Analyse


Vaccination contre le pneumocoque en prévention de la pneumonie chez les patients BPCO


15 03 2018

Professions de santé

Médecin généraliste, Pharmacien
Analyse de
Walters JA, Tang JN, Poole P, Wood-Baker R. Pneumococcal vaccines for preventing pneumonia in chronic obstructive pulmonary disease. Cochrane Database Syst Rev 2017, Issue 1. DOI: 10.1002/14651858.CD001390.pub4


Conclusion
Le vaccin antipneumococcique 23 valents réduit le risque de pneumonie et d’exacerbations aiguës chez les patients atteints de BPCO sévère (preuves de qualité modérée). Mais aucun effet n’a pu être démontré sur l’incidence de la pneumonie à pneumocoque (preuves de faible qualité) ni sur l’hospitalisation ni sur le décès (preuves de qualité modérée).


Que disent les guides de pratique clinique ?
Tant le Conseil supérieur de la santé que le groupe GOLD recommandent la vaccination contre le pneumocoque chez tous les patients BPCO. Le Conseil supérieur de la santé recommande d’administrer une primo-vaccination aux adultes de 50 à 85 ans atteints de BPCO au moyen d’un vaccin antipneumococcique conjugué 13 valents (PCV13), suivi d’un vaccin antipneumococcique polysaccharidique 23 valents (PPV23) après au moins 8 semaines. Une vaccination de rappel après 5 ans peut être envisagée. L’utilité de la vaccination contre le pneumocoque chez les patients BPCO pour réduire le nombre de pneumonies et d’exacerbations est maintenant confirmée dans cette synthèse méthodique de la Cochrane Collaboration publiée en 2017. Des études sont encore nécessaires pour déterminer le type de vaccin ou l’association de vaccins à recommander et l’utilité éventuelle d’une vaccination de rappel.



En 2017, Minerva a commenté une synthèse méthodique de la Cochrane Collaboration portant sur l’effet de la vaccination contre le pneumocoque chez les patients BPCO (1,2). Une méta-analyse de 4 études randomisées contrôlées (RCTs) a montré que l’administration systématique d’un vaccin antipneumococcique polysaccharidique aux patients BPCO n’est pas scientifiquement étayée. L’effet sur la morbidité (exacerbations aiguës et pneumonie) et sur la mortalité n’était pas statistiquement significatif.

 

Une synthèse méthodique de la Cochrane Collaboration, publiée en 2017 (3), a de nouveau recherché des études randomisées contrôlées qui comparaient un vaccin antipneumococcique polysaccharidique injectable (PPV) ou un vaccin antipneumococcique conjugué (PCV) avec un groupe contrôle ou un groupe recevant un autre type de vaccin chez des patients BPCO. Parmi les 12 études RCTs incluses, 9 portaient sur le vaccin antipneumococcique polysaccharidique 23 valents (PPV23), et 3 sur le vaccin antipneumococcique polysaccharidique 14 valents (PPV14). Dans 6 études, le groupe contrôle ne recevait pas de vaccin ; dans 3 études, le témoin consistait en une injection de placebo ; une autre étude comparait le PPV23 au PCV7 valents (vaccin antipneumococcique conjugué 7 valents), et enfin dans 2 autres études, le même vaccin contre la grippe était administré au groupe intervention et au groupe contrôle. Globalement, il y avait un risque modéré de biais de performance et de biais de détection. Au total, 2171 patients BPCO ont été inclus, l’âge moyen étant de 66 ans, dont 67% d’hommes. Le VEMS moyen était de 1,2 litre dans 5 études et de 54% du VEMS prédit dans 4 études. Après un suivi moyen de 14 mois, on a observé dans le groupe vaccination, versus groupe contrôle, une diminution du nombre de pneumonies communautaires (Community-Acquired Pneumonie, CAP) (rapport de cotes (RC) de 0,62 avec IC à 95% de 0,43 à 0,89 ; N = 6 études, dont 5 avec le PPV 23 valents ; n = 1372 patients). Le nombre de sujets à traiter (NST) pour prévenir 1 épisode de pneumonie communautaire était de 21 (IC à 95% de 15 à 74). Cette diminution n’a toutefois pas pu être montrée pour la pneumonie à pneumocoque (RC 0,26 avec IC à 95% de 0,05 à 1,31 ; N = 3 études ; n = 1158 patients). Il n’y avait pas de différence statistiquement significative entre le groupe vaccination et le groupe contrôle en ce qui concerne la mortalité de cause cardiorespiratoire et la mortalité globale. La vaccination a réduit le nombre d’exacerbations de BPCO de manière statistiquement significative (RC de 0,60 avec IC à 95% de 0,39 à 0,93 ; N = 4 études avec le PPV 23 valents ; n = 446 patients). Le NST pour prévenir une exacerbation aiguë était de 8 (IC à 95% de 5 à 58). La seule étude (n = 181) qui comparait l’efficacité du vaccin PPV 23 valents et celle du PCV 7 valents n’a rapporté aucune différence quant à la pneumonie communautaire, à la mortalité globale, aux hospitalisations et au risque d’exacerbations de BPCO (4). Il est urgent de poursuivre la recherche sur l’effet des vaccins conjugués car ces vaccins engendrent une réponse immunitaire plus forte que les vaccins non conjugués (5,6).

