Analyse


Stratégie de retrait de la desmopressine dans l'énurésie nocturne


15 06 2017

Professions de santé

Médecin généraliste, Pharmacien
Analyse de
Chua ME, Silangcruz JM, Chang S, et al. Desmopressin withdrawal strategy for pediatric enuresis: a meta-analysis. Pediatrics 2016;138:e20160495. DOI: 10.1542/peds.2016-0495


Conclusion
Cette méta-analyse, de bonne qualité méthodologique mais avec un nombre d’études et un nombre d’enfants très limités et avec des études aux limites méthodologiques parfois importantes, a le mérite de se pencher sur un aspect généralement peu étudié de notre action, à savoir les stratégies de retrait optimales d’un médicament, particulièrement dans un cas comme l’énurésie nocturne chez l’enfant dans lequel un taux de rechute important peut remettre en cause le bénéfice global de ce même traitement. En l’absence de recommandation spécifique existante, cette méta-analyse permet de proposer un retrait structuré de la desmopressine, et particulièrement une diminution progressive de la dose, ce qui semble donner de meilleurs résultats en termes de taux de rechute de l’énurésie nocturne. Cette stratégie est également décrite dans les RCP des médicaments concernés.



 

L'énurésie est fréquente chez les jeunes enfants : 15 à 20% des enfants âgés de 5 ans en souffrent, et les deux tiers de ces enfants présentent uniquement une énurésie nocturne. Après l'âge de 10 ans, 3% des enfants présentent une énurésie régulière (1) ce qui pourrait avoir un impact psychologique sur l’enfant.

Minerva a déjà abordé le traitement de l'énurésie nocturne (2) via l’analyse d’une étude publiée en 2015 (3) qui comportait certaines faiblesses méthodologiques, et qui ne montrait pas de réduction en termes de nombre de nuits mouillées lors de l’ajout de mesures hygiéno-diététiques à un système d'alarme.

Plusieurs Guides de Pratique Clinique (1,4) mettent en évidence l’intérêt de privilégier les mesures non médicamenteuses comme la motivation ou la méthode de l'alarme. Dans ces guides, les médicaments sont réservés à des cas particuliers, chez des enfants qui souffrent d’énurésie au moins une ou deux fois par semaine et quand la résolution à court-terme est une priorité ou encore quand le système d’alarme n’est pas approprié. La thérapie pharmacologique repose principalement sur l’antidiurétique desmopressine. Comme effets indésirables, cette molécule présente des complications dues à la rétention hydrique et à l'hyponatrémie, des troubles émotionnels, des troubles digestifs et des hypertensions artérielles liées à un effet vasoconstricteur (5). Les anticholinergiques et les antidépresseurs imipraminiques sont réservés à la deuxième ligne et sous certaines conditions (4).

L’évaluation de la réponse clinique avec l’instauration de la desmopressine est réalisée à court terme, par exemple après 4 semaines de traitement. Si la réponse est positive, il est préconisé un traitement de 3 mois. Le haut risque de récidive avec la suspension de la desmopressine est bien décrit. Effectivement, une synthèse méthodique de la Cochrane Collaboration montrait déjà en 2002 (6) que même si la desmopressine présentait un résultat plus rapide que le système d’alarme pour réduire le nombre de nuits mouillées, le peu de faits probants disponibles faisait néanmoins penser que les effets ne se maintiennent pas à l’arrêt de la médication, ce qui viendrait «annuler» son bénéfice.

 

La méta-analyse de Chua et al. publiée en 2016 (7) évalue l’efficacité de différentes stratégies de retrait de la desmopressine : retrait dit « abrupt » ou retrait «structuré » en termes de prévention des rechutes. Une analyse en sous-groupes a été réalisée au sein de la stratégie de retrait structurée pour comparer une stratégie dose-dépendante, décrite comme une diminution progressive de la dose effective jusqu’à l’arrêt du traitement et une stratégie temps-dépendante, décrite comme le maintien d'une dose effective mais en augmentant l’intervalle de prise jusqu’à l’arrêt.

