Analyse


Quel est le bénéfice des antagonistes des récepteurs des leucotriènes en cas d’asthme ?


15 06 2018

Professions de santé

Médecin généraliste, Pharmacien
Analyse de
Chauhan BF, Jeyaraman MM, Singh Mann A, et al. Addition of anti-leukotriene agents to inhaled corticosteroids for adults and adolescents with persistent asthma. Cochrane Database Syst Rev 2017, Issue 3. DOI: 10.1002/14651858.CD010347.pub2


Conclusion
Chez des adultes souffrant d’asthme insuffisamment contrôlé par un CSI (généralement à faible dose), l’ajout d’un LABA est plus efficace que l’ajout d’antileucotriènes.


Que disent les guides de pratique clinique ?
Dans le GPC GINA souvent cité comme référence, les antileucotriènes occupent une place limitée : non cités comme médicament de recours en cas de crise, ils représentent une option secondaire comme traitement de contrôle de l’asthme : moins efficaces que les CSI à l’étape 2 du traitement et moins efficaces en association au CSI que l’association CSI + LABA aux étapes 2 et 3. Les études analysées ici ne remettent pas ces recommandations en cause.



Nous avons abordé plusieurs fois dans la revue Minerva l’intérêt des antagonistes des récepteurs des leucotriènes (dits antileucotriènes) en cas d’asthme.

Pour ce qui concerne la crise d’asthme, nous avons conclu (1) d’une RCT publiée en 2010 (2) que l’administration de montélukast versus placebo en cas de crise d’asthme chez un enfant traité par corticostéroïde par voie systémique ne montrait pas d’intérêt clinique.

Pour ce qui est de l’asthme chronique, plusieurs choix sont à évaluer pour ces médicaments.

1. En monothérapie

En 2005, nous avons conclu (3) sur base d’une méta-analyse (4) incluant 13 études dont 1 chez les enfants que les antileucotriènes ne semblaient pas être une alternative aux corticostéroïdes inhalés (CSI) dans le traitement de fond de l’asthme persistant léger à modéré.

Une mise à jour de cette méta-analyse publiée en 2012 par la Cochrane Collaboration (5) confirmait une supériorité des CSI versus antileucotriènes chez les adultes et les enfants souffrant d’asthme persistant.

Conclusion 

En monothérapie, les CSI restent un premier choix versus antileucotriènes pour le traitement de l’asthme persistant.

2. En ajout aux corticostéroïdes inhalés

En 2003, nous avons conclu (6) d’une RCT (7) à des preuves insuffisantes de l’utilité des antileucotriènes comme traitement additionnel des corticostéroïdes inhalés dans l’asthme.

En 2017, une synthèse de la Cochrane Collaboration (8) a analysé les résultats de 37 RCTs évaluant chez des adultes et des adolescents (au moins 12 ans) souffrant d’asthme et sous traitement continu par CSI, l’intérêt d’ajouter des antileucotriènes au CSI versus soit CSI à la même dose maintenue, soit un CSI à une dose majorée, et aussi l’intérêt de cet ajout avec une diminution progressive de la dose de CSI versus CSI en diminution progressive seul. Les résultats suivants sont donnés pour les antileucotriènes montélukast (24 études), zafirlukast (11 études) et pranlukast (2 études) :

A. Ajout d’antileucotriènes au CSI versus même dose de CSI

  • Inclusion de 10 RCTs, 2364 adultes et adolescents.
  • Pour le critère de jugement nombre de patients avec une exacerbation nécessitant de recourir à des corticostéroïdes oraux : diminution de 50% grâce à l’ajout d’antileucotriènes : RR à 0,50 avec IC à 95% de 0,29 à 0,86, soit un NNT (sur 6 à 16 semaines) de 22 avec un IC à 95% de 16 à 75. La plupart des tests respiratoires et les symptômes d’asthme sont améliorés par l’ajout d’antileucotriènes.
    Aucune différence significative n’est observée en termes d’effets indésirables.

 

B. Ajout d’antileucotriènes au CSI versus augmentation de la dose de CSI

  • Inclusion de 8 RCTs, 2008 adultes et adolescents.
  • Pour le critère de jugement nombre de patients avec une exacerbation nécessitant de recourir à des corticostéroïdes oraux : pas de différence statistiquement significative.
    Aucune différence significative n’est observée en termes d’effets indésirables, ni pour les tests respiratoires, ni pour les symptômes.

 

C. Ajout d’antileucotriènes au CSI à dose dégressive versus CSI à dose dégressive seul

  • Inclusion de 7 RCTs, 1150 adultes et adolescents.
  • Absence de bénéfice statistiquement significatif pour la dégressivité de la dose de CSI versus dose initiale, pour le nombre de patients avec une exacerbation nécessitant de recourir à des corticostéroïdes oraux et pour l’ensemble des effets indésirables.
    Davantage d’effets indésirables graves dans le groupe ajout d’antileucotriènes : RR à 2,44 avec IC à 95% de 1,52 à 3,92.

Conclusion 

En cas d’asthme persistant chez un adolescent ou un adulte

  • l’ajout d’antileucotriènes à un CSI est bénéfique versus maintien de la même dose de CSI
  • il n’y a pas de preuve que l’ajout d’antileucotriènes à un CSI soit inférieur, égal ou supérieur à l’augmentation du CSI
  • un effet épargnant de dose de CSI lors de l’ajout d’antileucotriènes à un CSI n’est pas prouvé (preuve de niveau faible).

