Analyse


Instabilité et réversibilité d’un diagnostic de BPCO


01 11 2018

Professions de santé

Médecin généraliste
Analyse de
Aaron SD, Tan WC, Bourbeau J, et al; Canadian Respiratory Research Network. Diagnostic instability and reversals of chronic obstructive pulmonary disease diagnosis in individuals with mild to moderate airflow obstruction. Am J Respir Crit Care Med 2017;196:306-14. DOI: 10.1164/rccm.201612-2531OC


Conclusion
Cette recherche reprenant les résultats d’une ancienne RCT comparés à ceux d’une étude de cohorte encore en cours, montre que, chez des sujets avec BPCO légère à modérée, le diagnostic spirométrique de BPCO peut varier dans le temps si les valeurs mesurées sont proches du seuil choisi. Elle confirme l’intérêt de l’arrêt du tabagisme sur l’évolution des valeurs spirométriques.


Que disent les guides de pratique clinique ?
Le critère diagnostique classique de BPCO est spirométrique : rapport VEMS/CVF post bronchodilatation < 0,70 (GOLD 2017). Cette publication-ci montre la fragilité d’une seule détermination spirométrique en cas de BPCO de stade 1 (voire de stade 2) quand les valeurs sont proches du seuil (VEMS/CVF entre 0,65 et 0,75). Elle confirme l’intérêt capital de l’arrêt du tabagisme sur l’évolution des valeurs spirométriques.



Diagnostic de BPCO et variabilité

Le diagnostic d’une BPCO doit reposer sur une évaluation spirométrique. Il est classique de distinguer d’une part une variabilité (importante) des résultats spirométriques en cas d’asthme, et, d’autre part, une stabilité des résultats (avec détérioration progressive) en cas de BPCO. La variabilité dans le temps des valeurs spirométriques en cas de BPCO est une notion plus récemment développée. Le Canadian Respiratory Research Network (1) a étudié cette variabilité chez des sujets considérés atteints d’une BPCO légère à modérée. Il s’est basé sur les données d’une RCT nord-américaine (USA et Canada) sur une durée de 5 ans, la Lung Health Study (2) publiée en 1994, incluant 5861 fumeurs des 2 sexes, âgés de 35 à 60 ans, avec un rapport VEMS/CVF post bronchodilatation < 0,70 et VEMS entre 55 et 90% des valeurs prédites, avec exclusion des patients avec diagnostic d’asthme. Ces sujets ont eu une évaluation spirométrique annuelle et bénéficié d’une des 3 interventions suivantes : (a) soins courants ou (b) programme intensif d’arrêt tabagique + ipratropium inhalé ou (c) programme intensif d’arrêt tabagique + placebo inhalé. Les auteurs ont ensuite validé les données en utilisant les résultats d’une étude de cohorte prospective plus récente (2015), la Canadian Cohort of Obstructive Lung Disease (CanCOLD) study (3,4), étude incluant 1551 patients (mêmes critères d’inclusion) et encore en cours (données à 4 ans non encore complètes) ; cette étude inclut aussi bien des fumeurs (anciens ou actuels) que des non-fumeurs.

 

Seuils diagnostiques

Les seuils diagnostiques de BPCO choisis par les auteurs sont le classique rapport VEMS/CVF post bronchodilatation < 0,70 (seuil fixe) et un seuil inférieur au percentile 5 des valeurs normales du rapport VEMS/CVF (lower limit of normal, LLN 5%). Le GPC de GOLD (5) mentionne que, particulièrement en cas de BPCO légère, la fréquence de diagnostic de BPCO peut-être différente en fonction de l’utilisation de l’un ou l’autre de ces seuils en fonction de l’âge des sujets (< 45 ans ou plus âgés). Il mentionne aussi les limites du LLN : dépendance forte du choix de références valides pour le rapport VEMS/CVF, absence d’études longitudinales validant l’utilisation du LLN (NDLR : sauf celle analysée ici), absence d’étude avec des données chez des patients dont le tabagisme n’est pas la cause majeure de la BPCO.

 

Variabilité du diagnostic de BPCO

Le Canadian Respiratory Research Network a évalué la fréquence de variation du diagnostic de BPCO : pour combien de patients, les données spirométriques initiales montraient-elles un diagnostic de BPCO, se sont ensuite normalisées, puis ont refranchi le seuil de diagnostic de BPCO, ou inversement. Cette variabilité entre le début et la fin de l’étude a été observée chez 12,6% des sujets de la LHS et chez 27,2% des sujets de la CanCOLD.

