Analyse


Les anti-inflammatoires non stéroïdiens dans le traitement médicamenteux des lombalgies chroniques ?


15 02 2017

Professions de santé

Médecin généraliste, Pharmacien
Analyse de
Enthoven WT, Roelofs PD, Deyo RA, et al. Non-steroidal anti-inflammatory drugs for chronic low back pain. Cochrane Database Syst Rev 2016, Issue 2. DOI: 10.1002/14651858.CD012087


Conclusion
Cette synthèse méthodique avec méta-analyses de la Cochrane Collaboration montre, chez des patients avec des lombalgies chroniques, sur base d’un faible niveau de preuve secondaire aux limites méthodologiques des études incluses, des résultats statistiquement significatifs des AINS versus placebo en termes d’amélioration des douleurs et, dans une moindre mesure, sur l’invalidité. La pertinence clinique de ces résultats n’est cependant pas établie. L’utilisation des AINS nécessite de mettre en balance les bénéfices et les risques de ce type de traitement.


 

Minerva a déjà commenté (1) une RCT publiée en 2007 (2) qui montrait que l’ajout d’AINS et/ou de manipulations vertébrales au paracétamol et aux conseils de base dans le cadre des lombalgies aiguës n’apportait pas de bénéfice supplémentaire en termes de jours de guérison.

Minerva (3) a également analysé une synthèse méthodique avec méta-analyses de la Cochrane Collaboration publiée en 2008 (4) dans laquelle les auteurs ont conclu à une ampleur d’effet limitée des AINS versus placebo en termes de soulagement symptomatique à court terme dans le cas des lombalgies aiguës et chroniques sans atteinte sciatique. Ils concluaient également que l’efficacité des AINS n’était pas supérieure à celle d’autres traitements médicamenteux antalgiques. La synthèse méthodique de Kuijpers et al. publiée en 2011 (5) dans le cadre de lombalgies chroniques uniquement montraient que les AINS et les opiacés étaient un peu plus efficaces pour l’amélioration de la douleur à court terme, mais le niveau de preuve était faible. Les auteurs précisaient également que les résultats montraient plus d’effets indésirables pour les opioïdes et les AINS versus placebo.

Les recommandations de la SSMG publiées en 2001 déjà (6) et d’EBMPracticeNet (2014) (7) préconisent l’utilisation des AINS en seconde intention lorsque le paracétamol est insuffisant.

 

La Cochrane Collaboration propose une mise à jour de la synthèse méthodique de 2008 (8).

Cette synthèse méthodique avec méta-analyses évalue l’efficacité des AINS dans le cadre des lombalgies chroniques (> 12 semaines). Inclusion des RCTs en double ou simple aveugle chez des patients ≥ 18 ans présentant une lombalgie chronique non spécifique. Les RCTs chez des patients présentant une lombalgie aiguë, subaiguë ou chronique ont été incluses si les résultats étaient mentionnés séparément. Exclusion des RCTs chez des patients présentant une sciatique, une lombalgie spécifique ou une lombalgie à cause d’une infection, un néoplasme, une métastase, de l’ostéoporose, de l’arthrite rhumatoïde ou une fracture. 13 RCTs (n = 28 à 1593 patients) ont été incluses. 6 ont comparé les AINS versus placebo (n = 1354 patients avec un suivi de 9 jours à 16 semaines), 3 versus un autre AINS (n = 563 patients), 3 versus un autre médicament (1 RCT versus paracétamol, n = 30 patients ; 1 versus tramadol, n = 1593 patients ; 1 versus prégabaline, n = 42 patients) et 1 versus autre intervention (exercices à la maison, n = 201 patients). Les critères de jugement primaires étaient : intensité de la douleur, évaluation globale, capacités fonctionnelles liées à la lombalgie, retour au travail et effets indésirables. Les critères de jugement secondaires étaient : évaluation physiologique, statut fonctionnel global et utilisation des soins. L’évaluation de la qualité des études sélectionnées s’est concentrée sur les risques de biais avec la méthode standardisée de la Cochrane Collaboration. 10 des 13 RCTs présentaient un faible risque de biais.

