Analyse


Administrer très rapidement de l’aspirine après un AIT ou un AVC mineur


15 02 2017

Professions de santé

Médecin généraliste, Pharmacien
Analyse de
Rothwell PM, Algra A, Chen Z, et al. Effects of aspirin on risk and severity of early recurrent stroke after transient ischaemic attack and ischaemic stroke: time-course analysis of randomised trials. Lancet 2016;388:365-75. DOI: 10.1016/S0140-6736(16)30468-8


Conclusion
Cette méta-analyse sur données individuelles souligne l’intérêt de l’administration (très) précoce d’aspirine post AIT ou AVC non sévère en termes de prévention de tout AVC (particulièrement les plus sévères), d’AVC ischémique et d’infarctus du myocarde.


 


Le risque de récidive d’accident vasculaire cérébral (AVC) post accident ischémique transitoire (AIT) ou AVC mineur est important et surtout précoce (jusqu’à 10% dans la première semaine) (1). Plusieurs traitements médicamenteux sont proposés pour diminuer ce risque.

Nous avions analysé dans la revue Minerva (2) l’étude d’observation EXPRESS (3) qui montrait l’intérêt d’une initiation rapide d’un traitement médicamenteux en prévention secondaire (aspirine après exclusion d’un processus hémorragique, statine, antihypertenseur et anticoagulant s’il y a lieu) en cas d’accident ischémique transitoire ou d’accident vasculaire cérébral chez des patients non hospitalisés.

 

Une nouvelle méta-analyse sur données individuelles de Rothwell et al. publiée en 2016 nous apporte de nouvelles preuves de l’intérêt primordial de l’aspirine et de l’importance d’une initiation très rapide d’un tel traitement post AIT ou AVC mineur (4).

 

Le choix du traitement antiagrégant

En 2004, nous mentionnions dans la revue Minerva (5,6) que chez les patients ayant présenté un AVC, sans sténose carotidienne, ni fibrillation auriculaire, ni allergie à l'aspirine, l'aspirine à une dose de 75 à 100 mg / 24 h restait le premier choix pour prévenir une récidive d'AVC.

Pour ce qui est du dipyridamole, nous avons émis plusieurs fois des réserves quant à la pertinence clinique du bénéfice apporté (7-10), particulièrement en ajout précoce à l’aspirine post AVC (11,12).

L’intérêt de cette dernière association versus clopidogrel restait indécis, avec absence de comparaison versus aspirine seule, ce qui ne nous permettait pas de conclusion pour la pratique (13,14).

 

Dans leur méta-analyse sur données individuelles (12 études, 15778 patients), Rothwell et al. montrent que, en prévention secondaire, l’administration d’aspirine réduit, à 6 semaines, le risque de récidive d’AVC ischémique d’environ 60% (HR à 0,42 avec IC à 95% de 0,32 à 0,55 ; p < 0,0001), réduisant le risque d’AVC ischémique fatal ou handicapant (échelle de Rankin modifiée (mRS) > 2) d’environ 70% (HR à 0,29 avec IC à 95 % de 0,20 à 0,42 ; p < 0,0001). La réduction du risque d’AVC ischémique fatal ou handicapant est plus particulièrement importante sous aspirine dans les 2 premières semaines, chez les patients post AIT ou AVC mineur (HR à 0,07 avec IC à 95% de 0,02 à 0,31 ; p = 0,0004). Les auteurs ont également analysé la sévérité de la récidive d’AVC et montré une moindre efficacité à 6 semaines en termes d’AVC moins sévère (mRS ≤ 2) : HR à 0,64 avec IC à 95% de 0,44 à 0,93 ; p = 0,020). La réduction de risque est observée pour tout AVC ischémique, pour un AVC fatal et pour un infarctus aigu du myocarde. Le bénéfice est indépendant de la dose d’aspirine utilisée et des caractéristiques du patient.

A 12 semaines, le risque d’hémorragie intracrânienne n’est pas accru sous aspirine à faible dose (< 100 mg) mais avec tendance à l’augmentation de risque sous forte dose (≥ 300 mg/j : HR à 3,68 avec IC à 95% de 0,43 à 31,51 ; p = 0,23).

Les auteurs observent aussi une absence de bénéfice significatif pour les récidives d’AVC ischémique après 12 semaines sous aspirine (OR à 0,97 avec IC à 95% de 0,84 à 1,12 ; p = 0,67) avec également absence de réduction de la sévérité des AVC survenus à ce terme.

 

Rothwell et al. ont également identifié 8 études (11937 patients) évaluant le dipyridamole versus contrôle (avec ou sans aspirine), dont 7 (9437 patients) avec le dipyridamole + aspirine versus aspirine seule. L’ajout de dipyridamole à l’aspirine n’a pas d’efficacité significative à 12 semaines (OR à 0,90 avec IC à 95% de 0,65 à 1,25 ; p = 0,53) mais bien après 12 semaines (OR à 0,76 avec IC à 95% de 0,63 à 0,92 ; p = 0,005).

 

L’intérêt d’une initiation très rapide du traitement antiagrégant

La revue Minerva a analysé (15) une méta-analyse publiée en 2012 (16) semblant montrer la plus-value de l’utilisation de 2 antiagrégants plaquettaires plutôt que d’un seul en termes de réduction du risque de récidive d’ischémie cérébrale et du risque global d’évènements vasculaires dans la phase aiguë (< 72 h) d’un AVC ischémique ou d’un AIT. Nous avons souligné que ces résultats s’appuyaient toutefois sur des sous-groupes assez restreints d’études très hétérogènes (12 études, 3766 patients au total), avec surtout des critères de jugement composites, sans possibilité de conclure versus risque de saignements (majeurs).

