Analyse


Amiodarone en prévention de la mort subite ?


15 03 2017

Professions de santé

Médecin généraliste, Pharmacien
Analyse de
Claro JC, Candia R, Rada G, et al. Amiodarone versus other pharmacological interventions for prevention of sudden cardiac death. Cochrane Database Syst Rev 2015, Issue 12. DOI: 10.1002/14651858.CD008093.pub2


Conclusion
Cette synthèse méthodique et méta-analyse de la Cochrane Collaboration montre, avec un niveau de preuves faible à modéré, que l’amiodarone, versus placebo et autres antiarythmiques, diminue le risque de mort subite cardiaque, de mortalité cardiaque et de mortalité globale en prévention primaire. Selon les éléments de preuve actuels, on ignore si, en prévention secondaire, l’amiodarone diminue ou augmente le risque de mort subite cardiaque ou de mortalité globale.



 

La mort subite cardiaque est définie comme un décès soudain d’origine cardiaque dans l’heure qui suit l’apparition des premiers symptômes. C’est une des principales causes de décès cardiovasculaire (1) et est dans 90% des cas directement causée par des troubles du rythme ventriculaire (tachycardie ventriculaire et/ou fibrillation ventriculaire). Le défibrillateur automatique implantable (DAI, alias ICD pour implantable cardioverter defibrillator) est considéré comme la pierre angulaire de la prévention secondaire chez la personne qui survit à un trouble du rythme engageant le pronostic vital (2). Plusieurs études ont montré la supériorité du DAI par rapport aux antiarythmiques dans la prévention de la mort subite cardiaque par arythmie (3-5). L’utilité d’un DAI a également été montrée en prévention primaire de la mort subite cardiaque chez certains patients présentant un risque accru (coronaropathie, insuffisance cardiaque) (6-14).

Malgré la supériorité du DAI, les antiarythmiques, tels que l’amiodarone, restent l’unique option thérapeutique chez un grand nombre de patients. Certains patients refusent en effet l’implantation d’un DAI, et elle est contre-indiquée chez d’autres, comme en phase précoce post infarctus du myocarde ou en cas d’espérance de vie courte (2). Une récente synthèse méthodique de la Cochrane Collaboration a comparé l’efficacité de l’amiodarone versus placebo, absence de traitement ou autres antiarythmiques pour la prévention primaire et secondaire de la mort subite cardiaque (15).

En prévention secondaire (après avoir survécu à un arrêt cardiaque ou à une syncope causée par une tachycardie ventriculaire ou par une fibrillation ventriculaire ; en cas de tachycardie ventriculaire ou de fibrillation ventriculaire persistante), on a observé que l’amiodarone, versus placebo ou absence de traitement, avait tendance à accroître le risque de mort subite cardiaque et de mortalité globale (respectivement RR de 4,32 avec IC à 95% de 0,87 à 21,49 et RR de 3,05 avec IC à 95% de 1,33 à 7,01 ; N = 2 études ; n = 440 patients). La qualité des preuves était considérée comme étant très faible. Par comparaison avec les autres antiarythmiques, on a constaté la même tendance pour la mort subite cardiaque (RR de 1,40 avec IC à 95% de 0,56 à 3,52 ; N = 4 études ; n = 838 patients), mais pas pour la mortalité globale (RR de 1,03 avec IC à 95% de 0,75 à 1,42; N = 5 études ; n = 898 patients). Ici aussi, la qualité des preuves était de très faible à faible. Sur base de ces résultats, nous pouvons donc indirectement conclure que l’amiodarone ne peut pas remplacer un DAI en prévention secondaire de la mort subite cardiaque. Une autre synthèse méthodique a toutefois montré que l’amiodarone peut bien être utile lorsqu’elle est associée à un DAI (16).

En prévention primaire (fraction d’éjection du ventricule gauche diminuée < 40% ; tachycardie ventriculaire prolongée et persistante ou interrompue, éventuellement provoquée par un examen électrophysiologique), l’amiodarone, versus placebo ou absence de traitement, a diminué la mort subite cardiaque (RR de 0,76 avec IC à 95% de 0,66 à 0,88), la mortalité cardiaque (RR de 0,86 avec IC à 95% de 0,77 à 0,96) et la mortalité totale (RR de 0,88 avec IC à 95% de 0,78 à 1,00) (N = 17 études ; n = 8383 patients). La qualité des preuves était cependant faible en raison du caractère vague ou inadéquat des méthodes de randomisation et de secret d’attribution dans plus de la moitié des études incluses. On a également observé que versus autres antiarythmiques, l’amiodarone réduisait le risque de mort subite cardiaque (RR de 0,44 avec IC à 95% de 0,19 à 1,00), de mortalité cardiaque (RR de 0,41 avec IC à 95% de 0,20 à 0,86) et de mortalité totale (RR 0,37 avec IC à 95% de 0,18 à 0,76) (N = 3 études ; n = 540 patients). La qualité de ces preuves était modérée du fait du caractère vague du secret d’attribution et du respect de l’insu.

Dans toutes les comparaisons, l’amiodarone provoquait davantage de troubles de la fonction thyroïdienne. Dans la plupart des études, l’hypothyroïdie ou l’hyperthyroïdie ne s’accompagnaient pas de signes subcliniques. Versus placebo, mais pas versus autres antiarythmiques, l’amiodarone était accompagnée d’un plus grand nombre d’effets indésirables pulmonaires et d’arrêts prématurés du traitement.

