Analyse


Obésité de l’enfant : apport d’une approche comportementale familiale


01 10 2018

Professions de santé

Diététicien, Ergothérapeute, Kinésithérapeute, Médecin généraliste, Psychologue
Analyse de
Wilfley DE, Saelens BE, Stein RI, et al. Dose, content, and mediators of family-based treatment for childhood obesity. A multisite randomized clinical trial. JAMA Pediatrics 2017;171:1151-9. DOI: 10.1001/jamapediatrics.2017.2960


Conclusion
Cette étude randomisée contrôlée, de bonne qualité méthodologique, montre qu’une approche comportementale familiale conduit à une perte de poids statistiquement significative chez les enfants présentant de l’obésité.


Que disent les guides de pratique clinique ?
Les recommandations de Domus Medica concernant l’obésité chez l’enfant parlent de l’importance d’un changement de comportement de toute la famille et de l’environnement en plus du changement des habitudes alimentaires, de la lutte contre la sédentarité et de l’encouragement des exercices physiques. Cette étude confirme l’utilité d’une approche comportementale familiale. La mise en œuvre de cette approche requiert une collaboration multidisciplinaire, le développement des compétences des intervenants de la première ligne et un appui dans le domaine de la politique à suivre. Les manuels que l’on trouve sur le site eetexpert.be (pour les médecins généralistes, les diététiciennes, les médecins des centres PMS, les psychologues) peuvent constituer un bon fil conducteur pour la pratique.



Minerva (1) a publié un commentaire d’une étude randomisée contrôlée par placebo (2) qui examinait l’effet de l’autorégulation avec modifications plus ou moins importantes de l’apport calorique et de l’activité physique chez les jeunes adultes. La perte de poids à court terme était principalement due à une forte diminution de l’apport calorique (500 à 1000 kcal de moins que la consommation quotidienne initiale) et à une augmentation importante des activités physiques (jusqu’à 250 minutes/semaine). Nous nous posions tout de même des questions sur la pertinence clinique de ce résultat ainsi que sur sa durée. En outre, nous attirions l’attention sur le risque accru d’apparition de troubles alimentaires liés à une attention (trop) ciblée sur la perte de poids (3). Une récente synthèse méthodique de la Cochrane Collaboration avec méta-analyse (4) a conclu qu’un traitement axé sur l’alimentation, les activités physiques et une thérapie comportementale chez les enfants âgés de 6 à 11 ans (médiane : 10 ans) présentant une obésité conduisait à une diminution moyenne de l’IMC de -0,53 kg/m² (IC à 95% de -0,82 à -0,24 ; p < 0,00001 ; N = 24 études avec n = 2785 enfants) et à une perte de poids moyenne de -1,45 kg (IC à 95% de -1,88 à -1,02 ; p < 0,00001 ; N = 17 études avec n = 1 774 enfants). Le niveau de preuve était faible à très faible en raison du risque élevé de biais de performance et de biais de détection dans un bon nombre d’études et en raison de l’incohérence des résultats de l’étude. En outre, dans plusieurs études, le suivi n’était que de 6 mois.

 

En 2017, une  étude randomisée contrôlée avec groupes parallèles (5) a sélectionné 172 paires enfant-parent. Les enfants étaient âgés de 7 à 11 ans, avec un poids ≥ 85e percentile pour l’âge et le sexe, et au moins un des parents avait un IMC ≥ 25. Après une période de 4 mois de thérapie comportementale familiale (TCF) comportant des séances hebdomadaires de 30 minutes avec la famille et de 45 minutes dans des groupes distincts d’enfants et de parents au cours desquels étaient enseignées les adaptations visant l’alimentation et les activités physiques (renforcement, contrôle des stimuli, planning, prévention des rechutes…), la population de l’étude a été divisée en 3 groupes pour 8 mois :

 

  • un groupe témoin (n = 57) qui a reçu des informations complémentaires concernant l’alimentation et l’exercice physique et qui a participé à des ateliers ayant pour thème la cuisine, les courses dans les grandes surfaces commerciales et la gymnastique douce basée sur des étirements (stretching) 
  • un groupe avec thérapie de faible intensité (n = 56) qui a bénéficié d’une séance toutes les 2 semaines (30 minutes avec la famille et 75 minutes dans des groupes distincts d’enfants et de parents), la thérapie étant axée sur l’optimalisation de l’environnement social et physique (maison, école, travail, restaurant, amis) pour favoriser un mode de vie sain et la perte de poids ; tant le parent que l’enfant étaient pesés à chaque séance 
  • un groupe avec thérapie intensive (n = 59) qui a bénéficié des mêmes séances toutes les semaines, ce qui fait que la motivation et l’acquisition des compétences apprises (comme la réaction aux réactions négatives des compagnons, la création d’un environnement familial qui soutient un comportement sain) était plus intense ; ici aussi, le parent et l’enfant étaient pesés à chaque séance.

 

Comme critère de jugement primaire, les investigateurs ont choisi le pourcentage d’enfants présentant une surcharge pondérale, définie comme un IMC supérieur à la moyenne pour l’âge et le sexe suivant un tableau validé (6), ce qui était particulièrement pertinent pour cette étude car 50% des patients inclus se trouvaient dans le percentile supérieur pour le poids. Le critère de jugement secondaire était une perte de poids d’au moins 9% par rapport au début de l’étude. Une méta-analyse a pu montrer que cette diminution était associée à une diminution du risque cardiovasculaire (7). Par rapport au groupe témoin, on a observé, entre le mois 4 et le mois 12, une diminution du nombre d’enfants en surpoids de 6,71% (avec IC à 95% de -9,57 à -3,84 ; p < 0,001) dans le groupe bénéficiant du traitement intensif et de 3,34% (avec IC à 95% de -6,21 à -0,47 ; p = 0,02) dans le groupe bénéficiant de la thérapie de faible intensité. On a observé une diminution de poids cliniquement pertinente d’au moins 9% chez 82% des enfants dans le groupe bénéficiant de la thérapie de forte intensité versus 64% des enfants dans le groupe bénéficiant de la thérapie de faible intensité (différence de 18% avec IC à 95% de 1 à 34% ; p = 0,03; NNT = 6) et versus 48% dans le groupe témoin (différence de 34% avec IC à 95% de 16% à 51% ; p < 0,001; NNT = 3).

