Analyse


BPCO et arrêt des corticostéroïdes inhalés: risque de pneumonie diminué ?


15 11 2016

Professions de santé

Analyse de
Suissa S, Coulombe J, Ernst P. Discontinuation of inhaled corticosteroids in COPD and the risk reduction of pneumonia. Chest 2015;148:1177-83. DOI: 10.1378/chest.15-0627


Conclusion
Plusieurs études d’observation montrent une association entre un traitement par CSI et une augmentation du risque relatif de développer une pneumonie chez les patients BPCO. L’étude d’observation discutée ici, correcte d’un point de vue méthodologique, montre une association entre l’arrêt du CSI et la réduction du risque relatif de développer une pneumonie chez le patient BPCO. Ces résultats invitent plus que jamais le clinicien à restreindre la prescription de ces molécules dans le cadre de cette pathologie en attendant des preuves solides d’une balance bénéfice/risque éventuellement favorable pour un sous-groupe de patients.


 

Les recommandations du guide de pratique clinique GOLD demandent d’ajouter les corticostéroïdes inhalés (CSI) aux bronchodilatateurs de longue durée pour les patients présentant un VEMS < 60% ou un risque élevé d’exacerbation (1). Malgré ces limitations, on estime qu’actuellement 85% de tous les patients BPCO reçoivent un CSI (2). L’essai Wisdom (3) qui a recruté 2485 patients BPCO sévères à très sévères (VEMS moyen en post-bronchodilatation : 34 ± 11% des valeurs prédites) avec au moins une exacerbation dans l’année précédant l’inclusion, suggère la non-infériorité de l’arrêt des CSI (fluticasone 500µg*2/j, en 3 étapes sur une période de 3 mois) en termes du temps écoulé avant la première exacerbation modérée à sévère et ne soutient donc pas les recommandations du guide GOLD (1). 2 RCTs ont évalué l’arrêt des CSI sous l’angle de l’efficacité clinique comme critère de jugement primaire, à savoir modification du VEMS et risque d’exacerbation modérée à sévère (3), ou essoufflement et modification de la qualité de vie évaluée selon le Saint George's Respiratory Questionnaire (4), et non pas sous celui de la réduction potentielle d’effets indésirables comme les pneumonies. Il est à signaler qu’aucune de ces 2 RCTs n’a montré de réduction significative du taux de pneumonie induite par l’arrêt des CSI. En 2013, une étude d’observation de cohorte rétrospective (6) d’une durée moyenne de 3 ans, analysée dans Minerva (5) trouvait un risque accru de survenue de pneumonie en cas d’association d’un CSI à un bêta 2-mimétique à longue durée d’action en cas de BPCO. Le risque semblant plus important avec la fluticasone qu’avec le budésonide, résultats qui ont été confirmés par une synthèse méthodique de la Cochrane Collaboration publiée en 2014 sur le sujet (7).

 

En 2015 est parue une étude d’observation (8) cherchant à évaluer l’impact de l’arrêt des CSI sur la survenue de pneumonie en cas de BPCO. Elle utilise comme population source, les résidents de la province du Québec inscrits à la Régie de l’Assurance Maladie du Québec (RAMQ). La cohorte de base a été définie comme les patients BPCO qui ont bénéficié d’au moins 3 prescriptions d’un médicament bronchodilatateur (SABA, LABA, théophylline, ipratropium et tiotropium à l’exclusion d’un CSI) sur une durée d’un an, entre 1990 et 2005 (n=163154). Les sujets porteurs d’un diagnostic d’asthme ou utilisant des médicaments compatibles avec ce diagnostic ont été exclus. La date de la première prescription de CSI a défini l’entrée du patient dans la cohorte. Celle-ci incluait 103386 patients BPCO utilisant des CSI. 14020 de ces patients présentèrent une pneumonie sérieuse (requérant une hospitalisation suivie ou non de décès) sur une durée moyenne de suivi de 4,9 années (taux d’incidence 2,8/100/année). Pour évaluer l’effet de l’arrêt des CSI sur le risque de pneumonie, une étude cas-témoins sur un échantillon, les cas et les témoins sont recrutés dans la population d’une étude de cohorte. Dans le déroulement de l’étude, quand suffisamment de cas de maladies sont identifiés, des personnes non atteintes de cette maladie sont recherchées au sein de la même cohorte. Etant donné la connaissance de certaines données des cas et des témoins (récolte des données d’une étude de cohorte), l’effet de certaines variables de confusion possibles peut donc être contrôlé dans ce type de protocole.">étude cas-témoins sur échantillon de la même cohorte a été réalisée. Les cas incidents ont été appariés (sur l’âge et le mois d’entrée dans l’étude) à 10 témoins sélectionnés de manière aléatoire, eux-mêmes membres de la cohorte, mais n’ayant pas encore présenté de pneumonie. Près de 70% des témoins ont arrêté leur CSI durant le suivi. L’avantage des études cas-témoins sur un échantillon d’une même cohorte est le fait que les résultats observés (exprimés en odds ratio) sont des estimateurs non biaisés des risques relatifs que l’on aurait obtenu en analysant la cohorte entière , l’effet de certaines variables de confusion possibles étant mieux contrôlé (9,10). L’arrêt des CSI a été associé avec une réduction du risque relatif (RRR) de pneumonie grave de 37% (RR ajusté de 0,63 avec IC à 95% de 0,60 à 0,66). La RRR était plus marquée avec la fluticasone (RR de 0,58 avec IC à 95% de 0,54 à 0,61) qu’avec le budésonide (RR de 0,87 avec IC à 95% de 0,78 à 0,97).

