Analyse


Utilité limitée des antihistaminiques H1 en cas de refroidissement ?


15 05 2017

Professions de santé

Médecin généraliste, Pharmacien
Analyse de
De Sutter AI, Saraswat A, van Driel ML. Antihistamines for the common cold. Cochrane Database Syst Rev 2015, Issue 11. DOI: 10.1002/14651858.CD009345.pub2


Conclusion
Cette synthèse méthodique, menée correctement d’un point de vue méthodologique, montre que, chez les adultes présentant un refroidissement, les antihistaminiques H1 ont un effet limité, statistiquement significatif, sur les symptômes généraux pendant les deux premiers jours, mais pas à moyen et à long terme. Seuls les antihistaminiques sédatifs montrent un effet limité, statistiquement significatif, sur l’écoulement nasal et les éternuements. Mais on ignore la pertinence clinique de ces résultats, et il est impossible de les extrapoler aux préparations combinées qui sont les plus souvent utilisées en Belgique. Les preuves manquent concernant l’efficacité et l’innocuité de ces médicaments chez les enfants.



 

Nous avons déjà présenté dans la revue Minerva plusieurs publications concernant le traitement du refroidissement. Il est ainsi apparu que l’acide cromoglicique intranasal ne réduit pas la durée du refroidissement chez l’enfant (1,2). De jeunes adultes en bonne santé qui présentaient un début de rhume n’ont retiré aucun bénéfice de la prise de capsules contenant une préparation sèche de la plante echinacea (3,4). Chez les enfants enrhumés, l’application d’une pommade associant huiles essentielles de camphre, menthol et eucalyptus (Vicks Vaporub®), versus vaseline blanche, a bien entraîné un effet statistiquement significatif, mais la pertinence clinique et le rapport bénéfices-risques restent incertains (5,6). Une méta-analyse portant sur des études de petite taille et très hétérogènes montre, chez les patients adultes, une modeste efficacité possible de l’acétate de zinc en termes de réduction de la durée du refroidissement mais une évaluation plus importante reste cependant nécessaire pour en estimer correctement l’efficacité (7,8). Enfin, une synthèse méthodique n’apporte pas de preuves suffisantes pour pouvoir recommander une dose thérapeutique de vitamine C lors de la survenue d’un épisode de refroidissement (9,10).

 

Une récente synthèse méthodique avec méta-analyse a voulu étudier l’effet des antihistaminiques H1 sur les symptômes et la durée du refroidissement (alias rhume) (11) ainsi qu’examiner le rapport bénéfices-risques de ces médicaments. Une recherche systématique dans la littérature a permis d’inclure 18 études randomisées contrôlées. Un biais de sélection n’a pu être exclu dans pratiquement aucune des études. Le risque de biais de performance et de biais de détection étaient faibles dans la plupart des études. Les études comptaient au total 4342 patients, dont 212 enfants, présentant un refroidissement spontané ou induit expérimentalement. Les études incluses examinaient aussi bien des antihistaminiques sédatifs (chlorphénamine* (N = 5 études), clémastine (N = 3 études), bromphéniramine, doxylamine*, diphénhydramine*°, triprolidine, thonzylamine) que des antihistaminiques non sédatifs (terfénadine (N = 3 études, loratadine*°, astémizole, cétirizine*°). Chez les adultes, la prise d’un antihistaminique H1 en monothérapie, versus placebo, a entraîné un effet à court terme sur l’ensemble des symptômes (critère de jugement primaire). Endéans les 2 jours après l’instauration de l’antihistaminique H1, 45% des patients ont signalé une amélioration avec l’antihistaminique versus 38% avec le placebo (rapport de cotes (RC) 0,74 avec IC à 95% de 0,60 à 0,92 ; N = 3 études). Cette différence statistiquement significative a disparu après une période de 3 à 4 jours (N = 1 étude) et après une période de 6 à 10 jours (N = 3 études). Aux jours 2, 3 et 4, on a observé, uniquement avec les antihistaminiques sédatifs, versus un placebo, moins d’écoulement nasal (différence moyenne -0,23 avec IC à 95% de -0,39 à -0,06 sur une échelle à 4 ou 5 points le jour 3) et moins d’éternuements (différence moyenne -0,35 avec IC à 95% de -0,49 à -0,20 sur une échelle à 4 points le jour 3). Versus placebo, on n’a pas observé plus d’effets indésirables avec les antihistaminiques sédatifs, ni avec les antihistaminiques non sédatifs.

 

Conclusion

Cette synthèse méthodique, menée correctement d’un point de vue méthodologique, montre que, chez les adultes présentant un refroidissement, les antihistaminiques H1 ont un effet limité, statistiquement significatif, sur les symptômes généraux pendant les deux premiers jours, mais pas à moyen et à long terme. Seuls les antihistaminiques sédatifs montrent un effet limité, statistiquement significatif, sur l’écoulement nasal et les éternuements. Mais on ignore la pertinence clinique de ces résultats, et il est impossible de les extrapoler aux préparations combinées qui sont les plus souvent utilisées en Belgique. Les preuves manquent concernant l’efficacité et l’innocuité de ces médicaments chez les enfants.

 

 

* Disponible en Belgique sous forme de préparation combinée.

° Disponible en Belgique sous forme de préparation en monothérapie.

 

 

Références 

  1. De Sutter A. Pas de justification pour le cromoglycate en intranasal en cas de refroidissement chez les enfants. MinervaF 2003;2(5):83-4.
  2. Butler C, Robling M, Prout H, et al. Management of suspected acute viral upper respiratory tract infection in children with intranasal sodium cromoglycate: a randomised controlled trial. Lancet 2002;359:2153-8. DOI: 10.1016/S0140-6736(02)09091-8
  3. De Sutter A. L'echinacea en cas de refroidissement. MinervaF 2003;2(10):166-7.
  4. Barrett BP, Brown RL, Locken K, et al. Treatment of the common cold with unrefined echinacea. A randomised, double-blind, placebo-controlled trial. Ann Intern Med 2002;137:939-46. DOI: 10.7326/0003-4819-137-12-200212170-00006
  5. Laekeman G. Pommade contre la toux ? MinervaF 2011;10(5):60-1.
  6. Paul IM, Beiler JS, King TS, et al. Vapor rub, petrolatum, and no treatment for children with nocturnal cough and cold symptoms. Pediatrics 2010;126:1092-9. DOI: 10.1542/peds.2010-1601
  7. Laekeman G. Traiter les refroidissements avec du zinc. Minerva bref 28/06/2013.
  8. Science M, Johnstrone J, Roth DE, et al. Zinc for the treatment of the common cold: a systematic review and meta-analysis of randomized controlled trials. CMAJ 2012;184:E551-61. DOI: 10.1503/cmaj.111990
  9. La rédaction Minerva. Vitamine C pour prévenir et traiter les refroidissements ? Minerva bref 15/11/2013.
  10. Hemilä H, Chalker E. Vitamin C for preventing and treating the common cold. Cochrane Database Syst Rev 2013, Issue 1. DOI: 10.1002/14651858.CD000980.pub4
  11. De Sutter AI, Saraswat A, van Driel ML. Antihistamines for the common cold. Cochrane Database Syst Rev 2015, Issue 11. DOI: 10.1002/14651858.CD009345.pub2

 

 


Auteurs

Laekeman G.
em. Klinische Farmacologie en Farmacotherapie, KU Leuven
COI :

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