Analyse


Pas de preuve de l’intérêt de traiter un déficit en vitamine D hors ostéoporose chez les femmes en post-ménopause


15 06 2016

Professions de santé

Analyse de
Hansen KE, Johnson RE, Chambers KR, et al. Treatment of vitamin D insufficiency in postmenopausal women: a randomized clinical trial. JAMA Intern Med 2015;175:1612-21.


Conclusion
Cette RCT montre l’absence d’intérêt d’administrer des doses de vitamine D permettant d’atteindre un taux de 25(OH)D ≥ 30 ng/ml dans une population de femmes ménopausées âgées de moins de 75 ans et non ostéoporotiques. Elle confirme indirectement l’absence d’intérêt d’un dosage systématique (non ciblé) du taux sanguin de vitamine D.


 

Nous avions publié en 2008 dans la revue Minerva (1) une analyse d’une synthèse méthodique avec limites méthodologiques importantes (2) évaluant l’intérêt des traitements préventifs des fractures chez les femmes présentant une ostéoporose ou avec une densité minérale osseuse basse. De bonnes preuves d’une plus-value bénéfices/risques n’étaient disponibles que pour la prévention des fractures chez les femmes ostéoporotiques à haut risque de fractures, avec de l’alendronate ou du risédronate en plus d’un traitement par calcium et vitamine D.

En 2006, nous avions (3) présenté les résultats favorables d’une méta-analyse de bonne qualité (4) montrant l'efficacité d'une administration d'un supplément quotidien de vitamine D sous la forme de colécalciférol (avec du calcium dans la majorité des études) chez des femmes âgées (âge moyen de 79 ans) institutionnalisées ou non pour la prévention d'une première fracture, de hanche ou non vertébrale en général.

 

En 2015, Hansen et al. (5) ont évalué, dans une RCT en double insu, de bonne qualité, l’efficacité de l’administration de vitamine D3 à faible (800 UI/j) ou à forte (50000 UI 2x/mois) dose versus placebo. La forte dose visait à maintenir le taux sanguin de 25 hydroxyvitamine D (25(OH)D) ≥ 30 ng/ml. La population de cette étude qui se déroule aux E-U est constituée de femmes ménopausées depuis au moins 5 ans, âgées de moins de 75 ans, ne présentant pas d’ostéoporose (T score DMO ≤ -2,5) et avec un taux initial de 25(OH)D < 30 ng/ml, ce qui concerne approximativement 75% des femmes ménopausées étatsuniennes (6). Si la forte dose de vitamine D administrée maintient bien le taux sanguin de 25(OH)D > 30 ng/ml, ce gain montre un bénéfice très maigre à 1 an : absorption de calcium très faiblement améliorée (1%) (critère de jugement primaire), sans différence pour la DMO, la masse musculaire, le nombre de chutes, le nombre de chuteurs, l’activité physique ou le status fonctionnel (critères de jugement secondaires). Les auteurs concluent à l’absence de preuves de viser un taux sanguin de 25(OH)D > 30 ng/ml dans leur population d’étude, étude limitée à un an de traitement/suivi.

 

La population de cette étude est particulière puisqu’il s’agit de femmes en post-ménopause, âgées de moins de 75 ans et sans ostéoporose. Les résultats de cette étude ne sont donc pas extrapolables pour les femmes avec ostéoporose, population généralement incluse dans les études. Cette étude est cependant intéressante en ce qui concerne la vitamine D et son dosage sanguin. Nous avions précédemment souligné dans la revue Minerva les problèmes liés à la détermination du taux sanguin de vitamine D et à sa signification. Il existe une importante variabilité des dosages (7,8) et il n’existe pas de consensus universel sur un seuil de vitamine D protecteur de fracture ostéoporotique. La valeur optimale pour la santé osseuse et autres critères se situerait, pour certains experts, au-dessus de 20 ng/ml (9). D’autres experts ont choisi un seuil de 30 ng/ml (10) et c’est le seuil choisi par les auteurs de la publication analysée ici. Le rapport du jury du consensus de l’INAMI (10) conclut que, chez les adultes, on doit viser un taux sérique d’au moins 20 ng/ml (= 50 nmol/l) pour la 25(OH)D (forte recommandation).

 

L’autre question importante soulevée par cette lecture est l’intérêt d’un dosage de la vitamine D non ciblé. Il existe actuellement un consensus pour ne pas doser systématiquement le taux sanguin de vitamine D. Le consensus de l’INAMI (11) conclut que :

dans le cadre de la prévention primaire, il n’existe aucun avantage prouvé lié au dépistage de routine ; ce dépistage n’est donc pas recommandé (forte recommandation)

certaines maladies ou facteurs de risque augmentent le risque de carence en vitamine D, ce qui peut justifier le dosage de la 25(OH)D ; les informations à rechercher sont : a) traitement prolongé avec certains médicaments, comme certains antiépileptiques ; b) syndrome de malabsorption comme après une chirurgie bariatrique ; c) insuffisance rénale chronique (IRC) bien qu’il n’existe cependant pas de consensus quant à savoir à partir de quel stade d’IRC il est utile ou recommandé de déterminer le taux de vitamine D ; d) hyperparathyroïdie

un dosage préalable à un traitement par vitamine D n’est pas utile en prévention primaire chez les personnes âgées institutionnalisées.

 

Conclusion

Cette RCT montre l’absence d’intérêt d’administrer des doses de vitamine D permettant d’atteindre un taux de 25(OH)D ≥ 30 ng/ml dans une population de femmes ménopausées âgées de moins de 75 ans et non ostéoporotiques. Elle confirme indirectement l’absence d’intérêt d’un dosage systématique (non ciblé) du taux sanguin de vitamine D.

 

 

Références

  1. Michiels B. Un premier choix parmi les médicaments en prévention des fractures ostéoporotiques ? MinervaF 2008;7(7):98-9.
  2. MacLean C, Newberry S, Maglione M, et al. Systematic review: comparative effectiveness of treatments to prevent fractures in men and women with low bone density or osteoporosis. Ann Intern Med 2008;148:197-213.
  3. Chevalier P. Le rôle de la vitamine D dans la prévention des fractures. MinervaF 2006;5(3):41-3.
  4. Bischoff-Ferrari HA, Willett WC, Wong JB, et al. Fracture prevention with vitamin D supplementation: a meta-analysis of randomized controlled trials. JAMA 2005;293:2257-64.
  5. Hansen KE, Johnson RE, Chambers KR, et al. Treatment of vitamin D insufficiency in postmenopausal women: a randomized clinical trial. JAMA Intern Med 2015;175:1612-21.
  6. Looker AC, Pfeiffer CM, Lacher DA, et al. Serum 25-hydroxyvitamin D status of the US population: 1988-1994 compared with 2000-2004. Am J Clin Nutr 2008;88:1519-27.
  7. Barake M, Daher RT, Salti I, et al. 25-hydroxyvitamin D assay variations and impact on clinical decision making. J Clin Endocrinol Metab 2012;97:835-43.
  8. La Rédaction Minerva. Dosage de la vitamine D: résultats variables selon le test utilisé. Minerva bref 28/01/2013.
  9. Bouillon R, Van Schoor NM, Gielen E et al. Optimal vitamin D status: a critical analysis on the basis of evidence-based medicine. J Clin Endocrinol Metab 2013; 98: E1283-E1304.
  10. Holick MF. Vitamin D deficiency. N Engl J Med 2007;357:266-81.
  11. INAMI. L’usage rationnel du calcium et de la vitamine D. Réunion de consensus du 28-05-2015. Conclusions. Rapport du jury.



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