 

Les résultats montrent :

  • une faible efficacité des AINS versus placebo en termes d’amélioration des douleurs par rapport à la douleur initiale (6 RCTs) : DM poolée de -3,3 (avec IC à 95% de -5,33 à -1,27) sur une échelle visuelle analogique de 0 à 100) avec un suivi médian de 56 jours (IQR de 13 à 91 jours) (niveau de preuve faible)
  • une faible efficacité en termes d’amélioration de l’invalidité (4 RCTs) : DM de -0,85 (avec IC à 95% de -1,30 à -0,40) sur une échelle de 0 à 24 avec un suivi médian de 84 jours (IQR de 42 à 105 jours) (niveau de preuve faible) ; lorsque l’analyse porte uniquement sur les 3 RCTs à faible risque de biais, les résultats ne sont plus statistiquement significatifs ; les études ont étudié l’invalidité mais n’ont pas pris en compte les retours au travail
  • en termes de fréquence d’effets indésirables, les résultats ne montrent pas de différence significative pour les AINS versus placebo (6 RCTs) ; mais les auteurs suspectent que ceux-ci sont sous-estimés, en raison des limites méthodologiques des études incluses (design, durée de traitement courte)
  • les résultats n’ont pas permis de mettre en évidence de différences d’efficacité entre les différents AINS (AINS non sélectifs ou coxibs)
  • une étude a également comparé les AINS aux exercices à la maison : une amélioration a été démontrée d’un point de vue invalidité mais pas en termes de douleurs.

 

Les auteurs concluent que, chez des patients présentant une lombalgie chronique, pour les AINS versus placebo, il existe une efficacité en termes d’amélioration des douleurs et une légère amélioration de l’invalidité. Cependant, l’ampleur de l’effet est limitée et les niveaux de preuve sont faibles. Les études analysées n’ont pas permis de mettre en évidence de différence d’efficacité entre les différents AINS, y compris entre AINS sélectifs et non sélectifs. Ils n’ont pas pu faire de conclusions quant aux effets indésirables vu le nombre relativement limité de participants et le suivi relativement court des études.

 

Conclusion

Cette synthèse méthodique avec méta-analyses de la Cochrane Collaboration montre, chez des patients avec des lombalgies chroniques, sur base d’un faible niveau de preuve secondaire aux limites méthodologiques des études incluses, des résultats statistiquement significatifs des AINS versus placebo en termes d’amélioration des douleurs et, dans une moindre mesure, sur l’invalidité. La pertinence clinique de ces résultats n’est cependant pas établie. L’utilisation des AINS nécessite de mettre en balance les bénéfices et les risques de ce type de traitement.

 

 

Références 

  1. Van Wambeke P. Diclofénac et/ou manipulations vertébrales pour les lombalgies aiguës. MinervaF 2008;7(7):104-5.
  2. Hancock MJ, Maher CG, Latimer J, et al. Assessment of diclofenac or spinal manipulative therapy, or both, in addition to recommended first-line treatment for acute low back pain: a randomised controlled trial. Lancet 2007;370:1638-43. DOI: 10.1016/S0140-6736(07)61686-9
  3. Chevalier P. AINS pour les lombalgies. MinervaF 2008;7(5):72-3
  4. Roelofs PD, Deyo RA, Koes BW, et al. Non-steroidal anti-inflammatory drugs for low back pain. Cochrane Database Syst Rev 2008, Issue 1. DOI: 10.1002/14651858.CD000396.pub3
  5. Kuijpers T, van Middelkoop M, Rubinstein SM, et al. A systematic review on the effectiveness of pharmacological interventions for chronic non-specific low-back pain. Eur Spine J 2011;20:40-50. DOI: 10.1007/s00586-010-1541-4
  6. Timmermans B. Les lombalgies communes. Recommandations de Bonne Pratique. Société Scientifique de Médecine Générale, 2001.
  7. Lombalgie. Duodecim Medical Publications. Dernière mise à jour : 19.05.2014.
  8. Enthoven WT, Roelofs PD, Deyo RA, et al. Non-steroidal anti-inflammatory drugs for chronic low back pain. Cochrane Database Syst Rev 2016, Issue 2. DOI: 10.1002/14651858.CD012087

 




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