Analyse


L’effet d’un programme intensif d’amaigrissement par diététique hypocalorique sur la rémission du diabète, administré en première ligne à des patients diabétiques de type 2, se maintient-il après deux ans ?


15 04 2020

Professions de santé

Diététicien, Ergothérapeute, Médecin généraliste
Analyse de
Lean MEJ, Leslie WS, Barnes AC, et al. Durability of a primary care-led weight-management intervention for remission of type 2 diabetes: 2-year results of the DiRECT open-label, cluster-randomised trial. Lancet Diabetes Endocrinol 2019;7:344-55. DOI: 10.1016/S2213-8587(19)30068-3


Conclusion
Les auteurs concluent que, à 24 mois, plus d’un tiers des patients diabétiques de type 2 ayant bénéficié d’un suivi diététique strict présentent une rémission d’un diabète de type 2 et qu’une rémission maintenue du diabète de type 2 est liée à une perte de poids également maintenue. Précisons que les patients inclus étaient obèses et volontaires, que le diabète était diagnostiqué depuis 3 ans en moyenne et que les moyens médicaux mis en œuvre étaient très importants.


Que disent les guides de pratique clinique ?
La GPC belge concernant le diabète de type 2 recommande fortement une diminution du poids corporel d’au moins 5 à 10% pour les patients présentant un diabète de type 2 et en surpoids (GRADE 1A) associée à l’activité physique (GRADE 1A). Insistons encore une fois sur la nécessité de contrôler tous les facteurs de risques cardiovasculaires. Rappelons la nécessité d’agir le plus tôt possible dans l’histoire naturelle. L’étude analysée ici renforce les recommandations actuelles en montrant une rémission d’un diabète de type 2 chez plus d’un tiers des patients diabétiques de type 2, obèses (BMI 27-45 kg/m2), diagnostiqués il y a moins de 6 ans et bénéficiant d’un programme intensif d’amaigrissement par diététique hypocalorique strict sur une période de 2 ans, en première ligne de soins.



Minerva a publié l’analyse critique d’une première publication des mêmes auteurs rapportant les résultats à 1 an d’un suivi diététique strict en termes de rémission d’un diabète de type 2 (1,2). Nous avions conclu à l’intérêt d’un programme structuré, soulignant l’importance d’un suivi à plus long terme et posant la question de la possible action préventive au niveau des complications cardiovasculaires du diabète.

Il s’agit d’une étude ouverte avec randomisation des pratiques de première ligne au sein desquelles les patients sont recrutés. Les détails méthodologiques de cette étude ont été discutés dans la précédente analyse (1).

Pour rappel, l’intervention était la suivante : régime initial de 825 à 853 kcal/j pendant 3 à 5 mois (alimentation semi-liquide, industrielle), réintroduction en 6 à 8 semaines d’une alimentation classique, maintien d’une surveillance alimentaire par du personnel spécialisé (30 min/mois) jusqu’à 24 mois ; programmes de secours en cas de reprise de poids ; encouragement à l’exercice physique ; prescription possible d’orlistat ; les hypoglycémiants et les hypotenseurs sont stoppés le premier jour, avec réintroduction possible si nécessaire selon les recommandations.

Les patients « contrôles » sont traités classiquement selon les règles de bonne pratique.

298 patients diagnostiqués diabétiques de type 2 depuis moins de 6 ans, sont inclus sur 1510 patients invités à participer, avec un âge moyen de 55 ans, une durée moyenne du diabète de 3 ans ; l’IMC moyen est proche de 35 ; 57% sont hypertendus, 23% sont dyslipidémiques et 12% ont présenté un accident athéromateux clinique ; l’HbA1c moyenne est à 7,6%. 12% des patients ont une rétinopathie diabétique ; 73% des patients sont traités par régime seul, avec éventuellement un seul hypoglycémiant (3).

La présente publication (4) rapporte les résultats à 2 ans ; les critères de jugement primaires sont la perte d’au moins 15 kg et une HbA1c < 6,5%.

Résultats :

  • pour le critère de perte de poids d’au moins 15 kg : 17 patients ont atteint l’objectif dans le groupe intervention versus 3 dans le groupe contrôle (OR ajusté de 7,49 avec IC à 95% de 2,05 à 27,32 ; p = 0,0023) (pour rappel, 36 patients avaient atteint cet objectif à 1 an versus 0)
  • pour le critère HbA1c (rémission du diabète) : 53 patients ont atteint le critère dans le groupe intervention versus 5 dans le groupe contrôle (OR ajusté de 25,82 avec IC à 95% de 8,25 à 80,84 ; p< 0,0001) (pour rappel 68 patients avaient atteint cet objectif à 1 an versus 6).

A noter une perte d’information pour 20 patients dans le groupe intervention et pour 6 patients dans le groupe contrôle ; l’analyse statistique a été faite en « intention de traiter », en considérant que les patients manquants n’ont pas atteint les critères (analyse « worst-case », donc robuste).

Pour les 129 patients analysables dans le groupe intervention, 40% ont un traitement hypoglycémiant à 24 mois ; 50% des patients du groupe intervention ont bénéficié d’un plan de secours ; 3 patients ont reçu de l’orlistat.

L’arrêt des hypotenseurs et des hypoglycémiants dans le groupe « intervention » n’a pas eu de conséquences cardiovasculaires négatives pendant les deux années d’observation. 