 

3. En ajout aux corticostéroïdes inhalés versus LABA

En 2005, nous avons conclu (9) d’une RCT (10) que chez des patients présentant un asthme chronique avec plaintes persistantes, l’adjonction d’antileucotriènes à une faible dose de corticostéroïdes inhalés (fluticasone) entraînait autant d’exacerbations que l’adjonction d’un LABA (salmétérol).

En 2007, nous avons conclu (11) d’une méta-analyse de la Cochrane Collaboration (12) qu’en cas d’asthme modéré non suffisamment contrôlé par des corticostéroïdes inhalés chez un adulte, l’ajout d’un LABA était plus efficace que l’ajout d’antileucotriènes.

Une mise à jour de cette méta-analyse de la Cochrane Collaboration publiée en 2014 (13) a conclu, chez des adultes souffrant d’asthme insuffisamment contrôlé par un CSI (généralement à faible dose), à une efficacité modestement supérieure de l’ajout d’un LABA versus ajout d’antileucotriènes en termes de réduction des exacerbations traitées par corticostéroïde oral, d’amélioration de la fonction respiratoire et, dans une moindre mesure, du recours à d’autres médicaments, des symptômes d’asthme et de la qualité de vie.

 

Conclusion 

Chez des adultes souffrant d’asthme insuffisamment contrôlé par un CSI (généralement à faible dose), l’ajout d’un LABA est plus efficace que l’ajout d’antileucotriènes.

 

Pour la pratique

Dans le GPC GINA souvent cité comme référence (14), les antileucotriènes occupent une place limitée : non cités comme médicament de recours en cas de crise, ils représentent une option secondaire comme traitement de contrôle de l’asthme : moins efficaces que les CSI à l’étape 2 du traitement et moins efficaces en association au CSI que l’association CSI + LABA aux étapes 2 et 3.

Les études analysées ici ne remettent pas ces recommandations en cause.

 

Noms de marque

  • montelukast: Montelukast Apotex®, Montelukast EG®, Montelukast Eurogenerics®, Montelukast Kirka®, Montelukast Sandoz®, Montelukast Teva®, Singulair®

Références 

  1. Chevalier P. Montélukast pour la crise d’asthme chez l’enfant ? Minerva bref 24/11/2010.
  2. Todi VK, Lohda R, Kabra SK. Effect of addition of single dose of oral montelukast to standard treatment in acute moderate to severe asthma in children between 5 and 15 years of age: a randomised, double-blind, placebo controlled trial. Arch Dis Child 2010;95:540-3. DOI: 10.1136/adc.2009.168567
  3. Sturtewagen JP. Des corticostéroïdes inhalés ou des antagonistes des récepteurs des leucotriènes en cas d'asthme persistant ? MinervaF 2005;4(1):4-6.
  4. Ducharme FM. Inhaled glucocorticoids versus leukotriene receptor antagonists as single agent asthma treatment: systematic review of current evidence. BMJ 2003;326:621-5. DOI: 10.1136/bmj.326.7390.621
  5. Chauhan BF, Ducharme FM. Anti-leukotriene agents compared to inhaled corticosteroids in the management of recurrent and/or chronic asthma in adults and children. Cochrane Database Syst Rev 2012, Issue 5. DOI: 10.1002/14651858.CD002314.pub3
  6. Kips J. Antagonistes des leucotriènes dans l'asthme chronique persistant. MinervaF 2003;2(1):7-9.
  7. Robinson DS, Campbell D, Barnes PJ. Addition of leukotriene antagonists to therapy in chronic persistent asthma: a randomised double-blind placebo-controlled trial. Lancet 2001;357:2007-11. DOI: 10.1016/S0140-6736(00)05113-8
  8. Chauhan BF, Jeyaraman MM, Singh Mann A, et al. Addition of anti-leukotriene agents to inhaled corticosteroids for adults and adolescents with persistent asthma. Cochrane Database Syst Rev 2017, Issue 3. DOI: 10.1002/14651858.CD010347.pub2
  9. Kegels E. Montélukast versus salmétérol en ajout au fluticasone dans l'asthme modéré persistant. MinervaF 2005;4(1):2-4.
  10. Bjermer LF, Bisgaard H, Bousquet J, et al. Montelukast and fluticasone compared with salmeterol and fluticasone in protecting against asthma exacerbation in adults: one year, double blind, randomised, comparative trial. BMJ 2003;327:891-901. DOI: 10.1136/bmj.327.7420.891
  11. Chevalier P. Asthme chronique : en ajout aux corticostéroïdes inhalés, LABA ou anti-leucotriènes ? MinervaF 2007;6(8) :114-5.
  12. Ducharme FM, Lasserson TJ, Cates CJ. Long-acting beta2-agonists versus anti-leukotrienes as add-on therapy to inhaled corticosteroids for chronic asthma. Cochrane Database Syst Rev 2006, Issue 4. DOI: 10.1002/14651858.CD003137.pub3
  13. Chauhan BF, Ducharme FM. Addition to inhaled corticosteroids of long-acting beta2-agonists versus anti-leukotrienes for chronic asthma. Cochrane Database Syst Rev 2014, Issue 1. DOI: 10.1002/14651858.CD003137.pub5
  14. Global Strategy for asthma management and prevention. GINA report 2018. (www.ginasthma.org)

 

 




Ajoutez un commentaire

Commentaires