Analyse


Est-ce que lors d’une infection des voies aériennes supérieures, l’utilisation immédiate de hautes doses de LABA/CSI réduit l’incidence des exacerbations de BPCO ?


15 09 2019

Professions de santé

Médecin généraliste, Pharmacien
Analyse de
Stolz D, Hirsch HH, Schilter D, et al. Intensified therapy with inhaled corticosteroids and long-acting β2-agonists at the onset of upper respiratory tract infection to prevent chronic obstructive pulmonary disease exacerbations. A multicenter, randomized, double-blind, placebo-controlled trial. Am J Respir Crit Care Med 2018;197:1136-46. DOI: 10.1164/rccm.201709-1807OC


Conclusion
Chez des patients présentant une BPCO de grade II ou III sous traitement de base comprenant une association CSI/LABA (et souvent aussi LAMA), dès le début des symptômes d’une infection des voies aériennes supérieures, prendre budésonide 400 μg/formotérol 12 μg 2x/jour en plus de la dose de base pendant 10 jours n’a pas montré d’efficacité en terme d’incidence des exacerbations. Cependant, le risque d’exacerbations sévères (requérant une hospitalisation) était diminué, mais il s’agissait d’un critère de jugement secondaire, nécessitant confirmation ultérieure de ce résultat.


Que disent les guides de pratique clinique ?
Pour la pratique, retenons dans le sillage de GOLD, la réduction nécessaire des CSI dans le traitement d’entretien de la BPCO. Par ailleurs, face à une infection des voies aériennes supérieures, on ne peut à l’heure actuelle, en attendant des preuves supplémentaires, que conseiller une prise de décision par le médecin généraliste (augmenter ou pas les CSI/LABA sur une courte période), qui soit fondée sur la connaissance du patient qu’il a en face de lui et la sévérité de l’atteinte par la BPCO.



Les infections respiratoires sont le facteur déclencheur le plus fréquent des exacerbations aiguës de la BPCO. Grâce aux techniques d’amplification génétique comme la PCR (1), on estime qu’entre 30 et 60% des exacerbations sont déclenchées par des infections d’origine virales qui représentent la majorité des infections des voies aériennes supérieures (2).

 

Dans la présente étude (3), 450 patients BPCO (âge moyen de 67 ans (ET = 9 ans) ; 35% de fumeurs actifs, VEMS moyen en post bronchodilatation de 54% (avec ET = 16,85% de la valeur prédite, GOLD II - III, principalement), test de réversibilité positif dans ± 7% des sujets inclus, et avec au moins une exacerbation dans l’année précédente) ont été enrôlés. A l’entrée de l’essai, les patients ont reçu budésonide 200 μg/formotérol 6 μg deux fois par jour, dosage qu’ils devaient poursuivre durant toute la durée de l’étude. Les autres traitements n’ont pas été modifiés, en particulier le LAMA pris par 66% des sujets. Dès le début des symptômes d’une infection des voies aériennes supérieures - définie comme une apparition nouvelle ou une aggravation d’au moins un des symptômes suivants : rhinorrhée ou obstruction nasale, écoulement rhino-pharyngé, éternuements - il leur a été demandé de prendre soit budésonide 400 μg/formotérol 12 μg deux fois /jour (= triplement de la dose de base) soit un placebo selon le schéma de randomisation et ce pendant 10 jours, ainsi que de réaliser un frottis nasopharyngé et buccal. L’analyse principale a été faite en intention de traiter, les perdus de vue ont été comptés comme ayant eu une exacerbation aiguë de leur BPCO (page 11 des suppléments).

Le critère de jugement primaire - incidence des exacerbations associées à une infection des voies aériennes supérieures - n’était pas significativement différent entre les deux bras (14,6% versus 16,2% ; HR de 0,77 avec IC à 95% de 0,46 à 1,33 ; p = 0,321). Parmi les critères secondaires, le risque d’exacerbations sévères (requérant l’hospitalisation) était diminué avec un HR de 0,28 (avec IC à 95% de 0,11 à 0,74 ; p = 0,01). Lors d’une seconde étape, les critères primaires et secondaires ont été évalués au sein de sous-groupes préspécifiés, définis par la sévérité de la BPCO. Dans cette analyse, la taille de l’effet était d’autant plus marquée et significative que la BPCO était sévère, que le score de BODE était ≥ 2. Enfin, l’effet était statistiquement significatif si la fraction exhalée de NO en état stable était ≥ 15,5 ppm (traduction de la présence d’une inflammation éosinophilique de la muqueuse bronchique). Signalons que des virus ont été détectés dans 53% des infections des voies aériennes supérieures et dans 39% des exacerbations de la BPCO (page 28 des suppléments).

