Analyse


La réadaptation cardiaque fondée sur l'exercice est bénéfique pour le patient en insuffisance cardiaque stable


01 11 2019

Professions de santé

Ergothérapeute, Kinésithérapeute, Médecin généraliste
Analyse de
Long L, Mordi IR, Bridges C, et al. Exercise-based cardiac rehabilitation for adults with heart failure. Cochrane Database Syst Rev 2019, Issue 1. DOI: 10.1002/14651858.CD003331.pub5


Conclusion
Les résultats de cette mise à jour Cochrane montrent que la réadaptation cardiaque entraîne une amélioration clinique de la qualité de vie liée à la santé et réduit le risque d'hospitalisation, et que ces avantages semblent être cohérents pour toutes les caractéristiques du programme de réhabilitation (y compris à domicile et dans un centre dédicacé) et confortent les recommandations fournies dans les directives cliniques internationales en vigueur. L'offre de réadaptation basée sur l'exercice devrait être faite en tenant compte de la préférence du patient pour le cadre de sa mise en œuvre.


Que disent les guides de pratique clinique ?
Cette revue systématique confirme les recommandations rapportées dans Minerva, à savoir inciter les patients en insuffisance cardiaque stable à pratiquer des exercices physiques avec un programme d’entraînement supervisé. L’intensité du programme d’exercices doit être adaptée aux capacités individuelles, aux objectifs et aux souhaits du patient. Ces recommandations sont en accord avec celles des grandes sociétés américaines, européennes et britanniques de cardiologie.



L'activité physique dans le contexte de l'insuffisance cardiaque a déjà fait l’objet d’analyses dans Minerva. Une méta-analyse publiée en 2004 avait conclu qu’un entraînement physique supervisé pour des patients présentant une insuffisance cardiaque stable sur dysfonction systolique améliore leur survie (1,2). Une étude randomisée en 2009, appelée HF-ACTION (3), a montré qu’après correction pour les caractéristiques de base péjorant le pronostic pour le critère primaire (décès ou hospitalisation), la pratique d’exercices physiques se solde par une réduction modeste mais significative des décès et hospitalisations ainsi que des décès cardiovasculaires ou hospitalisations pour insuffisance cardiaque (4). Le sujet a fait l’objet d’une revue systématique Cochrane déjà mise à jour plusieurs fois (5-7). La dernière mise à jour corroborait les conclusions des versions précédentes, à savoir que la rééducation par l'exercice n'augmente ni ne diminue le risque de mortalité toutes causes confondues à court terme (jusqu'à 12 mois plus tard) mais réduit le risque d'hospitalisation et confère d'importantes améliorations à la qualité de vie liée à la santé. Les auteurs recommandaient de nouveaux essais comparatifs randomisés, nécessaires pour confirmer les résultats de cette revue vu le relativement faible niveau de preuve. Une nouvelle mise à jour vient d’être publiée 5 ans plus tard (8).

 

L’objectif de la revue systématique restait de déterminer les effets de la réadaptation cardiaque fondée sur l'exercice sur la mortalité, l'admission à l'hôpital et la qualité de vie liée à la santé des personnes souffrant d'insuffisance cardiaque. Les auteurs ont inclus les essais randomisés à groupes parallèles ou croisés avec un suivi d’au moins six mois après la randomisation. La mise à jour a permis d’identifier 11 nouvelles études randomisées conduisant à un total de 44 essais ayant fait l’objet de 75 publications avec 5783 participants principalement avec une insuffisance cardiaque à fraction d’éjection systolique réduite et de classes II et III de la classification NYHA. Six essais comprenaient une faible proportion de malades en insuffisance cardiaque avec fraction d’éjection conservée. A noter qu’il n’y a qu’une seule large étude randomisée sur le sujet, l’étude HF-ACTION déjà mentionnée (3). Elle compte pour près de 40% des patients de la méta-analyse.

Pour la mortalité globale (27 études avec 28 comparaisons ; 2596 participants), la méta-analyse ne montre pas de différence de mortalité cumulée après 12 mois de suivi entre les groupes [intervention : 67/1302 (5,1%) versus témoins : 75/1294 (5,8%)] avec un rapport de risque (RR) à 0,89 (avec IC à 95% de 0,66 à 1,21 ; niveau de preuve GRADE faible). Les études ne signalaient pas systématiquement les décès dus à l'insuffisance cardiaque ne permettant pas de synthèse sur la mortalité spécifique. La rééducation par l'exercice (21 essais analysables avec 21 comparaisons ; 2182 patients) réduit le nombre d’admissions à l'hôpital toutes causes confondues après un suivi allant jusqu'à 12 mois (intervention 180/1093 (16,5%) versus témoins 258/1089 (23,7%)) avec un RR à 0,70 (avec IC à 95% de 0,60 à 0,83; p = 0,0001 ; niveau de preuve GRADE modéré). La rééducation par l'exercice (14 essais avec 15 comparaisons ; 1114 patients) réduit les hospitalisations spécifiques à l’insuffisance cardiaque (intervention 40/562 (7,1%) versus témoins 61/552 (11,1%)) avec un RR à 0,59 (avec IC à 95% de 0,42 à 0,84 ; p = 0,003 ; niveau de preuve GRADE faible). Sur les 44 essais inclus, 29 (31 comparaisons) ont rapporté une mesure de qualité de vie avec une échelle validée mais en utilisant divers questionnaires. En regroupant toutes les études, quelle que soit la mesure de la qualité de vie utilisée, l'exercice avec un suivi pouvant aller jusqu'à 12 mois (26 essais avec 29 comparaisons ; 833 patients) montre une amélioration cliniquement importante (différence moyenne normalisée (SMD) - 0,60, avec IC à 95% de -0,82 à -0,39 ; p < 0,0001 ; niveau de preuve GRADE faible). Il est important de noter que l'hétérogénéité statistique était importante parmi ces études. Les analyses de méta-régression n’ont pas établi d’associations significatives avec les covariables des études et notamment leur année de publication et les caractéristiques du programme de réhabilitation. Quelques études soutiennent le rapport coût-efficacité de la réadaptation basée sur l'exercice par rapport au contrôle mais on manque de suffisamment de preuves pour conclure en termes de bénéfice économique. Les auteurs ne déclarent pas de conflit d’intérêt avec l’industrie mais l’un a participé à certaines des études randomisées.