 

Contrairement à une précédente mise à jour de la synthèse méthodique de la Cochrane Collaboration (7), publiée en 2010, avec inclusion de 7 études, la présente mise à jour a bien permis de montrer un effet statistiquement significatif de la vaccination antipneumococcique sur la survenue de la pneumonie et des exacerbations aiguës. L’absence d’effet spécifique sur la pneumonie à pneumocoque pourrait s’expliquer par un manque de puissance. L’incidence de la pneumonie à pneumocoque n’est que de 1,1% dans le groupe contrôle, peut-être parce qu’elle est insuffisamment rapportée. Un effet positif de la vaccination antipneumococcique contre la pneumonie par le type de vaccin (vaccin antipneumococcique conjugué 13 valents (PCV13) a toutefois pu être montré dans une vaste étude randomisée contrôlée chez des personnes âgées en bonne santé et relativement jeunes (8,9). Dans une autre synthèse méthodique de la Cochrane Collaboration (10), publiée en 2007, on a observé une grande efficacité du vaccin antipneumococcique contre les infections à pneumocoque invasives, bien que ce résultat ait été infirmé par une méta-analyse ultérieure (11,12).

 

Conclusion 

Le vaccin antipneumococcique 23 valents réduit le risque de pneumonie et d’exacerbations aiguës chez les patients atteints de BPCO sévère (preuves de qualité modérée). Mais aucun effet n’a pu être démontré sur l’incidence de la pneumonie à pneumocoque (preuves de faible qualité) ni sur l’hospitalisation ni sur le décès (preuves de qualité modérée).

 

Pour la pratique

Tant le Conseil supérieur de la santé que le groupe GOLD recommandent la vaccination contre le pneumocoque chez tous les patients BPCO (13,14). Le Conseil supérieur de la santé recommande d’administrer une primo-vaccination aux adultes de 50 à 85 ans atteints de BPCO au moyen d’un vaccin antipneumococcique conjugué 13 valents (PCV13), suivi d’un vaccin antipneumococcique polysaccharidique 23 valents (PPV23) après au moins 8 semaines. Une vaccination de rappel après 5 ans peut être envisagée. L’utilité de la vaccination contre le pneumocoque chez les patients BPCO pour réduire le nombre de pneumonies et d’exacerbations est maintenant confirmée dans cette synthèse méthodique de la Cochrane Collaboration publiée en 2017. Des études sont encore nécessaires pour déterminer le type de vaccin ou l’association de vaccins à recommander et l’utilité éventuelle d’une vaccination de rappel.

 

 

Références 

  1. Michiels B. Vaccin pneumococcique en cas de BPCO ? MinervaF 2007;6(5):66-8.
  2. Granger R, Walters J, Poole PJ, et al. Injectable vaccines for preventing pneumococcal infection with chronic obstructive pulmonary disease. Cochrane Database Syst Rev 2006, Issue 4. DOI: 10.1002/14651858.CD001390.pub2
  3. Walters JA, Tang JN, Poole P, Wood-Baker R. Pneumococcal vaccines for preventing pneumonia in chronic obstructive pulmonary disease. Cochrane Database Syst Rev 2017, Issue 1. DOI: 10.1002/14651858.CD001390.pub4
  4. Dransfield MT, Harnden S, Burton RL, et al. Long-term comparative immunogenicity of protein conjugate and free polysaccharide pneumococcal vaccines in chronic obstructive pulmonary disease. Clin Infect Dis 2012;55:35-44. DOI: 10.1093/cid/cis513
  5. Dransfield MT, Nahm MH, Han MK, et al. Superior immune response to protein-conjugate versus free pneumococcal polysaccharide vaccine in chronic obstructive pulmonary disease. Am J RespirCrit Care Med 2009;180:499-505. DOI: 10.1164/rccm.200903-0488OC
  6. Répertoire Commenté des Médicaments. Vaccin contre les infections à pneumocoques. CBIP, février 2018.
  7. Walters JA, Smith S, Poole P, et al. Injectable vaccines for preventing pneumococcal infection in patients with chronic obstructive pulmonary disease. Cochrane Database Syst Rev 2010, Issue 11. DOI: 10.1002/14651858.CD001390.pub3
  8. Bonten MJ, Huijts SM, Bolkenbaas M, et al. Polysaccharide conjugate vaccine against pneumococcal pneumonia in adults. N Engl J Med 2015;372:1114-25. DOI: 10.1056/NEJMoa1408544
  9. Michiels B. Efficacité d’un vaccin conjugué contre les pneumocoques à 13 valents chez les personnes âgées de 65 ans et plus en bonne santé ? Minerva bref 15/10/2015.
  10. Moberley SA, Holden J, Tatham DP, Andrews RM. Vaccines for preventing pneumococcal infection in adults. Cochrane Database Syst Rev 2007, Issue 3.
  11. Huss A, Scott P, Stuck AE, et al. Efficacy of pneumococcal vaccination in adults: a meta-analysis. CMAJ 2009;180:48-58. DOI: 10.1503/cmaj.080734
  12. Michiels B. Vaccin contre le pneumocoque : non efficace chez l’adulte. MinervaF 2009;8(9):131.
  13. Vaccination antipneumococcique - adultes. (CSS Avis 9210). Conseil Supérieur de la Santé, 2014. Disponible en ligne : https://www.health.belgium.be/fr/avis-9210-vaccination-antipneumococcique-adultes-fiche
  14. From the Global Strategy for the Diagnosis, Management and Prevention of COPD, Global Initiative for Chronic Obstructive Lung Disease (GOLD) 2017. Disponible à : http://goldcopd.org

 

 




Ajoutez un commentaire

Commentaires