 

La qualité méthodologique de cette étude randomisée contrôlée est bonne, sauf en ce qui concerne la possibilité d’un biais de sélection car seuls des volontaires ont été choisis, et les participants étaient donc motivés. Nous ne disposons pas de données concernant l’insu, et il y a une différence quant aux caractéristiques de base entre les différents groupes de traitement en ce qui concerne la présence d’une obésité grave (nettement plus élevée dans le groupe bénéficiant de la thérapie intensive). Nous pouvons donc nous demander si ces résultats favorables se maintiendront sur le long terme, avec ou sans poursuite du soutien thérapeutique. Cette étude apporte toutefois des informations importantes sur la réponse en termes de diminution du poids en fonction de l’intensité de la thérapie comportementale et systémique. L’élément novateur de cette étude est qu’elle n’est pas seulement orientée sur la perte de poids (bien que l’échelle de poids reste tout de même encore omniprésente dans les séances de thérapie), mais que l’on accorde aussi beaucoup d’attention aux améliorations contextuelles, telles que l’aide pour une alimentation saine et des habitudes alimentaires saines au sein de la famille, l’attention à ne pas stigmatiser, l’écoute face aux expériences de stigmatisation, le bien-être mental et physique, l’image corporelle, l’implication de l’école et de l’environnement du temps libre, etc. Par contre,  cette étude n’a pas rassemblé de données concernant une éventuelle amélioration du bien-être général de l’enfant et des parents. Le passage de l’objectif thérapeutique de la simple perte de poids à l’amélioration de la santé globale et au bien-être comme moteur pour l’approche de l’obésité se présente en effet de plus en plus comme un nouveau paradigme (8).

 

Conclusion

Cette étude randomisée contrôlée, de bonne qualité méthodologique, montre qu’une approche comportementale familiale conduit à une perte de poids statistiquement significative chez les enfants présentant de l’obésité.

 

Pour la pratique

Les recommandations de Domus Medica (9) concernant l’obésité chez l’enfant parlent de l’importance d’un changement de comportement de toute la famille et de l’environnement en plus du changement des habitudes alimentaires, de la lutte contre la sédentarité et de l’encouragement des exercices physiques. Cette étude confirme l’utilité d’une approche comportementale familiale. La mise en œuvre de cette approche requiert une collaboration multidisciplinaire, le développement des compétences des intervenants de la première ligne et un appui dans le domaine de la politique à suivre. Les manuels que l’on trouve sur le site eetexpert.be (10) (pour les médecins généralistes, les diététiciennes, les médecins des centres PMS, les psychologues) peuvent constituer un bon fil conducteur pour la pratique. 

 

 

 

Références 

  1. Jeannin R. Stratégies d’auto-régulation en prévention de la prise de poids et de l’obésité chez les jeunes adultes. MinervaF 2017;16(2):43-7.
  2. Wing RR, Tate DF, Espeland MA, et al; Study of Novel Approaches to Weight Gain Prevention (SNAP) Research Group (2016). Innovative self-regulation strategies to reduce weight gain in young adults: the Study of Novel Approaches to weight gain Prevention (SNAP) randomized clinical trial. JAMA Intern Med 2016;176:755-62. DOI: 10.1001/jamainternmed.2016.1236
  3. Neumark-Sctainer, Wall, Story, et al. Dieting and unhealthy weight control behaviors during adolescence: associations with 10-year changes in body mass index. J Adolesc Health 2012;50:80-6. DOI: 10.1016/j.jadohealth.2011.05.010
  4. Mead E, Browh T, Rees K et all. Diet, physical activity and behavioural interventions for the treatment of overweight or obese children from the age of 6 to 11 years. Cochrane Database Syst Rev 2017, Issue 6. DOI: 10.1002/14651858.CD012651
  5. Wilfley DE, Saelens BE, Stein RI, et al. Dose, content, and mediators of family-based treatment for childhood obesity. A multisite randomized clinical trial. JAMA Pediatrics 2017;171:1151-9. DOI: 10.1001/jamapediatrics.2017.2960
  6. Kuczmarski RJ, Ogden CL, Grummer-Strawn LM, et al. CDC growth charts: United States. Adv Data 2000;(314):1-27.
  7. Ho M, Garnett SP, Baur L, et al. Effectiveness of lifestyle interventions in child obesity: systematic review with meta-analysis. Pediatrics 2012;130:e1647-e1671. DOI: 10.1542/peds.2012-1176
  8. O’Hara L, Taylor JA. What’s wrong with the ‘war on obesity?’ A narrative review of the weight-centered health paradigm and development of the 3C framework tot build critical competency for a paradigm shift. SAGE Open 2018;28:1-28. DOI: 10.1177/2158244018772888
  9. Niesten L, Bruwier G. Obesitas bij kinderen. Domus Medica 2008.
  10. Eetexpert.be. Zorg voor kinderen met eet/gewichtsproblemen – draaiboek voor de huisarts. Okt 2008.

 

 

 




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