Analyse


Des interventions visant une modification du comportement du médecin généraliste font diminuer le nombre de prescriptions d’antibiotiques


15 07 2016

Professions de santé

Analyse de
Meeker D, Linder JA, Fox CR, et al. Effect of Behavioral Interventions on Inappropriate Antibiotic Prescribing Among Primary Care Practices: A randomized clinical trial. JAMA 2016;315:562-70.


Conclusion
Cette étude clinique avec randomisation par grappes de cabinets de consultation en soins primaires montre que le recours aux antibiotiques en cas d’affection respiratoire aiguë peut diminuer si le médecin généraliste est tenu de noter dans le DMI une justification de la prescription d’antibiotiques et si le comportement de prescripteur du médecin généraliste est comparé avec celui de ses confrères par le biais d’un courrier électronique. L’aide à la décision clinique concernant la prescription d’antibiotiques via le DMI s’est avérée ne pas avoir d’effet dans cette étude.


 

Une étude publiée en 2014 (1) a révélé que, pour la bronchite aiguë, environ deux fois trop d’antibiotiques sont prescrits et que, dans 50% des cas, le type d’antibiotique diffère de la recommandation des GPC. A plusieurs reprises, Minerva a attiré l’attention sur des interventions susceptibles de réduire le recours aux antibiotiques. Ainsi, un programme de formation pour médecins généralistes sur le processus de décision partagée a contribué à ce que les patients optent moins pour des antibiotiques dans le traitement à court terme des infections respiratoires aiguës, et ce sans influence négative sur le bien-être du patient (2,3). En cas d’infection respiratoire chez l’enfant, le fait de ne pas prescrire d’antibiotiques ou de prévoir une prescription différée est efficace pour optimaliser le recours aux antibiotiques (4,5). Des documents pédagogiques clairs destinés aux patients peuvent réduire de moitié le nombre de prescriptions d’antibiotiques chez les enfants chez qui l’on suspecte une infection des voies respiratoires supérieures (6,7). En cas de suspicion clinique d’une infection des voies respiratoires inférieures, la détermination de la CRP et une meilleure communication peuvent réduire le nombre de prescriptions d’antibiotiques sans mettre en danger la sécurité du patient (8,9).

Dans une étude clinique publiée en 2016 (10) menée aux Etats-Unis avec randomisation par grappes, 248 médecins généralistes de 47 cabinets de première ligne de soins, ont été répartis selon un plan factoriel 2x2x3 entre trois interventions axées sur la modification de leur comportement. Tous ont suivi un programme de formation en ligne sur le diagnostic et le traitement des affections respiratoires. 14753 contacts ont été enregistrés pendant la période contrôle (âge moyen de 47 ans ; 69% de femmes) versus 16959 contacts pendant la période intervention (âge moyen de 48 ans ; 67% de femmes). Le nombre de prescriptions d’antibiotiques pour infection des voies respiratoires supérieures, bronchite aiguë et grippe a été enregistré dans 7 groupes intervention et 1 groupe témoin pendant 18 mois.

Dans la première intervention, les médecins, chaque fois qu’ils prescrivaient un antibiotique, recevaient, via leur dossier médical informatisé (DMI), une fenêtre surgissante (alias un message pop-up) leur rappelant quand un antibiotique n’était pas indiqué et leur proposant ensuite un certain nombre d’autres traitements possibles, des conseils et des informations destinées aux patients. Le nombre de prescriptions d’antibiotiques a diminué de 22,1% à 6,1%, mais cette diminution s’est avérée statistiquement non significative.

Dans la deuxième intervention, le DMI demandait chaque fois au médecin de justifier sa prescription d’antibiotiques. Cette justification, et éventuellement la réponse « ne donne pas de justification », était enregistrée dans le dossier à un endroit visible. Le nombre de prescriptions d’antibiotiques a diminué de manière statistiquement significative de 23,2% à 5,2%.

Dans la troisième intervention, les médecins recevaient mensuellement un courrier électronique leur communiquant dans quelle catégorie de médecins prescripteurs ils étaient classés, du plus correct au moins correct, et comparant leurs statistiques de prescription à celles des « meilleurs prescripteurs ». Le nombre de prescriptions d’antibiotiques a diminué de manière statistiquement significative de 19,9% à 3,7%.

