Analyse


Un taux accru de cholestérol transporté par les LDL n’est pas associé à une mortalité globale et cardiovasculaire accrue chez le sujet âgé de 60 ans ou plus


15 04 2017

Professions de santé

Médecin généraliste
Analyse de
Ravnskov U, Diamond DM, Hama R, et al. Lack of an association or an inverse association between low-density-lipoprotein cholesterol and mortality in the elderly: a systematic review. BMJ Open 2016;6:e010401. DOI: 10.1136/bmjopen-2015-010401


Conclusion
Cette synthèse méthodique n’a pas établi de lien entre un taux élevé de LDL-C et la mortalité cardiovasculaire ou globale chez des sujets âgés de 60 ans ou plus. Au contraire plusieurs études épidémiologiques vont dans le sens d’une relation inverse.



 

En 2004, Minerva avait recommandé de ne pas recourir à des médicaments hypolipidémiants en prévention primaire d’une hypercholestérolémie isolée (1). Pourtant la théorie prédominante depuis des décennies, dite théorie du cholestérol, veut qu’un excès de cholestérol soit à la base de l’athéromatose conduisant à des mortalité cardiovasculaire et globale accrues et que l’objectif thérapeutique doit être de diminuer le cholestérol transporté par les LDL (low-density lipoproteins) (2). Cette théorie n’est cependant pas supportée par de nombreuses données. S’il y a un lien entre cholestérol total et mortalité, il diminue avec l’âge, effet contre-intuitif mis en évidence par une méta-analyse publiée en 2007 (3). Une synthèse méthodique avec méta-analyse, évaluant l’efficacité du remplacement d’une partie des acides gras saturés sur les mortalités coronaire (4) et totale et analysée par Minerva en 2016 (5), a conclu que ce remplacement par de l’acide linoléique réduit le taux de cholestérol total mais est sans effet sur la mortalité coronaire. Les défenseurs de la théorie du cholestérol avancent que le cholestérol total n’est pas un bon indicateur car il tient compte de la fraction liée au HDL (high-density lipoproteins) qui a un effet protecteur et que les études doivent se concentrer sur le cholestérol lié aux LDL (LDL-C). Si c’est bien le cas, les études épidémiologiques devraient montrer que le LDL-C est un facteur de risque de mortalité majeur, en particulier chez les sujets âgés longtemps exposés. Une synthèse méthodique récente s’est penchée sur cette question (6).

 

Dans cette revue systématique, les auteurs ont identifié 19 études de cohorte totalisant 30 cohortes de sujets de 60 ans ou plus issus de la population générale, donnant un total de 68094 individus. Pour la mortalité globale, analysée dans 28 cohortes, une relation inverse entre taux de LDL-C et mortalité totale a été observée dans 16 cohortes (statistiquement significative dans 14) totalisant 92% des participants, les autres cohortes ne mettant pas en évidence d’association. Pour la mortalité cardiovasculaire évaluable dans 9 cohortes, elle était significativement accrue dans 2 cohortes, mortalité cardiovasculaire la plus élevée pour le quartile avec le taux le plus bas de LDL-C, aucune association n’étant observée pour les autres cohortes. Ces données sont donc contre l’hypothèse d’un effet délétère du cholestérol lié au LDL. Les auteurs reconnaissent cependant des limites à leur synthèse méthodique comme la limitation aux articles publiés en langue anglaise, la recherche de littérature uniquement via PubMed en consultant le titre et le résumé de l’étude pour la sélection ou la possibilité d’interférence de traitement par statines lors du suivi.  

Comme les auteurs l’argumentent très bien, la théorie du cholestérol s’avère en conflit avec beaucoup de critères de Bradford Hill (7) : manque de consistance, effets non liés au gradient biologique ; incohérence entre les études. De nouvelles recherches sont nécessaires pour élucider les causes de l’athéromatose et surtout les recommandations de pratique clinique sur la gestion du risque cardiovasculaire doivent être revues à la lumière de toutes les données suggérant que le rôle de l’hypercholestérolémie a été exagéré ainsi que le bénéfice des traitements hypocholestérolémiants en tant qu’agissant sur le taux de cholestérol. Les effets positifs de certains de ces médicaments rapportés relèvent probablement d’autres mécanismes d’action.

 

Conclusion

Cette synthèse méthodique n’a pas établi de lien entre un taux élevé de LDL-C et la mortalité cardiovasculaire ou globale chez des sujets âgés de 60 ans ou plus. Au contraire plusieurs études épidémiologiques vont dans le sens d’une relation inverse. Comme les auteurs l’argumentent très bien, la théorie du cholestérol s’avère en conflit avec beaucoup de critères de Bradford Hill. De nouvelles recherches sont nécessaires pour élucider les causes de l’athéromatose et surtout les recommandations de pratique clinique sur la gestion du risque cardiovasculaire doivent être revues à la lumière de toutes les données suggérant que le rôle de l’hypercholestérolémie a été exagéré ainsi que le bénéfice des traitements hypocholestérolémiants en tant qu’agissant sur le taux de cholestérol. Les effets positifs de certains de ces médicaments rapportés relèvent probablement d’autres mécanismes d’action.

 

 

Références 

  1. La rédaction Minerva. Numéro à thème ’Cholestérol et risque cardiovasculaire’. MinervaF 2004;3(4):53.
  2. Goldstein JL, Brown MS. A century of cholesterol and coronaries: from plaques to genes to statins. Cell 2015;161:161-72. DOI: 10.1016/j.cell.2015.01.036
  3. Prospective Studies Collaboration, Lewington S, Whitlock G, Clarke R, et al. Blood cholesterol and vascular mortality by age, sex, and blood pressure: a meta-analysis of individual data from 61 prospective studies with 55,000 vascular deaths. Lancet 2007;370:1829-39. DOI: 10.1016/S0140-6736(07)61778-4
  4. Ramsden CE, Zamora D, Majchrzak-Hong S, et al. Re-evaluation of the traditional diet-heart hypothesis: analysis of recovered data from Minnesota Coronary Experiment (1968-73). BMJ 2016;353:i1246. DOI: 10.1136/bmj.i1246
  5. Mullie P. Acides gras (in)saturés et mortalité. MinervaF 2016;15(8):203-6.
  6. Ravnskov U, Diamond DM, Hama R, et al. Lack of an association or an inverse association between low-density-lipoprotein cholesterol and mortality in the elderly: a systematic review. BMJ Open 2016;6:e010401. DOI: 10.1136/bmjopen-2015-010401
  7. Critères de causalité. Université d’Ottawa. URL: https://www.med.uottawa.ca/sim/data/Causation_f.htm (site consulté le 21/3/3017).

 

 

Critères de Bradford Hill

En 1965, Austin Bradford Hill a établi une série de critères pour évaluer les rapports épidémiologiques permettant d’évaluer la probabilité de relation causale pour une association entre un facteur environnemental et une maladie. La liste des critères est :

  1. force de l'association (risque relatif ou odds ratio
  2. stabilité de l'association (sa répétition dans le temps et l'espace) 
  3. cohérence (répétition des observations dans différentes populations) 
  4. spécificité (une cause produit un effet) 
  5. relation temporelle (temporalité : les causes doivent précéder les conséquences) 
  6. relation dose-effet (gradient biologique)
  7. plausibilité (plausibilité biologique) 
  8. preuve expérimentale (chez l'animal ou chez l'homme) 
  9. analogie (possibilité d'explications alternatives).

 


Auteurs

Sculier J.P.
Institut Jules Bordet; Laboratoire de Médecine Factuelle, Faculté de Médecine, ULB
COI :

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