Analyse


Exercices de rééducation ou chirurgie arthroscopique du genou en cas de déchirures méniscales ?


15 06 2017

Professions de santé

Kinésithérapeute, Médecin généraliste
Analyse de
Kise NJ, Risberg MA, Stensrud S, et al. Exercise therapy versus arthroscopic partial meniscectomy for degenerative meniscal tear in middle aged patients: randomized controlled trial with two year follow-up. BMJ2016:354:i3740. DOI: 10.1136/bmj.i3740


Conclusion
Cette étude de bonne qualité méthodologique évaluant l’efficacité de la rééducation (exercise therapy) à raison de 2 à 3 séances par semaine pendant 12 semaines versus chirurgie endoscopique du genou en cas de déchirures du ménisque objectivées par résonnance magnétique chez le patient d’âge moyen montre que le traitement de rééducation du genou douloureux est équivalent à l’émondage arthroscopique à 2 ans au score KOOS (Knee injury and Osteoarthritis Outcome Score) avec même un avantage sur le plan de la récupération musculaire à 3 mois. La rééducation peut donc être envisagée comme une réelle option thérapeutique, d’autant qu’il faut rappeler aux cliniciens que la régularisation méniscale, hormis population bien définie, n’a montré aucune preuve que ce procédé soit bénéfique. De plus, l’arthroscopie comporte des risques non négligeables.



 

Nous avons déjà analysé dans Minerva 3 études évaluant l’efficacité de la chirurgie arthroscopique des genoux arthrosiques d’une part (1-6) et d’autre part l’opportunité d’opérer les lésions méniscales dégénératives (7,8).

 

L’étude analysée ici, publiée en 2016 (9), est une RCT visant à montrer la supériorité de la rééducation (exercise therapy) sur la chirurgie arthroscopique chez le patient d’âge moyen qui présente des déchirures méniscales objectivées par résonnance magnétique. 

Dans l’éditorial qui accompagne l’article original, Jarvinen et Guyatt (10) soulignent que la régularisation méniscale reste une des interventions les plus pratiquées aux Etats-Unis et au Royaume-Uni alors qu’il n’y a aucune preuve que ce procédé soit bénéfique. Ils rappellent que depuis plus de dix ans, des études rigoureuses ont démontré la vanité de la technique. Ils s’interrogent sur les raisons de cette pratique : la méniscectomie endoscopique a été d’un apport important dans le traitement des déchirures méniscales traumatiques des jeunes sportifs notamment. C’est probablement par routine et peut-être pour de mauvaises raisons financières que cette technique reste proposée à des patients d’âge moyen alors que l’on sait depuis longtemps que dans cette population les lésions méniscales sont ubiquitaires (11).

Notre pays n’échappe pas à la mode de la chirurgie endoscopique des genoux douloureux malgré l’absence de preuves apportées par toutes les études randomisées.

L’étude de Kise et al. a été réalisée entre octobre 2009 et septembre 2012 en Norvège. Elle a inclus des patients entre 35 et 60 ans. Sur 341 consultants, 226 étaient éligibles pour une arthroscopie de régularisation et 140 furent randomisés en 2 groupes de 70 patients, incluant chacun 61% d’hommes. 96% des RMN réalisées ne montraient pas de lésions arthrosiques. 13/70 (19%) patients dévolus au traitement de rééducation furent néanmoins opérés. 2 patients du groupe orienté vers la chirurgie ont été réopérés pour persistance de signes cliniques. La rééducation a consisté en des exercices neuromusculaires progressifs et de force pendant 12 semaines à raison de 2 à 3 séances par semaine pendant 12 semaines. La compliance à la rééducation a été évaluée comme satisfaisante ou excellente (participation entre 80 et 100% des séances organisées) pour 61% des patients.

L’efficacité clinique a été évaluée à 3 mois en ce qui concerne la force musculaire et à 2 ans par le score KOOS (Knee injury and Osteoarthritis Outcome Score) développant un score moyen sur base d’une évaluation de la douleur, d’autres symptômes en lien avec le genou, la fonctionnalité résiduelle dans le sport ou les autres activités et enfin la qualité de vie liée au genou.

