Analyse


Sinusite chronique : le point sur le traitement médicamenteux de cette affection


15 11 2016

Professions de santé

Analyse de
Rudmik L, Soler ZM. Medical therapies for adult chronic sinusitis: a systematic review. JAMA 2015;314:926-39. DOI: 10.1001/jama.2015.7544


Conclusion
Les recommandations d’EBMPracticeNet proposent d’identifier les patients présentant une sinusite chronique et de sélectionner ceux nécessitant un traitement par un ORL, sans plus de précision. Au vu des résultats présentés dans l’étude analysée ici, il semble important de diagnostiquer la présence ou non d’une polypose nasale chez les patients souffrant de sinusite chronique. Pour la première ligne de soins, les corticostéroïdes nasaux et les irrigations d’eau saline (0,9%) sont recommandés dans la sinusite chronique avec ou sans polypose nasale (haut niveau de preuve et de recommandation). Les traitements de seconde ligne comme les antagonistes des récepteurs des leucotriènes, les corticostéroïdes oraux ou les macrolides ne seront proposés souvent qu’après un diagnostic précis, et/ou un avis ORL. Dans tous les cas, la balance bénéfice-risque de chaque molécule doit être discutée avec les patients, tous ces traitements présentant également des effets indésirables.


 

Nous avons analysé dans Minerva (2) une méta-analyse de la Cochrane Collaboration publiée en 2012 (2) évaluant l’efficacité des corticostéroïdes topiques dans la sinusite chronique chez des patients adultes avec des polypes nasaux. Cette méta-analyse montrait une efficacité des corticostéroïdes topiques versus placebo quant au contrôle des symptômes, à la diminution de la taille des polypes et à la prévention de leur réapparition après la chirurgie. Des recommandations européennes (3) et britanniques (4) existent pour le traitement de la sinusite chronique. Elles préconisent l’usage des corticostéroïdes topiques  ainsi que les irrigations salines comme traitement de première ligne de la sinusite chronique accompagnée ou non de polypose nasale. Elles recommandent également un traitement oral de corticostéroïdes oraux comme traitement intermittent en cas d’exacerbations dans la sinusite chronique avec polypose nasale. Les autres traitements alternatifs ont un niveau de preuve inférieur et ne sont pas recommandés fermement.

Une récente synthèse méthodique de Rudmik et al. publiée en 2015 (5) inclut 29 publications dont 13 synthèses méthodiques (SM), 12 méta-analyses (MA) et 4 RCTs. Leur but était d’attribuer un  niveau de preuve (A à C) et un niveau de recommandation (I à III) pour chaque traitement, selon les scores de l’American Heart Association (6) en agrégeant l’ensemble des niveaux de preuve et de recommandation. La méthodologie ressemble quelque peu à une synthèse narrative (7) et les auteurs n’ont donc pas réalisé de méta-analyse. Les auteurs ont distingué le traitement de fond de la sinusite chronique du traitement des épisodes aigus (alias exacerbations de sinusite chronique) ainsi que la présence ou non de polypose nasale.

  •  Traitement de fond de la sinusite chronique associée ou non à une polypose nasale : les corticostéroïdes topiques (N = 6 MA incluant 40 RCTs) ainsi que les irrigations salines à 0,9% (N = 2 SM + 1 MA) sont recommandés en tant que traitement de maintenance (grade A-I) ; les résultats sont statistiquement significatifs pour l’amélioration des symptômes : DMS de -0,46 (avec IC à 95% de -0,65 à -0,27), la diminution de la taille des polypes : DMS de -0,73 (avec IC à 95% de -1,0 à -0,46) et la prévention de leur réapparition après chirurgie : DMS de 0,59 (avec IC à 95% de 0,45 à 0,79) pour les corticostéroïdes topiques versus placebo et statistiquement significatifs pour l’amélioration des symptômes : DMS de 1,42 (avec IC à 95% de 1,01 à 1,84) pour les irrigations salines versus pas de traitement.
  • Traitement intermittent en cas d’exacerbations de sinusite chronique sans polypose nasale :
    • le montélukast n’a pas montré de différence statistique significative versus placebo pour le critère de jugement efficacité clinique   les résultats montrent qu’un traitement pendant > 12 semaines par un macrolide (clarithromycine ou azithromycine) améliore les symptômes et la qualité de vie versus placebo (grade A-II) (N = 2 SM + 1 MA)
    • les corticostéroïdes oraux peuvent être utilisés (grade C-II), mais la balance bénéfice-risque doit être discutée avec le patient
    • pour les surinfections de sinusite chronique sans polypose, un traitement court (< 3 semaines) par antibiotiques à large spectre est recommandé (grade A-II) (N = 1 SM + 3 RCTs), mais les auteurs reconnaissent que la pertinence clinique de ce résultat est sans doute limitée à la présence d’un écoulement purulent lors de l’examen clinique.
  • Traitement intermittent en cas d’exacerbations de sinusite chronique associée à une polypose nasale : les résultats ne montrent aucune différence statistiquement significative sur les symptômes d’un traitement pendant > 12 semaines à base d’un macrolide versus placebo. Leur usage est donc déconseillé (grade B-III).
  • En cas de polypose nasale :
    • les antagonistes des récepteurs des leucotriènes (10 mg de montélukast une fois par jour) montrent une amélioration des symptômes versus placebo (p < 0,01), mais aucun bénéfice supplémentaire en cas d’association aux corticostéroïdes (grade A-II) (N = 5 RCTs dont seules 2 de bonne qualité méthodologique ont permis de réaliser 1 MA)
    • une diminution significative de la taille des polypes nasaux à 12 semaines a été montrée pour la doxycycline (200mg à J1 puis 100mg/j pendant 3 semaines) versus placebo (grade B-I) (N = 1 RCT) jusqu’à 3 mois après la fin du traitement (p < 0,001).
  • Pour les exacerbations en cas de polypose sévère : les résultats montrent une amélioration des symptômes et des capacités olfactives pour les corticostéroïdes oraux donnés pendant 1 à 3 semaines versus placebo (grade A-I) et une diminution significative de la taille des polypes nasaux pour les corticostéroïdes oraux donnés pendant 3 semaines, versus placebo, jusqu’à 3 mois après la fin du traitement.

