Analyse


Triple thérapie fixe inhalée supérieure au tiotropium seul chez le patient BPCO ?


01 09 2018

Professions de santé

Médecin généraliste, Pharmacien
Analyse de
Vestbo J, Papi A, Corradi M, et al. Single inhaler extrafine triple therapy versus long-acting muscarinic antagonist therapy for chronic obstructive pulmonary disease (TRINITY): a double-blind, parallel group, randomised controlled trial. Lancet 2017;389:1919-29. DOI: 10.1016/S0140-6736(17)30188-5


Conclusion
Cette RCT de bonne qualité méthodologique montre que la réduction du taux d’exacerbations induit par la triple thérapie fixe (dipropionate de béclométasone, formotérol et glycopyrronium) est très faible (0,2 exacerbation par patient-année) versus tiotropium seul chez le patient BPCO (stade 3 ou 4 et groupe B ou D). Cependant, le manque de cohérence entre le design de l’étude et les propositions d’escalade thérapeutique du guide de pratique clinique GOLD soulève aussi le problème d’évaluation de l’effet thérapeutique pour le clinicien comme développé dans une analyse antérieure de Minerva.


Que disent les guides de pratique clinique ?
Le guide de pratique clinique GOLD 2017, sur avis d’expert, recommande l’escalade thérapeutique dans le groupe D qui continue à présenter des exacerbations. Les résultats de cette étude TRINITY et dans une moindre mesure TRILOGY où les exacerbations modérées à sévères étaient un critère secondaire ne soutiennent pas de manière factuelle les recommandations GOLD 2017. Il faut de nouveaux essais randomisés avec un nombre plus important de patients GOLD D afin d’être assuré d’une puissance statistique suffisante et comme signalé, de nouveaux essais également pour les GOLD B avec des critères primaires de jugement pertinents comme la mortalité (aucune preuve d’effet à l’heure actuelle) et/ou le taux d’hospitalisation (preuves de qualité moyenne, résultats contradictoires) sur des études de longue durée par les traitements pharmacologiques mis à disposition du clinicien.



La version 2017 du Guide de pratique clinique GOLD (1) recommande pour les patients BPCO du groupe D (i.e. avec au moins une exacerbation sévère menant à l’hospitalisation et/ou ≥ 2 exacerbations modérées à sévères durant l’année écoulée et BPCO très symptomatique (CAT ≥ 10 ou mMRC ≥ 2)) une escalade thérapeutique pour ceux qui continuent à présenter des exacerbations : LAMA vers LAMA + LABA ou LABA + CSI vers LAMA + LABA + CSI. Les auteurs soulignent cependant le manque de preuves actuelles pour soutenir cet avis de mise en œuvre de la triple thérapie chez les patients du groupe D.

Récemment, Minerva a analysé une synthèse méthodique de la Cochrane Collaboration publiée en 2016, comparant une trithérapie (tiotropium + LABA + CSI) versus tiotropium chez des patients présentant une BPCO où les auteurs concluaient que les preuves d’une plus-value de la trithérapie en termes d’hospitalisation étaient de qualité modérée, de faible qualité en termes de qualité de vie (SGRQ), et que les preuves étaient insuffisantes en termes de mortalité et d’exacerbations (2,3). Deux points essentiels avaient été relevés : la faible durée des études incluses, une seule atteignait une durée de traitement d’un an, et l’absence de définition d’un ou plusieurs sous-groupes de BPCO où le traitement pourrait être efficace (notamment le groupe D). Ce deuxième point est d’autant plus important que les CSI sont associés à un risque accru de pneumonie, de candidose orale, de raucité de voix et d’ecchymoses et que le ciblage thérapeutique devrait éventuellement permettre d’atteindre une balance bénéfice/risque favorable (4).

La RCT Trinity (5) (double aveugle, double placebo) tente de répondre à la question clinique suivante : le traitement par triple thérapie inhalée en un seul inhalateur de fines particules de dipropionate de béclométasone, formotérol et glycopyrronium (CSI/LABA/LAMA) est-il, chez les patients BPCO stade 3 ou 4 et présentant au moins une exacerbation par an, supérieure en termes de bénéfices cliniques (réduction du nombre d’exacerbations modérées à sévères) comparé au tiotropium seul ?