À 3 mois, la force musculaire était mieux améliorée dans le groupe rééducation (p ≤ 0,004), tandis qu’à 2 ans il n’y avait aucune différence clinique significative entre les deux groupes (0,9 point, avec IC à 95% de -4,3 à 6,1 points ; p = 0,72). Aucun effet indésirable sérieux n’a été relevé durant les 2 années de suivi, ni dans le groupe rééducation, ni dans le groupe chirurgie arthroscopique. À noter que les 13 patients du groupe rééducation ayant finalement été opéré n’en ont retiré aucun bénéfice clinique…

 

Il faut attirer l’attention des cliniciens sur le fait que l’arthroscopie comporte des risques non négligeables : infection, risque de TVP chez les patients à risque thromboemboliques élevés (12) et, à long terme, gonarthrose (13). Néanmoins, à notre connaissance, il n’y a qu’une décision de justice qui charge « le médecin qui avait pris l’initiative de procéder à l’ablation du ménisque de son patient sans avoir sérieusement envisagé une autre thérapie, alors que la nécessité de l’intervention n’avait pas suffisamment été démontrée » (Cour d’Appel d’Anvers 22/06/1998) (14).

 

Conclusion

Cette étude de bonne qualité méthodologique évaluant l’efficacité de la rééducation (exercise therapy) à raison de 2 à 3 séances par semaine pendant 12 semaines versus chirurgie endoscopique du genou en cas de déchirures du ménisque objectivées par résonnance magnétique chez le patient d’âge moyen montre que le traitement de rééducation du genou douloureux est équivalent à l’émondage arthroscopique à 2 ans au score KOOS (Knee injury and Osteoarthritis Outcome Score) avec même un avantage sur le plan de la récupération musculaire à 3 mois. La rééducation peut donc être envisagée comme une réelle option thérapeutique, d’autant qu’il faut rappeler aux cliniciens que la régularisation méniscale, hormis population bien définie, n’a montré aucune preuve que ce procédé soit bénéfique. De plus, l’arthroscopie comporte des risques non négligeables.

 

 

Références 

  1. Bellemans J. Une arthroscopie est-elle judicieuse en cas de gonarthrose? MinervaF 2003;2(3):44-5.
  2. Moseley JB, O’Malley K, Petersen NJ, et al. A controlled trial of arthroscopic surgery for osteoarthritis of the knee. N Engl J Med 2002;347:81-8. DOI: 10.1056/NEJMoa013259
  3. Rombouts JJ. Chirurgie arthroscopique des genoux arthrosiques ? MinervaF 2009;8(8):102-3.
  4. Kirkley A, Birmingham TB, Litchfield RB, et al. A randomized trial of arthroscopic surgery for osteoarthritis of the knee. N Engl J Med 2008;359:1097-107. DOI: 10.1056/NEJMoa0708333
  5. Feron JM. Quelle balance bénéfices/risques de la chirurgie arthroscopique dans l’arthrose du genou ? Minerva bref 15/02/2016.
  6. Thorlund JB, Juhl CB, Roos EM, Lohmander LS. Arthroscopic surgery for degenerative knee: systematic review and meta-analysis of benefits and harms. BMJ 2015;350:h2747. DOI: 10.1136/bmj.h2747
  7. Rombouts JJ. Faut-il opérer les lésions méniscales dégénératives ? Minerva bref 15/04/2015.
  8. Sihvonen R, Paavola M, Malmivaara A, et al; Finnish Degenerative Meniscal Lesion Study (FIDELITY) Group. Arthroscopic partial meniscectomy versus sham surgery for a degenerative meniscal tear. N Engl Med J 2013;369;2515-24. DOI: 10.1056/NEJMoa1305189
  9. Kise NJ, Risberg MA, Stensrud S, et al.  Exercise therapy versus arthroscopic partial meniscectomy for degenerative meniscal tear in middle aged patients: randomized controlled trial with two year follow-up. BMJ2016:354:i3740. DOI: 10.1136/bmj.i3740  
  10. Järvinen TLN, Guyatt GH. Arthroscopic surgery for knee pain: a highly questionable practice without supporting evidence of even moderate quality. Br J Sports Med 2016;50:1426-7. DOI: 10.1136/bmj.i3934rep
  11. Noble J. Lesions of the menisci. Autopsy incidence in adults less than fifty-five years old.  Bone Joint Surg Am 1977;59:480-3.
  12. rescrire Rédaction. Arthroscopie du genou : pas d’anticoagulant systématique. Rev Prescrire 2011;31:530-1.
  13. Papalia R, Del Buono A, Osti L, et al. Meniscectomy as a risk factor for knee osteoarthritis : a systematic review. Br Med Bull 2011;99:89-106. DOI: 10.1093/bmb/ldq043
  14. Cité par : CALLEWAERT V. L’obligation d’information du médecin et le consentement éclairé du patient. (p.115) Dans : DUBUISSON B. L'indemnisation des victimes d'accidents médicaux en Europe. Collection du GRERCA. Bruylant, 2015:101-21.

 

 




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