Analyse


Diagnostic de syndrome coronarien aigu : quelle est la valeur de l’anamnèse, de l’examen clinique, des résultats de l’ECG, du taux de troponine et des scores cliniques ?


15 07 2016

Professions de santé

Analyse de
Fanaroff AC, Rymer JA, Goldstein SA, et al. Does this patient with chest pain have acute coronary syndrome? The Rational Clinical Examination Systematic Review. JAMA 2015;314:1955-65.


Conclusion
Au service des urgences tout comme en médecine générale, l’anamnèse, l’examen clinique et l’ECG n’offrent en soi pas suffisamment de précision diagnostique pour confirmer ou exclure un syndrome coronarien aigu. L’intégration des données de l’ECG et du taux de troponine initial dans un score clinique améliore la force probante et la force excluante selon le score calculé, mais ne peut pas être simplement extrapolé à la pratique de médecine générale.


 

Il ressort d’une étude d’observation prospective que, dans la pratique générale, la prévalence des douleurs thoraciques est de 0,7 à 2,7%. Il s’agirait d’un symptôme de coronaropathie dans 12,8 à 14,6% des cas (1,2). Selon les GPC actuels, le diagnostic de syndrome coronarien aigu est probable en présence de douleur rétrosternale oppressive, irradiante et persistante avec dyspnée, nausées/vomissements, pâleur, transpiration abondante, hypotension, bradycardie. Référer le patient immédiatement est alors recommandé (3-6). Si les plaintes sont moins nettes, il est beaucoup plus difficile de poser un diagnostic et d’opter pour un traitement. Minerva avait commenté (7) une étude diagnostique transversale publiée en 2012 (8), correctement menée sur le plan méthodologique, et avait conclu que le score MHS (Marburg Heart Score) est un instrument valide pour exclure une coronaropathie chez les patients adultes présentant des douleurs thoraciques aspécifiques en médecine générale.

 

Une synthèse méthodique publiée en 2015 (9) avec une recherche dans MEDLINE et EMBASE a inclus 58 études diagnostiques portant sur la précision de l’anamnèse, de l’examen clinique, de l’ECG, ainsi que sur celle des scores cliniques pour le diagnostic de syndrome coronarien aigu chez les patients se présentant au service des urgences. Toutes les études ayant un Rational Clinical Examination Level of Evidence égal à 1 ou 2, ce qui correspond à la comparaison indépendante en aveugle d’un test étudié et d’un test de référence chez un grand nombre (niveau 1) ou un petit nombre (niveau 2) de patients successifs (10), ont été incluses.

 

Aucun facteur de risque ni aucun symptôme n’était en soi suffisant pour poser le diagnostic de syndrome coronarien aigu. Parmi tous les facteurs de risque, une épreuve d’effort antérieure anormale (avec échocardiographie ou scintigraphie cardiaque) (N = 1) et des antécédents de maladie artérielle périphérique (N = 3) avaient les meilleurs rapports de vraisemblance positifs : LR+ respectivement de 3,1 (avec IC à 95% de 2,0 à 4,7) et de 2,7 (avec IC à 95% de 1,5 à 4,8). Mais les rapports de vraisemblance négatifs n’apportaient pas d’élément fort pour exclure le diagnostic : LR- respectivement de 0,92 (avec IC à 95% de 0,88 à 0,96) et de 0,96 (avec IC à 95% de 0,94 à 0,98).

La même chose valait pour la douleur irradiante dans les deux bras (N = 1) : LR+ de 2,6 (avec IC à 95% de 1,8 à 3,7) et LR- de 0,93 (avec IC à 95% de 0,89 à 0,96) et pour l’hypotension à l’examen clinique (N = 1) : LR+ de 3,9 (avec IC à 95% de 0,98 à 15) et LR- de 0,98 (avec IC à 95% de 0,95 à 1,0). La reproduction de douleur par la palpation du thorax avait le rapport de vraisemblance positif le plus bas : LR+ de 0,28 (avec IC à 95% de 0,14 à 0,54). La valeur diagnostique limitée des signes anamnestiques et cliniques isolés chez les patients présentant une douleur thoracique est comparable aux chiffres en première ligne de soins (11,12). Les recommandations du NHG-standaard publiées en 2012 (3) pour le « syndrome coronarien aigu » concluent qu’il n’est pas possible d’exclure un syndrome coronarien aigu uniquement à partir d’une plainte ou d’un symptôme. Si un patient se plaint de « douleur lancinante », qu’il ne présente pas de facteurs de risque de maladies cardiovasculaires et que la douleur est liée à la respiration ou à la position ou qu’elle peut être reproduite par la palpation de la paroi thoracique, il est peu probable qu’il s’agisse d’un syndrome coronarien aigu.

