Analyse


L’azithromycine peut-elle réduire l'échec du traitement d’une exacerbation sévère de BPCO lorsqu'elle est initiée à l'admission à l'hôpital et ajoutée aux soins standard ?


01 06 2020

Professions de santé

Médecin généraliste, Pharmacien
Analyse de
Vermeersch K, Gabrovska M, Aumann J, et al. Azithromycin during acute chronic obstructive pulmonary disease exacerbations requiring hospitalization (BACE): a multicenter, randomized, double-blind, placebo-controlled trial. Am J Respir Crit Care Med 2019;200:857-68. DOI: 10.1164/rccm.201901-0094OC


Conclusion
Les auteurs concluent que chez des sujets sélectionnés présentant une BPCO et hospitalisés pour une exacerbation sévère, l’azithromycine administrée à petite dose durant 3 mois pourrait diminuer le risque d’un échec de traitement. Cette étude, correcte d’un point de vue méthodologique, n’a pas pu montrer de résultats statistiquement significatifs. L’hypothèse de travail que les auteurs ont voulu éclairer est cependant assez importante cliniquement pour les patients présentant des exacerbations aiguës de BPCO nécessitant une hospitalisation que pour espérer une étude similaire avec une plus grande puissance.


Que disent les guides de pratique clinique ?
GOLD 2020 cite l’azithromycine à prendre régulièrement pendant un an chez les patients BPCO présentant régulièrement des exacerbations, tout en rappelant l’augmentation des résistances des bactéries, l’allongement de l’intervalle QT et une diminution de l’audition. Pour ce qui est du traitement des exacerbations de la BPCO, le BAPCOC ne cite pas l’azithromycine. Ebpracticenet se positionne en rappelant que l'utilisation continue de macrolides (érythromycine, clarithromycine, azithromycine, roxithromycine) réduit les exacerbations de la BPCO mais que leur utilisation intensive est limitée par la crainte d'une résistance accrue des bactéries aux macrolides. Les patients présentant des exacerbations récurrentes doivent être évalués en soins spécialisés. L’objectif de l’étude analysée ici était de savoir si une intervention de 3 mois avec de l'azithromycine à faible dose pouvait réduire l'échec du traitement d’une exacerbation sévère de BPCO lorsqu'elle était initiée à l'admission à l'hôpital et ajoutée aux soins standard. Probablement par manque de puissance une différence statistiquement significative n'a pas pu être démontrée. Elle ne remet donc pas en cause les recommandations actuelles en Belgique. De nouvelles études plus puissantes sont cependant espérées.



 

Dans la BPCO, la survenue d’exacerbations aiguës augmente la mortalité, la rapidité du déclin fonctionnel respiratoire et impacte la qualité de vie (1). L’efficacité d’une administration prolongée d’un antibiotique en prévention des exacerbations a fait l’objet d’études, dont notamment une analysée dans Minerva en 2011 (2,3). Cette analyse soulignait l’intérêt de l’administration d’azithromycine 250 mg/j durant 12 mois au sein d’une population très sélectionnée de patients présentant une BPCO avec exacerbations répétées. Les résultats n’étaient pas transposables à la situation belge et l’impact d’un tel traitement antibiotique prolongé sur la résistance des germes et ses conséquences cliniques restait à évaluer.

 

Les auteurs d’une nouvelle étude, belge (4), relative à l’intérêt et à la place de l’azithromycine chez le patient BPCO, rappellent que les essais contrôlés randomisés publiés se sont concentrés exclusivement sur des sujets présentant une maladie stable et un risque accru d'exacerbations. Ils regrettent qu’actuellement, peu de RCTs évaluent de nouvelles interventions aiguës chez des patients hospitalisés pour une exacerbation sévère, confrontés à la période à plus haut risque de détérioration, de rechute (35% à 3 mois) et de décès (12% des rechutes) (5). L’objectif de cette nouvelle étude était donc de savoir si une intervention de 3 mois avec de l'azithromycine à faible dose pouvait réduire l'échec du traitement d’une exacerbation sévère de BPCO lorsqu'elle était initiée à l'admission à l'hôpital et ajoutée aux soins standard.

Il s’agit d’un essai multicentrique, randomisé, en double aveugle et contrôlé. Les patients qui avaient été hospitalisés pour une exacerbation aiguë de BPCO et qui avaient des antécédents de tabagisme ≥10 paquets-années et une ou plusieurs exacerbations au cours de l'année précédente ont été inclus. Ils ont été randomisés (1:1) dans les 48 heures suivant l'admission à l'hôpital dans un bras azithromycine ou placebo. L’azithromycine était donnée à raison de 500 mg / j pendant 3 jours et était administrée en plus d'un traitement aigu standardisé par corticostéroïdes systémiques et antibiotiques. Ensuite, l’azithromycine était poursuivie pendant 3 mois (250 mg / 2 jours). Les patients ont été suivis pendant 6 mois. Le critère de jugement primaire - échec du traitement - était le délai de survenue du premier événement, dans les 3 mois, d’un critère composite regroupant : 1) intensification du traitement avec des corticostéroïdes systémiques et/ou des antibiotiques pour difficultés respiratoires, 2) intensification des soins hospitaliers, y compris le transfert aux soins intensifs ou la réadmission pour des raisons respiratoires, ou 3) la mortalité toutes causes confondues. Les analyses ont été réalisées en intention de traiter.