 

Dans une autre méta-analyse, reprise dans leur publication, Rothwell et al. ont utilisé les données individuelles de 40090 patients inclus dans 3 études (17-19) avec l’aspirine, patients randomisés dans les 48 heures de la survenue d’un AVC. Ils ont pu montrer une réduction du risque de récidive d’AVC ischémique à 14 jours chez les patients avec un déficit neurologique initial léger ou modéré mais non en cas de déficit sévère, sans hétérogénéité significative pour les résultats.

Les auteurs soulignent qu’une hémorragie cérébrale est rarement la cause d’un AIT et que seuls 5% des AVC mineurs sont hémorragiques et ils prônent, au vu de tous ces éléments et résultats d’études, l’administration immédiate d’aspirine en cas d’AIT et d’AVC mineur.

 

Conclusion

Cette méta-analyse sur données individuelles souligne l’intérêt de l’administration (très) précoce d’aspirine post AIT ou AVC non sévère en termes de prévention de tout AVC (particulièrement les plus sévères), d’AVC ischémique et d’infarctus du myocarde.

 

 

Références 

  1. Giles MF, Rothwell PM. Risk of stroke early after transient ischaemic attack: a systematic review and meta-analysis. Lancet Neurol 2007;6:1063-72. DOI: 10.1016/S1474-4422(07)70274-0
  2. Peeters A. Prise en charge ultra-rapide après AIT ou AVC mineur. MinervaF 2009;8(4):48-9.
  3. Rothwell PM, Giles MF, Chandratheva A, et al; Early use of Existing Preventive Strategies for Stroke (EXPRESS) study. Effect of urgent treatment of transient ischaemic attack and minor stroke on early recurrent stroke (EXPRESS study): a prospective population-based sequential comparison. Lancet 2007;370:1432-42. DOI: 10.1016/S0140-6736(07)61448-2
  4. Rothwell PM, Algra A, Chen Z, et al. Effects of aspirin on risk and severity of early recurrent stroke after transient ischaemic attack and ischaemic stroke: time-course analysis of randomised trials. Lancet 2016;388:365-75. DOI: 10.1016/S0140-6736(16)30468-8
  5. Hermans C. Warfarine ou aspirine pour la prévention de la récidive de l'AVC ischémique ? MinervaF 2004;3(6):99-101.
  6. Mohr JP, Thompson JL, Lazar RM, et al; Warfarin-Aspirin Recurrent Stroke Study Group. A comparison of warfarin and aspirin for the prevention of recurrent ischemic stroke. N Engl J Med 2001;345:1444-51. DOI: 10.1056/NEJMoa011258
  7. Chevalier P. Associer du dipyridamole à l’aspirine post évènement ischémique cérébral ? MinervaF 2006;5(8):114-6.
  8. Halkes PHA, van Gijn J, Kappelle LJ, et al; ESPRIT Study Group. Aspirin plus dipyridamole versus aspirin alone after cerebral ischaemia of arterial origin (ESPRIT): randomised controlled trial. Lancet 2006;367:1665-73. DOI: 10.1016/S0140-6736(06)68734-5
  9. Chevalier P. Dipyridamole et aspirine post AIT ou AVC. MinervaF 2009;8(6):83.
  10. Halkes PH, Gray LJ, Bath PM, et al. Dipyridamole plus aspirin versus aspirin alone in secondary prevention after TIA or stroke: a meta-analysis by risk. J Neurol Neurosurg Psychiatry 2008;79:1218-23. DOI: 10.1136/jnnp.2008.143875
  11. Chevalier P. AVC ou AIT : AAS + dipyridamole (suite). Minerva bref 27/09/2010.
  12. Dengler R, Diener HC, Schwartz A, et al; EARLY investigators. Early treatment with aspirin plus extended-release dipyridamole for transient ischaemic attack or ischaemic stroke within 24 h of symptom onset (EARLY trial): a randomised, open-label, blinded-endpoint trial. Lancet Neurol 2010;9:159-66. DOI: 10.1016/S1474-4422(09)70361-8
  13. Bogaert M, Kaufman L. Clopidogrel ou aspirine + dipyridamole post AVC ? MinervaF 2009;8(6):72-3.
  14. Sacco RL, Diener HC, Yusuf S, et al; PRoFESS Study Group. Aspirin and extended-release dipyridamole versus clopidogrel for recurrent stroke. N Engl J Med 2008;359:1238-51. DOI: 10.1056/NEJMoa0805002
  15. Demeestere J, Thijs V. Post AVC/AIT : antiagrégant plaquettaire en mono- ou bithérapie ? MinervaF 2013;12(6):69-70.
  16. Geeganage CM, Diener HC, Algra A, et al. Dual or mono antiplatelet therapy for patients with acute ischemic stroke or transient ischemic attack: systematic review and meta-analysis of randomized controlled trials. Stroke 2012;43:1058-66. DOI: 10.1161/STROKEAHA.111.637686
  17. International Stroke Trial Collaborative Group. The International Stroke Trial (IST): a randomised trial of aspirin, subcutaneous heparin, both, or neither among 19435 patients with acute ischaemic stroke. Lancet 1997;349:1569-81. DOI: 10.1016/S0140-6736(97)04011-7
  18. CAST (Chinese Acute Stroke Trial) Collaborative Group. CAST: randomised placebo-controlled trial of early aspirin use in 20,000 patients with acute ischaemic stroke. Lancet 1997;349:1641-9. DOI: 10.1016/S0140-6736(97)04010-5
  19. Rödén-Jüllig A, Britton M, Malmkvist K, Leijd B. Aspirin in the prevention of progressing stroke: a randomized controlled study. J Intern Med 2003;254:584-90. DOI: 10.1111/j.1365-2796.2003.01233.x

 




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