L’analyse montre aussi qu’au moins une variation entre les valeurs spirométriques annuelles au-dessus ou en dessous du seuil de BPCO s’est produite chez 19,5% (IC à 95% de 18,4 à 20,6) pour le critère LLN 5% et chez 17,1% (IC à 95% de 16,1 à 18,1) pour le critère VEMS/CVF < 0,70 dans la LHS.

L’analyse montre aussi le bénéfice clair d’un arrêt du tabagisme : il est un prédicteur fort d’un retour à des valeurs spirométriques normales, même 5 ans après l’arrêt du tabac.

L’instabilité des valeurs spirométriques et la variation de diagnostic entre le début et la fin d’étude sont plus fréquentes chez les sujets avec un GOLD stade 1 initialement que chez les patients qui présentent un GOLD stade 2 (19,7% vs 10,1% ; p < 0,001; 11,6% vs 4,8% ;  p < 0,001 respectivement). L’instabilité des valeurs d’une mesure à l’autre est plus fréquente si les valeurs sont proches du seuil (VEMS/CVF entre 0,65 et 0,75, LLN entre les percentiles 1 et 25) et augmente avec la fréquence des spirométries.

Perez-Padilla et al. (6) avaient observé dans deux enquêtes de populations latino-américaines sur 5 à 9 ans un diagnostic variable de BPCO légère chez 11,7% des sujets sur base du critère VEMS/CVF < 0,70.

 

Conclusion

Cette recherche reprenant les résultats d’une ancienne RCT comparés à ceux d’une étude de cohorte encore en cours, montre que, chez des sujets avec BPCO légère à modérée, le diagnostic spirométrique de BPCO peut varier dans le temps si les valeurs mesurées sont proches du seuil choisi. Elle confirme l’intérêt de l’arrêt du tabagisme sur l’évolution des valeurs spirométriques.

 

Pour la pratique

Le critère diagnostique classique de BPCO est spirométrique : rapport VEMS/CVF post bronchodilatation < 0,70 (GOLD 2017) (5). Cette publication-ci montre la fragilité d’une seule détermination spirométrique en cas de BPCO de stade 1 (voire de stade 2) quand les valeurs sont proches du seuil (VEMS/CVF entre 0,65 et 0,75). Elle confirme l’intérêt capital de l’arrêt du tabagisme sur l’évolution des valeurs spirométriques.

 

 

Références 

  1. Aaron SD, Tan WC, Bourbeau J, et al; Canadian Respiratory Research Network. Diagnostic instability and reversals of chronic obstructive pulmonary disease diagnosis in individuals with mild to moderate airflow obstruction. Am J Respir Crit Care Med 2017;196:306-14. DOI: 10.1164/rccm.201612-2531OC
  2. Anthonisen NR, Connett JE, Kiley JP, et al. Effects of smoking intervention and the use of an inhaled anticholinergic bronchodilator on the rate of decline of FEV1. The Lung Health Study. JAMA 1994;272:1497-505. DOI: 10.1001/jama.1994.03520190043033
  3. Tan WC, Sin DD, Bourbeau J, et al; CanCOLD Collaborative Research Group. Characteristics of COPD in never-smokers and ever-smokers in the general population: results from the CanCOLD study. Thorax 2015;70:822-9. DOI: 10.1136/thoraxjnl-2015-206938
  4. Labonté LE, Tan WC, Li PZ, et al; CanCOLD Collaborative Research Group. Undiagnosed chronic obstructive pulmonary disease contributes to the burden of health care use. Data from the CanCOLD Study. Am J Respir Crit Care Med 2016;194:285-98. DOI: 10.1164/rccm.201509-1795OC
  5. From the Global Strategy for Diagnosis, Management and Prevention of COPD, Global Initiative for Chronic Obstructive Lung Disease (GOLD) 2017. Available from: https://goldcopd.org
  6. Perez-Padilla R, Wehrmeister FC, Montes de Oca M, et al; PLATINO group. Instability in the COPD diagnosis upon repeat testing vary with the definition of COPD. PLoS One 2015;10:e0121832. DOI: 10.1371/journal.pone.0121832

 

 

 




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