2 patients du groupe intervention ont présenté une symptomatologie compatible avec une colique biliaire.

Pour mémoire, des résultats statistiquement significatifs favorables sont observés pour la TA systolique, les triglycérides, le HDL cholestérol, ainsi que pour la qualité de vie mesurée sur une échelle analogique. Compte tenu de la taille des différences observées, la signification clinique de ces résultats est douteuse.

A 24 mois, dans cette RCT de qualité pour ce type d’intervention, la rémission du diabète a été perdue pour 15 des 68 patients qui l’avaient atteinte à 12 mois dans le groupe intervention (on passe de 53% à 41% de rémission), alors que 1 sur 6 l’a perdue dans le groupe contrôle : moins de la moitié des patients soumis à une diététique strictement organisée et suivie, en première ligne, voient donc leur diabète de type 2 régresser à 2 ans.

Si ce résultat reste appréciable, il faut remettre cela en perspective. Les patients sont sévèrement sélectionnés, sur la base d’un volontariat, et l’étude est ouverte, il y a donc une forte exposition aux biais. L’extrapolabilité est faible. Les moyens médicaux mis en œuvre sont considérables, sur le plan du personnel spécialisé et sur le plan de la mise à disposition de repas spécialement préparés par une firme privée (composition non fournie). Le coût par année de rémission a été évalué à 2360 £ (5). Si un tel programme devait être proposé en Belgique, nos « trajets de soins » seraient une voie toute tracée mais devraient sans doute être adaptés (6).

 

Conclusion 

Les auteurs concluent que, à 24 mois, plus d’un tiers des patients diabétiques de type 2 ayant bénéficié d’un suivi diététique strict présentent une rémission d’un diabète de type 2 et qu’une rémission maintenue du diabète de type 2 est liée à une perte de poids également maintenue. Précisons que les patients inclus étaient obèses et volontaires, que le diabète était diagnostiqué depuis 3 ans en moyenne et que les moyens médicaux mis en œuvre étaient très importants.

 

Pour la pratique

La GPC belge concernant le diabète de type 2 (7) recommande fortement une diminution du poids corporel d’au moins 5 à 10% pour les patients présentant un diabète de type 2 et en surpoids (GRADE 1A) associée à l’activité physique (GRADE 1A). Insistons encore une fois sur la nécessité de contrôler tous les facteurs de risques cardiovasculaires (8,9). Rappelons la nécessité d’agir le plus tôt possible dans l’histoire naturelle.

L’étude analysée ici renforce les recommandations actuelles en montrant une rémission d’un diabète de type 2 chez plus d’un tiers des patients diabétiques de type 2, obèses (BMI 27-45 kg/m2), diagnostiqués il y a moins de 6 ans et bénéficiant d’un programme intensif d’amaigrissement par diététique hypocalorique strict sur une période de 2 ans, en première ligne de soins.

 

Références 

  1. Chevalier P. Un programme intensif de contrôle du poids pour obtenir une rémission prolongée d’un diabète de type 2. MinervaF 2019;18(5):57-61.
  2. Lean ME, Leslie WS, Barnes AC, et al. Primary care-led weight management for remission of type 2 diabetes (DiRECT): an open-label, cluster-randomised trial. Lancet 2018;391:541-51. DOI: 10.1016/S0140-6736(17)33102-1
  3. Taylor R, Leslie WS, Barnes AC et al. Clinical and metabolic features of the randomised controlled Diabetes Remission Clinical Trial (DiRECT) cohort. Diabetologia 2018;61:589-98. DOI: 10.1007/s00125-017-4503-0
  4. Lean MEJ, Leslie WS, Barnes AC, et al. Durability of a primary care-led weight-management intervention for remission of type 2 diabetes: 2-year results of the DiRECT open-label, cluster-randomised trial. Lancet Diabetes Endocrinol 2019;7:344-55. DOI: 10.1016/S2213-8587(19)30068-3
  5. Xin Y, Davies A, McCombie L, et al. Type 2 diabetes remission: economic evaluation of the DiRECT/Counterweight-Plus weight management programme within a primary care randomized controlled trial. Diabet Med 2019;36:1003-12. DOI: 10.1111/dme.13981
  6. INAMI. Trajets de soins - Modèles de contrat, à partir de 2019, pour les trajets de soins diabète de type 2 et insuffisance rénale. URL : https://www.inami.fgov.be/fr/themes/qualite-soins/Pages/trajet_soins_modeles_contrat.aspx, site web consulté le 4/02/2020.
  7. Bastiaens H, Benhalima K, Cloetens H, et al. Diabète sucré de type 2. Recommandations de Bonne Pratique. SSMG/Domus Medica 2015.
  8. Vanhaeverbeek M. L’excès de risque cardiovasculaire ou de mortalité observé chez les patients diabétiques de type 2 peut-il être diminué ou même supprimé ? Minerva bref 17/11/2019.
  9. Rawshani A, Rawshani A, Franzén S et al. Risk factors, mortality, and cardiovascular outcomes in patients with type 2 diabetes. N Engl J Med 2018;379:633-44. DOI: 10.1056/NEJMoa1800256

 

 

 


Auteurs

Vanhaeverbeek M.
Laboratoire de Médecine Factuelle, Faculté de Médecine, ULB
COI :

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