Dans le groupe témoin (six cabinets sans intervention), le nombre de prescriptions d’antibiotiques a diminué de 24,1% à 13,1%. Comme il n’y avait pas d’interaction statistiquement significative entre les interventions, un effet additif est possible. Pour le critère de jugement sécurité, aucune augmentation statistiquement significative de nouvelle consultation dans les 30 jours suite au premier contact pour suspicion d’infection bactérienne n’a été constatée, sauf dans un groupe intervention (association de la deuxième et de la troisième intervention) : 1,41% (avec IC à 95% de 1,06% à 1,85%).

La possibilité de généraliser l’effet est limitée en raison du nombre limité de médecins par grappe et de l’indemnisation financière accordée aux médecins participants. En outre, cette étude n’a pas examiné d’autres affections respiratoires, comme la rhinosinusite et la pharyngite aiguë, diagnostics pour lesquels les médecins éprouvent parfois des difficultés à s’abstenir de prescrire des antibiotiques (11-14).

 

Conclusion

Cette étude clinique avec randomisation par grappes de cabinets de consultation en soins primaires montre que le recours aux antibiotiques en cas d’affection respiratoire aiguë peut diminuer si le médecin généraliste est tenu de noter dans le DMI une justification de la prescription d’antibiotiques et si le comportement de prescripteur du médecin généraliste est comparé avec celui de ses confrères par le biais d’un courrier électronique. L’aide à la décision clinique concernant la prescription d’antibiotiques via le DMI s’est avérée ne pas avoir d’effet dans cette étude.

 

 

Références

  1. Adriaenssens N, Bartholomeeusen S, Ryckebosch P, Coenen S. Quality of antibiotic prescription during office hours and out-of-hours in Flemish primary care, using European quality indicators. Eur J Gen Pract 2014;20:114-20.
  2. Adriaenssens N. Prise de décision partagée : moins de prescriptions d’antibiotiques ? MinervaF 2013;12(4):47-8.
  3. Légaré F, Labrecque M, Cauchon M, et al. Training family physicians in shared decision-making to reduce the overuse of antibiotics in acute respiratory infections: a cluster randomized trial. CMAJ 2012;184:E726-34.
  4. Coenen S. Est-il vraiment possible de réduire le nombre de consultations et l’usage des antibiotiques dans les infections aiguës des voies respiratoires chez l'enfant ? Minerva bref 28/10/2012.
  5. Andrews T, Thompson M, Buckley DI, et al. Interventions to influence consulting and antibiotic use for acute respiratory tract infections in children: a systematic review and meta-analysis. PLoS One 2012;7:e30334.
  6. Laekeman G. Informer plutôt que prescrire ? Minerva bref 28/01/2011.
  7. Francis NA, Butler CC, Hood K, et al. Effect of using an interactive booklet about childhood respiratory tract infections in primary care consultations on reconsulting and antibiotic prescribing: a cluster randomised controlled trial. BMJ 2009;339:b2885.
  8. De Sutter A. Limiter la prescription d’antibiotiques en mesurant la CRP et par un apprentissage de la communication ? MinervaF 2010;9(6):70-1.
  9. Cals JW, Butler CC, Hopstaken RM, et al. Effect of point of care testing for C reactive protein and training in communication skills on antibiotic use in lower respiratory tract infections: cluster randomised trial. BMJ 2009;338:b1374.
  10. Meeker D, Linder JA, Fox CR, et al. Effect of behavioral interventions on inappropriate antibiotic prescribing among primary care practices: a randomized clinical trial. JAMA 2016;315:562-70.
  11. De Sutter AI, De Meyere MJ, De Maeseneer JM, Peersman WP. Antibiotic prescribing in acute infections of the nose or sinuses: a matter of personal habit? Fam Pract 2001;18:209-13.
  12. Kumar S, Little P, and Britten N. Why do general practitioners prescribe antibiotics for sore throat? Grounded theory interview study. BMJ 2003;326:138.
  13. Lindbaek M, Butler CC. Antibiotics for sinusitis-like symptoms in primary care. Lancet 2008;371:874-6.
  14. Young J, De Sutter A, Merenstein D, et al. Antibiotics for adults with clinically diagnosed acute rhinosinusitis: a meta-analysis of individual patient data. Lancet 2008;371:908-14.

Auteurs

Colliers A.
Vakgroep Eerstelijns- en Interdisciplinaire Zorg, Centrum voor Huisartsgeneeskunde, Universiteit Antwerpen
COI :

Glossaire

Code





Ajoutez un commentaire

Commentaires