Analyse


Efficacité de l’azithromycine sur les exacerbations et la qualité de vie en cas d’asthme symptomatique malgré une thérapie inhalée de maintenance à base de corticostéroïdes et de bêta2-mimétiques à longue durée d’action (CSI+LABA) ?


15 11 2018

Professions de santé

Médecin généraliste, Pharmacien
Analyse de
Gibson PG, Yang IA, Upham JW, et al. Effect of azithromycin on asthma exacerbations and quality of life in adults with persistent uncontrolled asthma (AMAZES): a randomised, double-blind, placebo-controlled trial. Lancet 2017;390:659-68. DOI: 10.1016/S0140-6736(17)31281-3


Conclusion
Dans cette étude de puissance suffisante et d’une durée d’un an, l’addition d’azithromycine à raison de 500 mg 3x/semaine réduit le nombre d’exacerbations des patients asthmatiques symptomatiques déjà traités par CSI+LABA. L’amélioration de la qualité de vie n’atteint de différence cliniquement pertinente que dans le domaine symptomatique et non dans les trois autres domaines de l’échelle de mesure utilisée. L’utilisation de la LOCF (last observation carried forward) est une faiblesse de cette étude et recommande la prudence vis-à-vis des résultats.


Que disent les guides de pratique clinique ?
Cette étude a été publiée après la conférence de consensus de l’Inami de mai 2017 qui ne recommandait pas l’utilisation des macrolides dans l’asthme symptomatique persistant malgré un traitement de fond, signalant cependant que suite à l’étude AMAZES, l’azithromycine pourrait représenter une option thérapeutique. A l’heure actuelle, les problèmes de santé publique liés à une résistance microbienne n’étant pas clairement défini, le clinicien devrait réserver ce type de traitement - après avoir épuisé les autres alternatives - aux patients correspondant à ceux inclus dans l’étude et pour lesquels un essai par tiotropium n’a pas été concluant.



En 2015, une synthèse méthodique de la Cochrane Collaboration rassemblant 23 études randomisées pour un total de 1513 patients souffrant majoritairement d’asthme persistant, montrait que les macrolides ne se comportaient pas mieux que le placebo pour la majorité des critères cliniques. Le niveau des preuves était de qualité très faible vu la grande hétérogénéité entre études et la synthèse méthodique ne permettait pas de conclure à des bénéfices ou à des effets indésirables (1).

 

L’étude randomisée AMAZES (2), publiée en 2017, étudie en double-aveugle, versus placebo, l’effet de 500 mg d’azithromycine 3x/semaine chez des patients asthmatiques symptomatiques - malgré l’utilisation de CSI + LABA - sur le taux d’incidence des exacerbations et la qualité de vie durant 48 semaines. Les données sont analysées en intention de traiter. Le protocole utilise deux co-critères primaires : exacerbations de l’asthme et qualité de vie évaluée par l’Asthma Quality of Life Questionnaire (AQLQ) :

  • on relève une diminution des exacerbations de l’asthme en termes de taux d’incidence annuel : les résultats montrent qu’une personne suivie pendant une année a en moyenne 1,86 exacerbation de son asthme dans le bras placebo et 1,07 dans le bras azithromycine ; la différence exprimée en risque absolu est de 17% soit un NNT de 6 (avec IC à 95% de 4 à 13) ;
  • on observe également une amélioration de la qualité de vie qui n’atteint cependant la différence clinique minimale pertinente de 0,5 unités que dans un seul des domaines - celui des symptômes - mais pas dans les autres (activité, émotionnel ou exposition environnementale) ; en termes d’effet indésirable, l’azithromycine accroît le risque de diarrhées : NNH de 7 (avec IC à 95% de 4 à 15).

Parmi les forces de cette étude figurent le nombre de patients randomisés (n=420 dont 213 dans le groupe azithromycine et 207 dans le groupe placebo) donnant une puissance de 80% de détecter une diminution des exacerbations de 35%, la durée de l’étude (48 semaines), ainsi que l’utilisation de l’analyse en intention de traiter.