Cette étude inclut 2691 patients dont 76% d’hommes, d’un âge moyen 63 ans et présentant une BPCO (rapport VEMS/CVF en post bronchodilatation inférieur à 70%) avec un VEMS post-bronchodilatation < 50% (stade 3 et 4) et, du point de vue clinique, au moins une exacerbation modérée à sévère dans l’année écoulée (taux d’exacerbations 1,3 par patient-année pour les deux bras principaux) et un CAT score ≥10 (groupe B ou D) (score moyen : 21,5). Environ 50% étaient des fumeurs actifs. Ceux déjà sous trithérapie ont été exclus, les autres facteurs d’exclusion sont ceux classiquement présents dans ce type d’étude, notamment l’existence de pathologies cardiovasculaires significatives et/ou une exacerbation récente de la BPCO. Après une période de pré-inclusion de 2 semaines sous tiotropium, les patients ont été randomisés pour une durée de 52 semaines en 3 bras : tiotropium (n = 1075), triple thérapie fixe en particules extra-fines en 1 seul inhalateur : (dipropionate de béclométasone, formotérol et glycopyrronium (CSI/LABA/LAMA)) (n = 1078) et triple thérapie avec deux inhalateurs (CSI/LABA + LAMA) (n = 538). Le critère de jugement primaire était le taux d’exacerbations modérées à sévères. Les 2 critères de jugement secondaires principaux étaient basés sur le changement du VEMS pré-dose entre l’état de base et à 52 semaines. Pour ce critère fonctionnel, la trithérapie fixe a été comparée au tiotropium par une analyse de supériorité et vis à vis de la triple thérapie en inhalateurs séparés par une analyse de non-infériorité.

Après 52 semaines de traitement, le taux d’incidence des exacerbations modérées à sévères est à 0,46 par patient-année (avec IC à 95% de 0,41- 0,51) pour la triple thérapie fixe, à 0,57 (avec IC à 95% de 0,52 - 0,63) pour le tiotropium et à 0,45 (avec IC à 95% de 0,39 - 0,52) pour la trithérapie en deux inhalateurs. Le rapport des taux d’incidence (0,80 avec IC à 95% de 0,69 à 0,92 ; p = 0,0025) montre la supériorité de l’association triple thérapie fixe versus tiotropium seul. Le changement moyen ajusté dans la valeur du VEMS pré-dose à 52 semaines versus la valeur de départ est supérieur dans la triple thérapie fixe par rapport au tiotropium seul (différence moyenne ajustée : 0,061 L (avec IC à 95% de 0,037 à 0,086) ;   p < 0,0001) et le changement moyen ajusté est non-inférieur dans la triple thérapie fixe versus la trithérapie délivrée en deux inhalateurs : -0,003 L (avec IC à 95% de -0,033 à 0,027) ; p = 0,85). L’étude n’avait pas la puissance statistique nécessaire pour analyser les différences des taux de pneumonie.

Une comparaison de la triple thérapie vis à vis de la thérapie bronchodilatatrice LAMA-LABA aurait été plus utile car correspondant à l’escalade thérapeutique suggérée par le guide de pratique clinique GOLD (1). Comme le souligne l’éditorial (6) accompagnant l’étude TRINITY et comme cela peut être retrouvé à la page 6 des annexes de l’étude, une limitation importante de TRINITY est l’inclusion de seulement ± 20% de patients GOLD D, les autres étant des GOLD B. L’examen des annexes montre que la triple thérapie ne réduit pas le nombre d’exacerbations modérées à sévères dans le groupe D (manque de puissance ?) mais bien dans le groupe B.

 

Conclusion

Cette RCT de bonne qualité méthodologique montre que la réduction du taux d’exacerbations induit par la triple thérapie fixe (dipropionate de béclométasone, formotérol et glycopyrronium) est très faible (0,2 exacerbation par patient-année) versus tiotropium seul chez le patient BPCO (stade 3 ou 4 et groupe B ou D). Cependant, le manque de cohérence entre le design de l’étude et les propositions d’escalade thérapeutique du guide de pratique clinique GOLD soulève aussi le problème d’évaluation de l’effet thérapeutique pour le clinicien comme développé dans une analyse antérieure de Minerva (7,8).