147 patients ont été inclus dans le groupe azithromycine et 154 dans le groupe placebo. Les résultats montrent un taux d’échec du traitement à 3 mois de 49% pour l’azithromycine et 60% pour le placebo, soit un HR de 0,73, avec IC à 95% de 0,53 à 1,01 ; p = 0,0526). La différence est statistiquement non significative mais l’intervalle de confiance, assez large probablement du fait d’un manque de puissance de l’étude, manque de peu l’exclusion de la valeur 1. Ce manque de puissance est dû, selon les auteurs, à des problèmes de financement et de lenteur dans le processus de recrutement ayant obligé de stopper l’enrôlement à 301 patients alors qu’un nombre de 500 avait été calculé a priori. Un résultat faussement négatif n’est donc pas exclu. Il est important de souligner que l’étude individuelle des composants du critère composite, considérés comme des critères d’évaluation secondaires, était significativement en faveur du bras azithromycine. Les bénéfices observés étaient cependant perdus à 6 mois de suivi.

Au niveau de la sécurité d’utilisation de l’azithromycine, les auteurs n’ont observé aucune différence significative quant à la fréquence des événements indésirables graves ou des événements indésirables conduisant à l'arrêt du médicament à l'étude. De plus, au cours du suivi, aucune différence significative entre les groupes n'a été mise en évidence pour les cultures d'expectorations positives avec des agents pathogènes nouvellement acquis, ou pour la sélection de bactéries résistantes aux macrolides.

Au vu des résultats, les auteurs pensent que l’utilisation d’azithromycine pourrait servir à aplatir la courbe d’hospitalisation dans la période la plus épidémique de l’année où les réadmissions sont importantes et pourrait même être utile en tant qu’outil dans l’arsenal thérapeutique dans la BPCO exacerbée sévère et décompensée.

La lecture de ces résultats encourage à la réalisation d’une nouvelle étude pour tenter de montrer que l’on peut atteindre un résultat statistiquement significatif et pertinent cliniquement, d’autant que les auteurs mettent en évidence une période de soins dans le décours d’une BPCO pouvant demander aux pneumologues et aux médecins généralistes une attention accrue.

 

Conclusion

Les auteurs concluent que chez des sujets sélectionnés présentant une BPCO et hospitalisés pour une exacerbation sévère, l’azithromycine administrée à petite dose durant 3 mois pourrait diminuer le risque d’un échec de traitement. Cette étude, correcte d’un point de vue méthodologique, n’a pas pu montrer de résultats statistiquement significatifs. L’hypothèse de travail que les auteurs ont voulu éclairer est cependant assez importante cliniquement pour les patients présentant des exacerbations aiguës de BPCO nécessitant une hospitalisation que pour espérer une étude similaire avec une plus grande puissance.

 

Pour la pratique

GOLD 2020 cite l’azithromycine à prendre régulièrement pendant un an chez les patients BPCO présentant régulièrement des exacerbations, tout en rappelant l’augmentation des résistances des bactéries, l’allongement de l’intervalle QT et une diminution de l’audition (1). Pour ce qui est du traitement des exacerbations de la BPCO, le BAPCOC ne cite pas l’azithromycine (6). Ebpracticenet se positionne en rappelant que l'utilisation continue de macrolides (érythromycine, clarithromycine, azithromycine, roxithromycine) réduit les exacerbations de la BPCO mais que leur utilisation intensive est limitée par la crainte d'une résistance accrue des bactéries aux macrolides. Les patients présentant des exacerbations récurrentes doivent être évalués en soins spécialisés (7).

L’objectif de l’étude analysée ici était de savoir si une intervention de 3 mois avec de l'azithromycine à faible dose pouvait réduire l'échec du traitement d’une exacerbation sévère de BPCO lorsqu'elle était initiée à l'admission à l'hôpital et ajoutée aux soins standard. Probablement par manque de puissance une différence statistiquement significative n'a pas pu être démontrée. Elle ne remet donc pas en cause les recommandations actuelles en Belgique. De nouvelles études plus puissantes sont cependant espérées.

 

 

Références 

  1. Global strategy for the diagnosis, management, and prevention of chronic obstructive pulmonary disease - 2020 report. Global Initiative for Chronic Obstructive Lung Disease November 2019.
  2. Chevalier P. Exacerbation de BPCO : azithromycine en prévention ? MinervaF 2011;10(10):119-20.
  3. Albert RK, Connett J, Bailey WC, et al; COPD Clinical Research Network. Azithromycin for prevention of exacerbations of COPD. N Engl J Med 2011;365:689-98. DOI: 10.1056/NEJMoa1104623
  4. Vermeersch K, Gabrovska M, Aumann J, et al. Azithromycin during acute chronic obstructive pulmonary disease exacerbations requiring hospitalization (BACE): a multicenter, randomized, double-blind, placebo-controlled trial. Am J Respir Crit Care Med 2019;200:857-68. DOI: 10.1164/rccm.201901-0094OC
  5. Hartl S, Lopez-Campos JL, Pozo-Rodriguez F, et al. Risk of death and readmission of hospital-admitted COPD exacerbations: European COPD audit. Eur Respir J 2016;47:113-21. DOI: 10.1183/13993003.01391-2014
  6. Répertoire Commenté des Médicaments. Infections. Antibactériens. Macrolides. Néomacrolides. Azithromycine. CBIP mai 2020.
  7. Aanpak van acute exacerbaties van COPD. Ebpracticenet 1/10/2008. Dernière révision contextuelle 6/02/2020. (Ce guide de pratique clinique national est uniquement disponible en Néerlandais.)



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