Cette étude aborde un problème clinique pertinent et intéressant. En effet, en dépit des recommandations de GOLD 2019 (4), la prescription des CSI dans la BPCO reste très élevée, ainsi en Belgique plus de 70% de ces patients sont sous CSI (5). Ces médications inhalées sont associées avec des pneumonies (6) et ne donner de hautes doses que sur de courtes périodes (10 jours) afin d’éviter une exacerbation est intellectuellement séduisant.

Il faut cependant rester prudent du point de vue factuel. En effet, le critère primaire de l’étude n’est pas rencontré, et les résultats significatifs des sous-groupes préspécifiés selon la gravité de la BPCO, multiplient les tests statistiques, sans correctif, et accroissent la probabilité de faux positifs.

De plus, bien que la majorité des infections des voies aériennes supérieures et des exacerbations apparaissent simultanément, une causalité inverse (l’exacerbation facilitant la virose) n’est pas pour certains patients, totalement exclue (7).

Un nouvel essai de grande taille, éventuellement réservé aux BPCO les plus sévères, et avec une précision claire de la chronologie de chaque infection des voies aériennes supérieures et de l’exacerbation pourrait permettre d’accroître la base factuelle.

 

Conclusion

Chez des patients présentant une BPCO de grade II ou III sous traitement de base comprenant une association CSI/LABA (et souvent aussi LAMA), dès le début des symptômes d’une infection des voies aériennes supérieures, prendre budésonide 400 μg/formotérol 12 μg 2x/jour en plus de la dose de base pendant 10 jours n’a pas montré d’efficacité en terme d’incidence des exacerbations. Cependant, le risque d’exacerbations sévères (requérant une hospitalisation) était diminué, mais il s’agissait d’un critère de jugement secondaire, nécessitant confirmation ultérieure de ce résultat.

 

Pour la pratique

Pour la pratique, retenons dans le sillage de GOLD (4), la réduction nécessaire des CSI dans le traitement d’entretien de la BPCO. Par ailleurs, face à une infection des voies aériennes supérieures, on ne peut à l’heure actuelle, en attendant des preuves supplémentaires, que conseiller une prise de décision par le médecin généraliste (augmenter ou pas les CSI/LABA sur une courte période), qui soit fondée sur la connaissance du patient qu’il a en face de lui et la sévérité de l’atteinte par la BPCO.

 

 

Références 

  1. Thibaut HJ, Lacroix C, De Palma AM, et al. Toward antiviral therapy/prophylaxis for rhinovirus-induced exacerbations of chronic obstructive pulmonary disease: challenges, opportunities, and strategies. Rev Med Virol2016;26:21-33. DOI: 10.1002/rmv.1856
  2. Kherad O, Kaiser L, Bridevaux PO, et al. Upper-respiratory viral infection, biomarkers, and COPD exacerbations. Chest 2010;138:896-904. DOI: 10.1378/chest.09-2225
  3. Stolz D, Hirsch HH, Schilter D, et al. Intensified therapy with inhaled corticosteroids and long-acting β2-agonists at the onset of upper respiratory tract infection to prevent chronic obstructive pulmonary disease exacerbations. A multicenter, randomized, double-blind, placebo-controlled trial. Am J Respir Crit Care Med 2018;197:1136-46. DOI: 10.1164/rccm.201709-1807OC
  4. From the Global Strategy for the Diagnosis, Management and Prevention of COPD. Global Initiative for Chronic Obstructive Lung Disease (GOLD) 2018. Available from: http://goldcopd.org/wp-content/uploads/2017/11/GOLD-2018-v6.0-FINAL-revised-20-Nov_WMS.pdf (consulté le 14 août 2019).
  5. Cataldo D, Derom E, Liistro G, et al. Overuse of inhaled corticosteroids in COPD: five questions for withdrawal in daily practice. Int J Chron Obstruct Pulmon Dis 2018;13:2089-99. DOI: 10.2147/COPD.S164259
  6. Crim C, Calverley PM, Anderson JA, et al. Pneumonia risk in COPD patients receiving inhaled corticosteroids alone or in combination: TORCH study results. Eur Respir J2009;34:641-7. DOI: 10.1183/09031936.00193908
  7. Hurst JR, Donaldson GC, Wilkinson TM, et al. Epidemiological relationships between the common cold and exacerbation frequency in COPD. Eur Respir J 2005;26:846-52. DOI: 10.1183/09031936.05.00043405

 




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