La taille de la population d’étude et la durée de suivi peuvent expliquer pourquoi dans les 2 RCTs citées plus haut et étudiant l’efficacité de l’arrêt des CSI versus leur continuation, une réduction significative des pneumonies n’a pu être mise en évidence (3,4).

L’étude analysée ici présente des forces qui sont : sa taille (> 100000 utilisateurs de CSI et > 14000 patients hospitalisés pour pneumonie), et le fait que l’hypothèse causale  du  rôle  de facteur de risque  joué par les CSI dans la survenue de pneumonies est renforcé par d’autres  études d’observation aux designs différents (6,11,12).

Il faut cependant souligner aussi des faiblesses : sa nature observationnelle et rétrospective, qui en l’absence de randomisation, malgré les ajustements, peut toujours être biaisée par des facteurs de confusion inconnus ; les radiographies de thorax étayant le diagnostic de pneumonie qui ne sont pas disponibles dans les bases de données d’où la population source a été extraite ; l’exposition aux CSI est définie par la délivrance sans preuve que la molécule ait été inhalée, ce qui en ce cas sous-estimerait le risque de pneumonie par rapport aux patients qui ont stoppé.

 

Conclusion

Plusieurs études d’observation montrent une association entre un traitement par CSI et une augmentation du risque relatif de développer une pneumonie chez les patients BPCO. L’étude d’observation discutée ici, correcte d’un point de vue méthodologique, montre une association entre l’arrêt du CSI et la réduction du risque relatif de développer une pneumonie chez le patient BPCO. Ces résultats invitent plus que jamais le clinicien à restreindre la prescription de ces molécules dans le cadre de cette pathologie en attendant des preuves solides d’une balance bénéfice/risque éventuellement favorable pour un sous-groupe de patients.

 

 

Références 

  1. From the Global Strategy for the Diagnosis, Management and Prevention of COPD. Global Initiative for Chronic Obstructive Lung Disease (GOLD) 2016. Available from: http://goldcopd.org/ (accédé le 20/09/2016).
  2. Izquierdo Jl, Martin A, de Lucas P, et al. Misdiagnosis of patients receiving inhaled therapies in primary care. Int J Chron Obstruct Pulmon Dis 2010;5:241-9.
  3. Magnussen H, Disse B, Rodriguez-Roisin R et al. Withdrawal of inhaled glucocorticoids and exacerbations of COPD. N Engl J Med. 2014;371:1285-94. DOI: 10.1056/NEJMoa1407154
  4. Rossi A, van der Molen T, del Olmo R, et al. INSTEAD: a randomised switch trial of indacaterol versus salmeterol/fluticasone in moderate COPD. Eur Respir J 2014;44:1548-56. DOI: 10.1183/09031936.00126814
  5. Sturtewagen JP. BPCO et corticostéroïdes inhalés : risque de pneumonie (létale ou non). Minerva bref 15/06/2014.
  6. Janson C, Larsson K, Lisspers KH, et al. Pneumonia and pneumonia related mortality in patients with COPD treated with fixed combinations of inhaled corticosteroid and long acting bèta2 agonist: observational matched cohort study (PATHOS) BMJ 2013;346:f3306. DOI: 10.1136/bmj.f3306
  7. Kew KM, Seniukovich A. Inhaled steroids and risk of pneumonia for chronic obstructive pulmonary disease. Cochrane Database Syst Rev 2014, Issue 3. DOI: 10.1002/14651858.CD010115.pub2
  8. Suissa S, Coulombe J, Ernst P. Discontinuation of inhaled corticosteroids in COPD and the risk reduction of pneumonia. Chest 2015;148:1177-83. DOI: 10.1378/chest.15-0627
  9. Breslow NE, Day NE, Halvorsen KT, et al. Estimation of multiple relative risk functions in matched case-control studies. Am J Epidemiol 1978;108:299-307.
  10. Michiels B. Les avantages et les désavantages de l’étude cas-témoin sur un échantillon. MinervaF 2016;15(4):105-6.
  11. DiSanttostefano RL, Sampson T, Le HV, et al. Risk of pneumonia with inhaled corticosteroid versus long-acting bronchodilator regimens in chronic obstructive pulmonary disease: a new-user cohort study. Plos One 2014:9:e97149. DOI: 10.1371/journal.pone.0097149
  12. Suissa S, Patenaude V, Lapi F, Ernst P. Inhaled corticosteroids in COPD and the risk of serious pneumonia. Thorax 2013;68:1029-36. DOI: 10.1136/thoraxjnl-2012-202872

 


Auteurs

Van Meerhaeghe A.
Service de Pneumologie et GERHPAC, Hôpital Vésale, CHU-Charleroi ; Laboratoire de Médecine Factuelle, ULB
COI :

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