N’ont été incluses que les RCTs incluant des patients pédiatriques ayant répondu à la desmopressine et qui évaluaient ces stratégies de retrait de la desmopressine. Des 601 articles identifiés par la stratégie de recherche, seules 4 RCTs ont ainsi été incluses pour un total de 476 patients âgés de 5 à 14 ans. Le critère de jugement primaire était le taux de maintien de la réponse ≥ 1 mois après arrêt de la desmopressine. Les abandons ont été considérés comme des rechutes.

Les auteurs ont suivi les directives PRISMA (8) pour les rapports de synthèses méthodiques et de méta-analyses. L’évaluation de la qualité des études sélectionnées a été réalisée selon la méthode standardisée de la Cochrane Collaboration (9). Chacune des 4 RCTs incluses présente au moins 2 risques de biais élevés.

Les résultats montrent une meilleure réponse en termes de nuits sèches avec le retrait structuré versus le retrait abrupt : RR combiné de 1,38 (avec IC à 95% de 1,17 à 1,63 ; p = 0,0001 ; I2 = 0% ; NNT = 1/RAR *100.">NNT= 7). Entre les différents schémas de retrait structuré, le dose-dépendante présente la meilleure réponse : RR combiné de 1,48 (avec IC à 95% de 1,21 à 1,80 ; p = 0,0001 ; = 0%) ce qui correspondrait à un NNT de 5 pour éviter une rechute supplémentaire. Aucun effet indésirable n’a été signalé en relation avec le processus de retrait du médicament dans les différents groupes.

 

Conclusion

Cette méta-analyse, de bonne qualité méthodologique mais avec un nombre d’études et un nombre d’enfants très limités et avec des études aux limites méthodologiques parfois importantes, a le mérite de se pencher sur un aspect généralement peu étudié de notre action, à savoir les stratégies de retrait optimales d’un médicament, particulièrement dans un cas comme l’énurésie nocturne chez l’enfant dans lequel un taux de rechute important peut remettre en cause le bénéfice global de ce même traitement. En l’absence de recommandation spécifique existante, cette méta-analyse permet de proposer un retrait structuré de la desmopressine, et particulièrement une diminution progressive de la dose, ce qui semble donner de meilleurs résultats en termes de taux de rechute de l’énurésie nocturne. Cette stratégie est également décrite dans les RCP des médicaments concernés.

 

 

Noms de marque

  • desmopressine: Desmopressine Ferring®, Desmopressine Teva® ; Minirin® 

 

Références  

  1. Enurésie chez l’enfant. Duodecim Medical Publications. Dernière mise à jour:02/05/2014. Dernière revue contextuelle: 29/03/2017.
  2. Denys MA. Enurésie nocturne de l’enfant: mesures hygiéno-diététiques en première intention? MinervaF 2015;14(10):118-9.
  3. Cederblad M, Sarkadi A, Engvall G, Nevéus T. No effect of basic bladder advice in enuresis: a randomized controlled trial. J Pediatr Urol 2015;11:153.e1-5. DOI: 10.1016/j.jpurol.2015.03.004
  4. National Institute for Health and Care Excellence. Bedwetting in under 19s. NICE Clinical guideline [CG 111] 2010.
  5. Patients ayant une énurésie nocturne. Dans : Eviter les effets indésirables par interactions médicamenteuses. Comprendre et décider. Guide interactions médicamenteuses. La Revue Prescrire, 2017:636-7.
  6. Glazener CM, Evans JH. Desmopressin for nocturnal enuresis in children. Cochrane Database Syst Rev 2002, Issue 3. DOI: 10.1002/14651858.CD002112
  7. Chua ME, Silangcruz JM, Chang S, et al. Desmopressin withdrawal strategy for pediatric enuresis: a meta-analysis. Pediatrics 2016;138:e20160495. DOI: 10.1542/peds.2016-0495
  8. Moher D, Liberati A, Tetzlaff J, Altman DG; PRISMA Group. Preferred reporting items for systematic reviews and meta-analyses: the PRISMA statement. BMJ 2009;339:b2535. DOI: 10.1136/bmj.b2535
  9. Higgins JP, Altman DG, Sterne JA. Chapter 8: Assessing risk of bias in included studies. In: Higgins JP, Green S. (editors). Cochrane handbook for systematic reviews of interventions. Version 5.1.0. The Cochrane Collaboration, 2011.

 

 




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