 

Conclusion

Les résultats de cette mise à jour Cochrane montrent que la réadaptation cardiaque entraîne une amélioration clinique de la qualité de vie liée à la santé et réduit le risque d'hospitalisation, et que ces avantages semblent être cohérents pour toutes les caractéristiques du programme de réhabilitation (y compris à domicile et dans un centre dédicacé) et confortent les recommandations fournies dans les directives cliniques internationales en vigueur. L'offre de réadaptation basée sur l'exercice devrait être faite en tenant compte de la préférence du patient pour le cadre de sa mise en œuvre.

 

Pour la pratique

Cette revue systématique confirme les recommandations rapportées dans Minerva, à savoir inciter les patients en insuffisance cardiaque stable à pratiquer des exercices physiques avec un programme d’entraînement supervisé (4). L’intensité du programme d’exercices doit être adaptée aux capacités individuelles, aux objectifs et aux souhaits du patient. Ces recommandations sont en accord avec celles des grandes sociétés américaines (9,10), européennes (11) et britanniques (12) de cardiologie.

 

 

Références 

  1. Fagard R. L’activité physique peut-elle améliorer la survie en cas d’insuffisance cardiaque ? MinervaF 2005;4(7):108–9.
  2. Piepoli MF, Davos C, Francis DP, Coats AJ; ExTraMATCH Collaborative. Exercise training meta-analysis of trials in patients with chronic heart failure (ExTraMATCH). BMJ 2004;328:189-200. DOI: 10.1136/bmj.37938.645220.EE
  3. O’Connor CM, Whellan DJ, Lee KL, et al. Efficacy and safety of exercise training in patients with chronic heart failure: HF-ACTION randomized controlled trial. JAMA 2009;301:1439–50. DOI: 10.1001/jama.2009.454
  4. Van Royen P. Insuffisance cardiaque : exercices physiques bénéfiques et sans danger ? MinervaF 2010;9(4):50-1.
  5. Rees K, Taylor RR, Singh S, et al. Exercise based rehabilitation for heart failure. Cochrane Database Syst Rev 2004, Issue 3. DOI: 10.1002/14651858.CD003331.pub2
  6. Davies EJ, Moxham T, Rees K, et al. Exercise based rehabilitation for heart failure. Cochrane Database Syst Rev 2010, Issue 4. DOI: 10.1002/14651858.CD003331.pub3
  7. Taylor RS, Sagar VA, Davies EJ, et al. Exercise-based rehabilitation for heart failure. Cochrane Database Syst Rev 2014, Issue 4. DOI: 10.1002/14651858.CD003331.pub4
  8. Long L, Mordi IR, Bridges C, et al. Exercise-based cardiac rehabilitation for adults with heart failure. Cochrane Database Syst Rev 2019, Issue 1. DOI: 10.1002/14651858.CD003331.pub5
  9. WRITING COMMITTEE MEMBERS, Yancy CW, Jessup M, Bozkurt B, et al. 2013 ACCF/AHA guideline for the management of heart failure: a report of the American College of Cardiology Foundation/American Heart Association Task Force on practice guidelines. Circulation 2013;128:e240-327. DOI: 10.1161/CIR.0b013e31829e8776
  10. Yancy CW, Jessup M, Bozkurt B, et al. 2017 ACC/AHA/HFSA Focused update of the 2013 ACCF/AHA guideline for the management of heart failure: a report of the American College of Cardiology/American Heart Association Task Force on Clinical Practice Guidelines and the Heart Failure Society of America. J Am Coll Cardiol 2017;70:776–803. DOI: 10.1016/j.jacc.2017.04.025
  11. Ponikowski P, Voors AA, Anker SD, et al. 2016 ESC Guidelines for the diagnosis and treatment of acute and chronic heart failure: The Task Force for the diagnosis and treatment of acute and chronic heart failure of the European Society of Cardiology (ESC). Developed with the special contribution of the Heart Failure Association (HFA) of the ESC. Eur J Heart Fail 2016;18:891–975. DOI: 10.1002/ejhf.592
  12. National Institute for Health and Care Excellence. Chronic heart failure in adults: diagnosis and management. NICE guideline [NG106]. Published date: September 2018.

 


Auteurs

Sculier J.P.
Institut Jules Bordet; Laboratoire de Médecine Factuelle, Faculté de Médecine, ULB
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