiatriques de la démence. MinervaF 2006;5(2):23-6.
  11. Sink KM, Holden KF, Yaffe K. Pharmacologic treatment of neuropsychiatric symptoms of dementia. A review of the evidence. JAMA 2005;293:596-608.
  12. De Paepe P. Les neuroleptiques atypiques ont-ils une place dans le traitement de la démence? MinervaF 2005;4(3):43-5.
  13. Lee PE, Gill SS, Freedman M, et al. Atypical antipsychotic drugs in the treatment of behavioural and psychological symptoms of dementia: systematic review. BMJ 2004;329:75-8.
  14. Chevalier P. Antipsychotiques et démence. MinervaF 2009;8(4):51.
  15. Rochon PA, Normand SL, Gomes T, et al. Antipsychotic therapy and short-term serious events in older adults with dementia. Arch Intern Med 2008;168:1090-6.
  16. Chevalier P. Antipsychotiques et démence : aggravation plus rapide des troubles cognitifs. Minerva online 28/01/2012.
  17. Vigen CL, Mack WJ, Keefe RS, et al. Cognitive effects of atypical antipsychotic medications in patients with Alzheimer’s disease: outcomes from CATIE-AD. Am J Psychiatry 2011;168:831-9.
  18. Schneider LS, Dagerman KS, Insel P. Risk of death with atypical antipsychotic drug treatment for dementia: meta-analysis of randomized placebo-controlled trials. JAMA 2005;294:1934-43.
  19. Chevalier P. Antipsychotiques en cas de maladie d’Alzheimer et risque de décès. MinervaF 2009;8(8):114.
  20. Ballard C, Hanney ML, Theodoulou M, et al; DART-AD investigators. The dementia antipsychotic withdrawal trial (DART-AD): long-term follow-up of a randomised placebo-controlled trial. Lancet Neurol 2009;8:151-7.
  21. Kales HC, Valenstein M, Kim HM, et al. Mortality risk in patients with dementia treated with antipsychotics versus other psychiatric medications. Am J Psychiatry 2007;164:1568-76.
  22. Maust DT, Kim HM, Seyfried LS, et al. Antipsychotics, other psychotropics and the risk of death in patients with dementia: number needed to harm. JAMA Psychiatry 2015;72:438-45.

 

.

 

 

 


Auteurs

Petrovic M.
sectie Geriatrie, vakgroep Inwendige Ziekten en Pedatrie, Universiteit Gent
COI :

Declercq T.
huisarts ; Vakgroep Huisartsgeneeskunde en Eerstelijnsgezondheidszorg, UGent
COI :

Glossaire

Code





Ajoutez un commentaire

Commentaires