Analyse


Méthode SMART : diminution des exacerbations chez les patients souffrant d’asthme persistant ?


15 02 2019

Professions de santé

Médecin généraliste, Pharmacien
Analyse de
Sobieraj DM, Weeda ER, Nguyen E, et al. Association of inhaled corticosteroids and long-acting β-agonists as controller and quick relief therapy with exacerbations and symptom control in persistent asthma: a systematic review and meta-analysis. JAMA 2018;319:1485-96. DOI: 10.1001/jama.2018.2769


Conclusion
Cette synthèse méthodique avec méta-analyse de bonne qualité méthodologique montre que l’utilisation de la méthode SMART chez les patients souffrant d’asthme persistant comparativement à l’utilisation de CSI (combinés ou non à des LABA) a été associée à une diminution des exacerbations. Son efficacité est principalement basée sur un résultat composite incluant des exacerbations de l’asthme nécessitant des corticostéroïdes systémiques, des hospitalisations ou des visites aux urgences. Les preuves actuelles concernant les enfants âgés de 4 à 11 ans sont limitées, mais elles suggèrent également une efficacité similaire associée à SMART. Cette étude ne montre pas d’association entre SMART et des changements de qualité de vie. Il serait intéressant que de futures études analysent ces critères.


Que disent les guides de pratique clinique ?
En 2018, GINA rappelait qu’une fois que le traitement de l’asthme a été instauré, les décisions continues reposent sur un cycle d’évaluation, d’ajustement du traitement et d’examen de la réponse. Les schémas de traitement sont à majorer selon les besoins. Les CSI en traitement de fond + SABA en secours ou ICS/LABA en fond + SABA ou approche SMART sont recommandées selon des étapes bien codifiées. GINA signale que l’approche SMART réduit significativement le risque d’exacerbations et permet un contrôle de l’asthme équivalent aux ICS/LABA + SABA ou ICS haute dose + SABA tout en diminuant la dose totale administrée d’ICS. L’étude analysée ici ne remet pas en cause ces recommandations.



Selon les directives du Global Initiative for Asthma (GINA), le traitement initial de l’asthme consiste à administrer les bêta2-agonistes à courte durée d’action (SABA) à la demande avec un traitement de fond constitué de corticostéroïdes inhalés (CSI) à faible dose. Pour les patients présentant des symptômes persistants et/ou des exacerbations malgré une faible dose de corticostéroïdes inhalés, une association de CSI et bêta2-agonistes à longue durée d’action (LABA) est préconisée avec un SABA ou une association CSI/LABA à faible dose comme traitement de secours. Lorsque le patient présente des symptômes ou des exacerbations malgré le traitement de fond composé de la combinaison CSI/LABA faible dose ou dose moyenne ainsi que le traitement de secours, une combinaison avec une forte dose de CSI et LABA est proposée comme traitement de fond (1).

Nous avons déjà analysé dans Minerva (2) une synthèse méthodique avec méta-analyse de la Cochrane Collaboration publiée en 2009 (3) sur l’efficacité et la sécurité de l’ajout d’un LABA aux CSI en traitement initial d’un asthme persistant. Chez les adultes, il n’y avait aucun bénéfice probant à initier un traitement d’entretien d’un asthme léger à modéré (VEMS ≥ 65% de la valeur prédite) par une association LABA + CSI versus un CSI seul chez les adultes. Chez les enfants, les données étaient insuffisantes.

Une autre méta-analyse également discutée dans Minerva en 2010 (4,5) apportait des preuves très limitées de l’intérêt d’un traitement par association fixe formotérol + budésonide des exacerbations d’asthme modéré à sévère chez des personnes (adultes ou enfants) non contrôlées par un traitement d’entretien. Lors de sa mise à jour en 2013 (6), commentée par Minerva (7), les auteurs précisaient en outre que cette unique association utilisée à la fois en traitement de fond et de secours réduisait le recours aux corticostéroïdes oraux mais augmentait le risque d’arrêt de traitement pour effets indésirables.

L’hypothèse évoquée dans cette méta-analyse était que le formotérol, d’action rapide, permettrait une amélioration immédiate des symptômes et que le budésonide administré de façon concomitante permettrait une action précoce des stéroïdes, limitant ainsi le risque de détérioration ultérieure.L’utilisation de l’association LABA (formotérol) et CSI (budésonide) comme stratégie thérapeutique d’entretien et de gestion des exacerbations est appelée SMART, en anglais Single Maintenance And RelieverTherapy.

 

Une nouvelle méta-analyse (8) comprenant 22524 patients âgés d’au moins 12 ans (âge moyen de 42 ans) dont 65% de femmes et 341 enfants entre 4 et 11 ans (âge médian de 8 ans) dont 69% de filles souffrant d’asthme persistant, évalue l’efficacité de la méthode SMART dans la diminution de la survenue d’exacerbations. Les auteurs ont inclus les RCTs et des études observationnelles testant la combinaison SMART versus des CSI seuls en combinaison avec un LABA comme thérapie d’entretien. Toutes les études pouvaient recourir aux SABA comme thérapie de secours. Les bases de données consultées ont été EMBASE, OVID et Cochrane Database of Systematic Reviews ainsi que ClinicalTrials.gov et World Health Organization International Clinical Trials Registry Platform for ongoing studies. 16 RCTs répondaient aux critères d’inclusion dont 15 ont évalué la méthode SMART. Des 16 RCTs, 6 présentaient un haut risque de biais dans au moins un domaine. Deux études n’avaient aucun risque de biais dans tous les domaines évalués et 6 ne présentaient qu’un ou 2 risques de biais modérés.