 

Pour la pratique

Le guide de pratique clinique GOLD 2017, sur avis d’expert, recommande l’escalade thérapeutique dans le groupe D qui continue à présenter des exacerbations (1). Les résultats de cette étude TRINITY et dans une moindre mesure TRILOGY (8) où les exacerbations modérées à sévères étaient un critère secondaire ne soutiennent pas de manière factuelle les recommandations GOLD 2017. Il faut de nouveaux essais randomisés avec un nombre plus important de patients GOLD D afin d’être assuré d’une puissance statistique suffisante et comme signalé (6), de nouveaux essais également pour les GOLD B avec des critères primaires de jugement pertinents comme la mortalité (aucune preuve d’effet à l’heure actuelle) et/ou le taux d’hospitalisation (preuves de qualité moyenne, résultats contradictoires) sur des études de longue durée par les traitements pharmacologiques mis à disposition du clinicien (9-11).

 

Références 

  1. From the Global Strategy for the Diagnosis, Management and Prevention of COPD. Global Initiative for Chronic Obstructive Lung Disease (GOLD) 2017. Available from: http://goldcopd.org/ (site web consulté le 6/08/2018).
  2. Chevalier P. BPCO : trithérapie (tiotropium + LABA + CSI) versus tiotropium seul ? Minerva bref 15/09/2017.
  3. Rojas-Reyes MX, García Morales OM, Dennis RJ, Karner C. Combination inhaled steroid and long-acting beta2-agonist in addition to tiotropium versus tiotropium or combination alone for chronic obstructive pulmonary disease. Cochrane Database Syst Rev 2016, Issue 6. DOI: 10.1002/14651858.CD008532.pub3
  4. Yang IA, Clarke MS, Sim EH, Fong KM. Inhaled corticosteroids for stable chronic obstructive pulmonary disease. Cochrane Database Syst Rev 2012, Issue 7. DOI: 10.1002/14651858.CD002991.pub3
  5. Vestbo J, Papi A, Corradi M, et al. Single inhaler extrafine triple therapy versus long-acting muscarinic antagonist therapy for chronic obstructive pulmonary disease (TRINITY): a double-blind, parallel group, randomised controlled trial. Lancet 2017;389:1919-29. DOI: 10.1016/S0140-6736(17)30188-5
  6. Fabbri L, Roversi S, Beghé B. Triple therapy for symptomatic patients with COPD. Lancet 2017;389:1864-5. DOI: 10.1016/S0140-6736(17)30567-6
  7. Van Meerhaeghe A. Apport réel de la triple association (béclométasone (CSI)- formotérol (LABA)-glycopyrronium (LAMA) pour les patients BPCO sévères ? MinervaF 2017;16(5):128-32.
  8. Singh D, Papi A, Corradi M, et al. Single inhaler triple therapy versus inhaled corticosteroid plus long-acting β2-agonist therapy for chronic obstructive pulmonary disease (TRILOGY): a double-blind, parallel group, randomised controlled trial. Lancet 2016;388: 963–73. DOI: 10.1016/S0140-6736(16)31354-X
  9. Tashkin DP, Celli B, Senn S, et al; UPLIFT Study Investigators. A 4-year trial of tiotropium in chronic obstructive pulmonary disease. N Engl J Med 2008;359:1543-54. DOI: 10.1056/NEJMoa0805800
  10. Calverley PM, Anderson JA, Celli B, et al; TORCH investigators. Salmeterol and fluticasone propionate and survival in chronic obstructive pulmonary disease. N Engl J Med 2007;356:775-89. DOI: 10.1056/NEJMoa063070
  11. Vestbo J. Anderson JA, Brook RD, et al; Summit investigators. Fluticasone furoate and vilanterol and survival in chronic obstructive pulmonary disease with heightened cardiovascular risk (SUMMIT): a double-blind randomised controlled trial. Lancet 2016;387:1817-26. DOI: 10.1016/S0140-6736(16)30069-1

 

 

 




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