 

La valeur diagnostique de l’ECG seul paraît aussi très limitée. Un sous-décalage du segment ST à l’ECG (N = 7) avait un LR+ de 5,3 (avec IC à 95% de 2,1 à 8,6), mais un LR- de seulement 0,79 (avec IC à 95% de 0,71 à 0,87). Les signes d’une ischémie à l’ECG (sous-décalage du segment ST, inversion de l’onde T ou formation d’ondes Q) avaient un LR+ de 3,6 (avec IC à 95% de 1,6 à 5,7), mais un LR- de seulement 0,74 (avec IC à 95% de 0,68 à 0,81).

Les scores cliniques les plus utiles paraissent être ceux qui combinent les facteurs de risque, les symptômes, les signes cliniques et les signes à l’ECG avec le taux de troponine.

Les scores ayant le meilleur rapport de vraisemblance positif étaient :

Les scores ayant les rapports de vraisemblance positifs les plus faibles étaient :

La force excluante (qui est l’inverse du rapport de vraisemblance négatif) du score HEART était comparable à celle du score Marburg Heart (1/LR- respectivement 5 contre 6) (7).

L’inclusion du taux de troponine dans HEART, TIMI et HFA/CSANZ, rend ces instruments peu appropriés à la pratique du médecin généraliste. Il est possible qu’il soit utile d’utiliser le taux de troponine en médecine générale chez les patients qui ont des douleurs thoraciques aspécifiques pendant plus de 48 heures (13,14), mais cette possibilité nécessite une étude plus ciblée.

 

Conclusion 

Au service des urgences tout comme en médecine générale, l’anamnèse, l’examen clinique et l’ECG n’offrent en soi pas suffisamment de précision diagnostique pour confirmer ou exclure un syndrome coronarien aigu. L’intégration des données de l’ECG et du taux de troponine initial dans un score clinique améliore la force probante et la force excluante selon le score calculé, mais ne peut pas être simplement extrapolé à la pratique de médecine générale.

 

 

Références

  1. Verdon F, Herzig L, Burnand B, et al. Chest pain in daily practice: occurrence, causes and management. Swiss Med Wkly 2008;138:340-7.
  2. Bösner S, Becker A, Haasenritter J, et al. Chest pain in primary care: epidemiology and pre-work-up probabilities. Eur J Gen Pract 2009;15:141-6.
  3. Rutten F, Bakx C, Bruins Slot M, et al. NHG-Standaard Acuut coronair syndroom (eerste herziening). Huisarts Wet 2012;55:564-70
  4. National Institute for Health and Care Excellence. Unstable angina and NSTEMI: early management. Nice Guidelines [CG94]. Last updated: November 2013.
  5. Claeys M, Vandekerchove Y, Bossaert L, et al. Recommandations pour la prise en charge de douleurs thoraciques aiguës. Rapport du Groupe Interdisciplinaire Belge de Cardiologie Aiguë 2002;121:371-7.
  6. Erhardt L, Herlitz J, Bossaert L, et al; Task force on the management of chest pain. Eur Heart J 2002;23:1153-76.
  7. Bruyninckx R. Score clinique pour exclure une coronaropathie en cas de douleurs thoraciques ? MinervaF 2013;12(8):93-4.
  8. Haasenritter J, Bösner S, Vaucher P, et al. Ruling out coronary heart disease in primary care: external validation of a clinical prediction rule. Br J Gen Pract 2012;62:e415-21.
  9. Fanaroff AC, Rymer JA, Goldstein SA, et al. Does this patient with chest pain have acute coronary syndrome? The Rational Clinical Examination Systematic Review. JAMA 2015;314:1955-65.
  10. Simel DL, Rennie D. A primer on the precision and accuracy of the clinical examination. In: Simel DL, Rennie D, eds. The rational clinical examination: Evidence-Based Clinical Diagnosis. New York, NY: McGraw-Hill; 2009.
  11. Mant J, McManus RJ, Oakes RA, et al. Sytematic review and modeling of the investigation of acute and chronic chest pain presenting in primary care. Health Technol Asses 2004;8:iii,1-158.
  12. Bruyninckx R, Aertgeerts B, Bruyninckx P, Buntinx F. Signs and symptoms in diagnosing acute myocardial infarction and acute coronary syndrome: a diagnostic meta-analysis. Br J Gen Pract 2008;58:105-11.
  13. Schols A, Stevens F, Zeijen C, et al. Aanvullende diagnostiek op Nederlandse huisartsenpost. Ned Tijdschr Geneeskd 2015;159:A9022.
  14. Willemsen RT, Kietselaer BL, Kusters R, et al. Diagnostiek van het acuut coronair syndroom: uitdaging voor huisarts en cardioloog. Ned Tijdschr Geneesk 2014;158:A8078.



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