Les critères de jugement primaires étaient les exacerbations asthmatiques requérant une corticothérapie systémique, une hospitalisation ou une visite aux urgences.

 

Chez les patients de 12 ans et plus, les résultats montrent un plus faible risque d’exacerbation avec la méthode SMART :

  • méthode SMART versus une combinaison un même dosage CSI+LABA comme traitement de fond : RR de 0,68 (avec IC à 95% de 0,58 à 0,80 ; preuve de haute qualité)
  • méthode SMART versus CSI à haute dose et LABA comme traitement de fond : RR de 0,77 (avec IC à 95% de de 0,60 à 0,98 ; preuve de haute qualité).

 

Chez les enfants de 4 à 11 ans, les résultats montrent également un plus faible risque d’exacerbation avec la méthode SMART :

  • méthode SMART versus CSI à haute dose comme traitement de fond : RR de 0,55 (avec IC à 95% de 0,32 à 0,94 ; preuve de qualité faible)
  • méthode SMART versus une combinaison un même dosage CSI+LABA comme traitement de fond : RR de 0,38 (avec IC à 95% de 0,23 à 0,63 ; preuve de qualité faible).

 

Certaines RCTs comparant la méthode SMART versus une même dose de CSI inhalés montrent une amélioration du VEMS ainsi qu’une diminution du recours à une thérapie de secours.

Des limitations sont à relever : pas d’évaluation des effets indésirables liés à la méthode SMART, certaines études incluses présentent plusieurs risques de biais.

 

Conclusion

Cette synthèse méthodique avec méta-analyse de bonne qualité méthodologique montre que l’utilisation de la méthode SMART chez les patients souffrant d’asthme persistant comparativement à l’utilisation de CSI (combinés ou non à des LABA) a été associée à une diminution des exacerbations. Son efficacité est principalement basée sur un résultat composite incluant des exacerbations de l’asthme nécessitant des corticostéroïdes systémiques, des hospitalisations ou des visites aux urgences. Les preuves actuelles concernant les enfants âgés de 4 à 11 ans sont limitées, mais elles suggèrent également une efficacité similaire associée à SMART. Cette étude ne montre pas d’association entre SMART et des changements de qualité de vie. Il serait intéressant que de futures études analysent ces critères.

 

Pour la pratique 

En 2018, GINA (1) rappelait qu’une fois que le traitement de l’asthme a été instauré, les décisions continues reposent sur un cycle d’évaluation, d’ajustement du traitement et d’examen de la réponse. Les schémas de traitement sont à majorer selon les besoins. Les CSI en traitement de fond + SABA en secours ou ICS/LABA en fond + SABA ou approche SMART sont recommandées selon des étapes bien codifiées. GINA signale que l’approche SMART réduit significativement le risque d’exacerbations et permet un contrôle de l’asthme équivalent aux ICS/LABA + SABA ou ICS haute dose + SABA tout en diminuant la dose totale administrée d’ICS.

L’étude analysée ici ne remet pas en cause ces recommandations.

 

 

Références 

  1. Global Strategy for asthma management and prevention. GINA report 2018. (Disponible sur : www.ginasthma.org) (Site consulté le 13 septembre 2018).
  2. Chevalier P. Asthme persistant : ajout d’un LABA aux CSI en traitement initial ? MinervaF 2010;9(4):44-5.
  3. Ni Chroinin M, Greenstone I, Lasserson TJ, Ducharme FM. Addition of inhaled long-acting beta2-agonists to inhaled steroids as first line therapy for persistent asthma in steroid-naïve adults and children. Cochrane Database Syst Rev 2009, Issue 4. DOI: 10.1002/14651858.CD005307.pub2
  4. Cates CJ, Lasserson TJ. Combination formoterol and inhaled steroid versus beta2-agonist as relief medication for chronic asthma in adults and children. Cochrane Database Syst Rev 2009, Issue 1. DOI: 10.1002/14651858.CD007085.pub2
  5. Chevalier P. Budésonide et formotérol pour les exacerbations d’asthme ? MinervaF 2010;9(1):4-5.
  6. Cates CJ, Karner C. Combination formoterol and budesonide as maintenance and reliever therapy versus current best practice (including inhaled steroid maintenance), for chronic asthma in adults and children. Cochrane Database Syst Rev 2013, Issue 4. DOI: 10.1002/14651858.CD007313.pub3
  7. La rédaction Minerva. Formoterol + budésonide en traitement de fond et pour les exacerbations d’asthme ? Minerva bref 15/06/2014.
  8. Sobieraj DM, Weeda ER, Nguyen E, et al. Association of inhaled corticosteroids and long-acting β-agonists as controller and quick relief therapy with exacerbations and symptom control in persistent asthma: a systematic review and meta-analysis. JAMA 2018;319:1485-96. DOI: 10.1001/jama.2018.2769



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