Analyse


Faut-il quand même prescrire des IPP en cas de dyspepsie fonctionnelle ?


15 07 2018

Professions de santé

Médecin généraliste, Pharmacien
Analyse de
Pinto-Sanchez MI, Yuan Y, Hassan A, et al. Proton pump inhibitors for functional dyspepsia. Cochrane Database Syst Rev 2017, Issue 11. DOI: 10.1002/14651858.CD011194.pub3


Conclusion
Cette synthèse méthodique avec méta-analyse d’études randomisées contrôlées montre un modeste gain avec les IPP, versus placebo, pour le traitement de la dyspepsie fonctionnelle.


Que disent les guides de pratique clinique ?
Les médicaments antiacides, parmi lesquels les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP), sont recommandés par la plupart des guides de pratique clinique comme traitement de premier choix en cas de dyspepsie fonctionnelle. Selon cette synthèse méthodique avec méta-analyse, pour que les symptômes de dyspepsie disparaissent chez un patient, il faut traiter 13 patients atteints de dyspepsie avec des IPP pendant une courte période de 4 à 8 semaines. Cette différence versus placebo, quant à l’efficacité, est donc trop faible pour promouvoir les IPP comme traitement de premier choix en cas de dyspepsie fonctionnelle. Étant donné le risque que les patients utilisent les IPP plus longtemps qu’il n’est souhaitable, une stratégie par phase est recommandée avec, comme première étape, l’information et les conseils de santé (s’alimenter sainement, perdre du poids, arrêter de fumer, éviter les facteurs déclenchants connus, surélever la tête du lit, prendre le repas principal longtemps avant la mise au lit).



En 2012, Minerva a commenté les résultats d’une étude, menée en première ligne de soins, qui montrait qu’un traitement d’éradication de l’Helicobacter pylori (HP) chez des patients porteurs d’HP et présentant une dyspepsie fonctionnelle entraînait une amélioration statistiquement significative des symptômes après 12 mois (1,2). Les médicaments antiacides, parmi lesquels les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP), sont recommandés par la plupart des guides de pratique clinique (3-5) comme le traitement de premier choix en cas de dyspepsie fonctionnelle, mais leur efficacité reste controversée.

 

Une synthèse méthodique de la Cochrane Collaboration (6), publiée en 2017, a examiné l’effet des IPP sur l’amélioration des symptômes généraux de la dyspepsie et sur la qualité de vie, versus placebo, antagonistes des récepteurs H2 (antihistaminiques H2) ou gastroprocinétiques chez les personnes atteintes de dyspepsie fonctionnelle. La dyspepsie fonctionnelle est définie comme la présence de douleur ou de gêne épigastrique continue ou fréquemment présente sans anomalie à la gastroscopie et/ou sans signes de reflux pathologique. Les chercheurs ont sélectionné 23 études randomisées contrôlées totalisant 8759 patients inclus. Après 2 à 8 semaines de traitement par IPP, versus placebo, on a observé un nombre moins élevé de patients, et ce de manière statistiquement significative, présentant des symptômes de dyspepsie (risque relatif (RR) 0,88 avec IC à 95% de 0,82 à 0,94 ; N = 16 études avec n = 5968 participants) ; NNTB (number needed to treat for an additional beneficial outcome, nombre de sujets à traiter pour observer un bénéfice supplémentaire) 13 ; niveau de preuve modéré). Il n’y avait pas de différence statistiquement significative entre les IPP et les antihistaminiques H2 (N = 2 études avec n = 704 ; faible niveau de preuve), ni entre les IPP et les gastroprocinétiques (N = 4 études avec n = 892 participants ; faible niveau de preuve). A propos de la qualité de vie, il y avait trop peu de données disponibles pour pouvoir tirer des conclusions fiables. Il n’y avait pas de différence quant au nombre d’effets indésirables entre les IPP et le placebo ou les autres traitements.

Les raisons expliquant le niveau de preuve modéré à faible étaient, d’une part, les résultats divergents et, d’autre part, le fait qu’environ la moitié des études incluses présentaient un risque de biais de sélection indéterminé. Dans les études qui comparaient les IPP et les antihistaminiques H2 ou les gastroprocinétiques, il y avait en outre un risque élevé de biais de performance et de détection. On a aussi constaté une importante hétérogénéité statistique entre les études regroupées. Une analyse de sous-groupes selon le statut Helicobacter pylori, le pays d’origine, la présence d’un reflux ou des sous-types Rome III n’a toutefois pas donné de résultats différents.

 

Conclusion 

Cette synthèse méthodique avec méta-analyse d’études randomisées contrôlées montre un modeste gain avec les IPP, versus placebo, pour le traitement de la dyspepsie fonctionnelle.

 

Pour la pratique

Les médicaments antiacides, parmi lesquels les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP), sont recommandés par la plupart des guides de pratique clinique (3-5) comme traitement de premier choix en cas de dyspepsie fonctionnelle. Selon cette synthèse méthodique avec méta-analyse, pour que les symptômes de dyspepsie disparaissent chez un patient, il faut traiter 13 patients atteints de dyspepsie avec des IPP pendant une courte période de 4 à 8 semaines. Cette différence versus placebo, quant à l’efficacité, est donc trop faible pour promouvoir les IPP comme traitement de premier choix en cas de dyspepsie fonctionnelle. Étant donné le risque que les patients utilisent les IPP plus longtemps qu’il n’est souhaitable, une stratégie par phase est recommandée avec, comme première étape, l’information et les conseils de santé (s’alimenter sainement, perdre du poids, arrêter de fumer, éviter les facteurs déclenchants connus, surélever la tête du lit, prendre le repas principal longtemps avant la mise au lit) (3-5).

 

 

Références 

  1. Ferrant L. Eradication de l’Helicobacter pylori en cas de dyspepsie fonctionnelle. MinervaF 2012;11(8):99-100.
  2. Mazzoleni LE, Sander GB, Francesconi CF, et al. Helicobacter pylori eradication in functional dyspepsia: HEROES trial. Arch Intern Med 2011;171:1929-36. DOI: 10.1001/archinternmed.2011.533
  3. Dyspepsie. EBPracticenet 1/01/2000. Dernière révision contextuelle 20/06/2018.
  4. Numans ME, De Wit NJ, Dirven JAM, et al. NHG-Standaard Maagklachten 2013 (Derde herziening). Huisarts Wet 2013;56:26-35.
  5. Troubles gastriques. Fiches de transparence. CBIP juin 2010. Mise à jour: 2015.
  6. Pinto-Sanchez MI, Yuan Y, Hassan A, et al. Proton pump inhibitors for functional dyspepsia. Cochrane Database Syst Rev 2017, Issue 11. DOI: 10.1002/14651858.CD011194.pub3

 

 


Auteurs

Ferrant L.
Vakgroep eerstelijns- en interdisciplinaire zorg, Centrum voor Huisartsgeneeskunde, Universiteit Antwerpen
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