Il faut cependant relever certaines faiblesses. En effet, devant la perte de 21% de patients dans le bras azithromycine et 20% dans le bras placebo, la « last observation carried forward » (LOCF), a été utilisée comme stratégie pour maintenir l’analyse en intention de traiter. Dans cette méthode d’imputation fortement critiquée (3,4), la dernière observation de chaque participant (perdu de vue ou non) est considérée comme le résultat final de son état. L’âge moyen des patients (60 ans) ne permet pas une généralisation aux patients plus jeunes et la modification du critère de jugement primaire qui dans le registre ANZCTR, suite aux résultats de l’étude AZISAST (5), était devenu les exacerbations dans l’asthme non-éosinophilique, alors qu’au départ il concernait les exacerbations sans distinction de sous-groupes. Dans l’étude AMAZES contrairement à l’étude AZISAST, il n’y a pas de différence entre les deux sous-groupes (éosinophilique et non-éosinophilique), et il y a donc eu un retour à la première version du protocole dans la publication. Notons aussi que seuls 16 et 19% des patients étaient sous anti-muscariniques à longue durée d’action (= LAMA) et que le tiotropium (seul anti-muscarinique à longue durée d’action testé dans l’asthme) pourrait avoir des effets bénéfiques additionnels chez les patients symptomatiques malgré corticostéroïdes et bêta2-mimétiques à longue durée d’action (= LABA) (6). Enfin le problème potentiel de l’impact en termes de santé publique d’un tel traitement à long terme sur la résistance des germes n’est toujours pas résolu.

 

Conclusion 

Dans cette étude de puissance suffisante et d’une durée d’un an, l’addition d’azithromycine à raison de 500 mg 3x/semaine réduit le nombre d’exacerbations des patients asthmatiques symptomatiques déjà traités par CSI+LABA. L’amélioration de la qualité de vie n’atteint de différence cliniquement pertinente que dans le domaine symptomatique et non dans les trois autres domaines de l’échelle de mesure utilisée. L’utilisation de la LOCF (last observation carried forward) est une faiblesse de cette étude et recommande la prudence vis-à-vis des résultats.

 

Pour la pratique 

Cette étude a été publiée après la conférence de consensus de l’Inami de mai 2017 qui ne recommandait pas l’utilisation des macrolides dans l’asthme symptomatique persistant malgré un traitement de fond, signalant cependant que suite à l’étude AMAZES, l’azithromycine pourrait représenter une option thérapeutique (7). A l’heure actuelle, les problèmes de santé publique liés à une résistance microbienne n’étant pas clairement défini, le clinicien devrait réserver ce type de traitement - après avoir épuisé les autres alternatives - aux patients correspondant à ceux inclus dans l’étude et pour lesquels un essai par tiotropium n’a pas été concluant.

 

 

Références 

  1. Kew KM, Undela K, Kotortsi I, Ferrara G. Macrolides for chronic asthma. Cochrane Database Syst Rev 2015, Issue 9. DOI: 10.1002/14651858.CD002997.pub4
  2. Gibson PG, Yang IA, Upham JW, et al. Effect of azithromycin on asthma exacerbations and quality of life in adults with persistent uncontrolled asthma (AMAZES): a randomised, double-blind, placebo-controlled trial. Lancet 2017;390:659-68. DOI: 10.1016/S0140-6736(17)31281-3
  3. Chevalier P. LOCF ou pas LOCF ? Quand les données manquent… MinervaF 2008;7(8):128.
  4. Little RJ, D’Agostino R, Cohen ML, et al. The prevention and treatment of missing data in clinical trials. N Engl j Med 2012;367;1355-60. DOI: 10.1056/NEJMsr1203730
  5. Brusselle GG, Vanderstichele C, Jordens P, et al. Azithromycin for prevention of exacerbations in severe asthma (AZISAST): a multicentre randomised double-blind placebo-controlled trial. Thorax 2013;68:322-9. DOI: 10.1136/thoraxjnl-2012-202698
  6. Kew KM, Dahri K. Long-acting muscarinic antagonists (LAMA) added to combination long-acting beta2-agonists and inhaled corticosteroids (LABA/ICS) versus LABA/ICS for adults with asthma. Cochrane Database Syst Rev 2016, Issue 1. DOI: 10.1002/14651858.CD011721.pub2
  7. INAMI. L’usage rationnel des médicaments dans le traitement de fond de la BPCO et l’asthme de l’adulte. Réunion de consensus – 11 mai 2017. Etude de la littérature (résumé: français).

 

 


Auteurs

Van Meerhaeghe A.
Service de Pneumologie et GERHPAC, Hôpital Vésale, CHU-Charleroi ; Laboratoire de Médecine Factuelle, ULB
COI :

Glossaire

LOCF

Code





Ajoutez un commentaire

Commentaires