 

Conclusion

Cette synthèse méthodique et méta-analyse de la Cochrane Collaboration montre, avec un niveau de preuves faible à modéré, que l’amiodarone, versus placebo et autres antiarythmiques, diminue le risque de mort subite cardiaque, de mortalité cardiaque et de mortalité globale en prévention primaire. Selon les éléments de preuve actuels, on ignore si, en prévention secondaire, l’amiodarone diminue ou augmente le risque de mort subite cardiaque ou de mortalité globale.

 

Références 

  1. Myerburg RJ, Junttila MJ. Sudden cardiac death caused by coronary heart disease. Circulation 2012;125:1043–52. DOI: 10.1161/CIRCULATIONAHA.111.023846
  2. Défibrillateur automatique implantable (DAI). Duodecim Medical Publications. Dernière revue: 13/06/2013. Dernière revue contextuelle: 13/06/2013.
  3. Kuck KH, Cappato R, Siebels J, Rüppel R; CASH Investigators. Randomized comparison of antiarrhythmic drug therapy with implantable defibrillators in patients resuscitated from cardiac arrest: the Cardiac Arrest Study Hamburg (CASH). Circulation 2000;102:748-54. DOI: 10.1161/01.CIR.102.7.748
  4. Connolly SJ, Gent M, Roberts RS, et al. Canadian implantable defibrillator study (CIDS): a randomized trial of the implantable cardioverter defibrillator against amiodarone. Circulation 2000;101:1297-302. DOI: 10.1161/01.CIR.101.11.1297
  5. The Antiarrhythmics versus Implantable Defibrillators (AVID) Investigators. A comparison of antiarrhythmic-drug therapy with implantable defibrillators in patients resuscitated from near-fatal ventricular arrhythmias. N Engl J Med 1997;337:1576-83. DOI: 10.1056/NEJM199711273372202
  6. Moss AJ, Hall WJ, Cannom DS, et al. Improved survival with an implanted defibrillator in patients with coronary disease at high risk for ventricular arrhythmia. Multicenter Automatic Defibrillator Implantation Trial Investigators. N Engl J Med 1996;335:1933-1940. DOI: 10.1056/NEJM199612263352601
  7. Buxton AE, Lee KL, Fisher JD, et al. A randomized study of the prevention of sudden death in patients with coronary artery disease. Multicenter Unsustained Tachycardia Trial Investigators. N Engl J Med 1999;341:1882-91. DOI: 10.1056/NEJM199912163412503
  8. Hohnloser SH, Kuck KH, Dorian P, et al; DINAMIT Investigators. Prophylactic use of an implantable cardioverter-defibrillator after acute myocardial infarction. N Engl J Med 2004;351:2481-8. DOI: 10.1056/NEJMoa041489
  9. Bigger JT Jr; Coronary Artery Bypass Graft (CABG) Patch Trial Investigators. Prophylactic use of implanted cardiac defibrillators in patients at high risk for ventricular arrhythmias after coronary artery bypass graft surgery. N Engl J Med 1997;337:1569-75. DOI: 10.1056/NEJM199711273372201
  10. Moss AJ, Zareba W, Hall WJ, et al; Multicenter Automatic Defibrillator Implantation Trial II Investigators. Prophylactic implantation of a defibrillator in patients with myocardial infarction and reduced ejection fraction. N Engl J Med 2002;346:877-83. DOI: 10.1056/NEJMoa013474
  11. Greenberg H, Case RB, Moss AJ, et al; MADIT-II Investigators. Analysis of mortality events in the Multicenter Automatic Defibrillator Implantation Trial (MADIT-II). J Am Coll Cardiol 2004;43:1459-65. DOI: 10.1016/j.jacc.2003.11.038
  12. Bardy GH, Lee KL, Mark DB, et al; Sudden Cardiac Death in Heart Failure Trial (SCD-HeFT) Investigators. Amiodarone or an implantable cardioverter-defibrillator for congestive heart failure. N Engl J Med 2005;352:225-37. DOI: 10.1056/NEJMoa043399
  13. Van Cleemput J. Amiodarone ou défibrillateur interne en cas d’insuffisance cardiaque chronique? MinervaF 2006;5(1):3-6.
  14. Bristow MR, Saxon LA, Boehmer J, et al; Comparison of Medical Therapy, Pacing, and Defibrillation in Heart Failure (COMPANION) Investigators. Cardiac-resynchronization therapy with or without an implantable defibrillator in advanced chronic heart failure. N Engl J Med 2004;350:2140-50. DOI: 10.1056/NEJMoa032423
  15. Claro JC, Candia R, Rada G, et al. Amiodarone versus other pharmacological interventions for prevention of sudden cardiac death. Cochrane Database Syst Rev 2015, Issue 12. DOI: 10.1002/14651858.CD008093.pub2
  16. Ferreira-Gonzalez I, Dos-Subira L, Guyatt GH. Adjunctive antiarrhythmic drug therapy in patients with implantable cardioverter defibrillators: a systematic review. Eur Heart J 2007;28:469-77. DOI: 10.1093/eurheartj/ehl478

 


Auteurs

Van Heuverswyn F.
Hartcentrum, Universitair Ziekenhuis Gent
COI :

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