 D’autres traitements sont abordés dans cette synthèse méthodique : les antihistaminiques ne sont utiles que si une composante allergique est avérée mais n’auraient d’effet que sur les plaintes spécifiques de la rhinite allergique (grade C-II) (N = 1 SM de 6 études de cas). Le traitement par anti-IgE a une action limitée dans la sinusite chronique avec polypose nasale et asthme associés (grade A-II) (N = 2 RCTs). Les traitements antibiotiques ou antifongiques locaux ne sont pas recommandés. Les auteurs mentionnent aussi le bénéfice de la chirurgie des sinus en cas de rhinosinusite chronique associée à des symptômes persistants malgré un traitement médical optimal (grade C-I). 

Les résultats de cette synthèse méthodique diffère légèrement des recommandations européennes (3,4) essentiellement en recommandant l’usage des antagonistes des récepteurs des leucotriènes dans le cadre d’une polypose nasale (grade A-II versus faible recommandation dans les GPC européens) et l’usage prolongé des macrolides dans la sinusite chronique avec polypose n’est pas recommandé en cas de sinusite chronique associée à une polypose nasale (grade B-III versus faible recommandation). 

Une récente synthèse méthodique du Cochrane Collaboration Ear, Nose and Throat group publiée en 2016 (8) a étudié l’usage des corticostéroïdes topiques dans la sinusite chronique, versus placebo ou absence de traitement. La plupart des études concernaient la sinusite chronique avec polypose nasale associée. Les résultats montrent un effet bénéfique des corticostéroïdes topiques sur l’ensemble des symptômes (mais avec un faible niveau de preuve), un effet modéré sur l’obstruction nasale et un effet faible sur la rhinorrhée (niveau de preuve modéré). Par contre le risque d’épistaxis est plus important (haut niveau de preuve).

 

Conclusion

Les recommandations d’EBMPracticeNet (9) proposent d’identifier les patients présentant une sinusite chronique et de sélectionner ceux nécessitant un traitement par un ORL, sans plus de précision. Au vu des résultats présentés dans l’étude analysée ici, il semble important de diagnostiquer la présence ou non d’une polypose nasale chez les patients souffrant de sinusite chronique.

Pour la première ligne de soins, les corticostéroïdes nasaux et les irrigations d’eau saline (0,9%) sont recommandés dans la sinusite chronique avec ou sans polypose nasale (haut niveau de preuve et de recommandation) (3,4,5,8). Les traitements de seconde ligne comme les antagonistes des récepteurs des leucotriènes, les corticostéroïdes oraux ou les macrolides (3,4) ne seront proposés souvent qu’après un diagnostic précis, et/ou un avis ORL (3,4,9). Dans tous les cas, la balance bénéfice-risque de chaque molécule doit être discutée avec les patients, tous ces traitements présentant également des effets indésirables.

 

Références 

  1. Duyver C. Rhinosinusite chronique + polypes nasaux : corticostéroïdes nasaux ? MinervaF 2014;13(3):30-1.
  2. Kalish L, Snidvongs K, Sivasubramaniam R, et al. Topical steroids for nasal polyps. Cochrane Database Syst Rev 2012, Issue 12. DOI: 10.1002/14651858.CD006549.pub2
  3. Fokkens WJ, Lund VJ, Mullol J, et al. EPOS 2012 European position paper on rhinosinusitis and nasal polyps 2012. A summary for otorhinolaryngologists. Rhinology 2012;50:1-12.
  4. Scadding GK, Durham SR, Mirakian R, et al. BSACI guidelines for the management of rhinosinusitis and nasal polyposis. Clin Exp Allergy 2008;38:260-75. DOI: 10.1111/j.1365-2222.2007.02889.x
  5. Rudmik L, Soler ZM. Medical therapies for adult chronic sinusitis: a systematic review. JAMA 2015;314:926-39. DOI: 10.1001/jama.2015.7544
  6. Methodology Manual for ACCF/AHA  Guideline Writing Committees. American College of Cardiology Foundation and American Heart Association, 2010.
  7. Grimshaw J. Chapitre sur la synthèse des connaissances. Institut de recherche en santé du Canada. Guide sur la synthèse des connaissances. URL: http://www.cihr-irsc.gc.ca/f/41382.html. Dernière mise à jour 08/04/2010 (site consulté le 28/10/2016).
  8. Chong LY, Head K, Hopkins C, et al. Intranasal steroids versus placebo or no intervention for chronic rhinosinusitis. Cochrane Database Syst Rev 2016, Issue 4. DOI: 10.1002/14651858.CD011996.pub2
  9. Sinusite chronique. Duodecim Medical Publications. Dernière revue contextuelle: 14/05/2010.

 




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