Analyse


Arthrose du genou : préférer la kinésithérapie aux infiltrations intra-articulaires ?


15 07 2020

Professions de santé

Kinésithérapeute, Pharmacien
Analyse de
Deyle GD, Allen CS, Allison SC, et al. Physical therapy versus glucocorticoid injection for osteoarthritis of the knee. N Engl J Med 2020;382:1420‐9. DOI: 10.1056/NEJMoa1905877


Conclusion
Cette étude randomisée contrôlée pragmatique, correctement conçue d’un point de vue méthodologique, a montré que, dans une population de patients d’âge moyen atteints d’arthrose du genou, l’amélioration des symptômes, après un an, était plus importante, et ce de manière statistiquement significative (mais pas cliniquement relevante), avec 12 séances de kinésithérapie axée sur des exercices qu’avec deux ou trois infiltrations de corticoïdes.


Que disent les guides de pratique clinique ?
La plupart des guides de pratique clinique recommandent en premier lieu la gymnastique médicale pour les patients atteints d’arthrose du genou. La kinésithérapie peut être utile pour apprendre à exécuter correctement les exercices. Les injections intra-articulaires de corticoïdes ne seront envisagées qu’en cas de soulagement insuffisant de la douleur avec des analgésiques. Les patients doivent être clairement informés que les effets sont généralement de courte durée (< 3 semaines) et que des effets secondaires peuvent parfois survenir. Les infiltrations peuvent être répétées au maximum quatre fois par an avec un intervalle d’au moins six semaines. Cependant, il existe une grande incertitude (la qualité des preuves est très faible) quant à l’existence de différences cliniquement pertinentes en faveur des injections de corticoïdes par rapport aux injections de placebo. L’étude décrite ci-dessus confirme que les infiltrations de corticoïdes ne sont pas un traitement de premier choix et ne peuvent remplacer la gymnastique médicale supervisée par un kinésithérapeute. L’étude suggère même que l’on n’observe pas de différence entre les infiltrations de corticoïdes et la kinésithérapie à court terme (après un mois, deux mois et six mois). Comme nous l’avions déjà mentionné, il n’y a pas non plus de valeur ajoutée prouvée des infiltrations de corticoïdes avant le début de la kinésithérapie.



Publiée en 2004, une méta-analyse d’études de petite taille et très hétérogènes sur le plan clinique, menées en milieu hospitalier, a montré que chez les patients atteints d’arthrose du genou, les infiltrations intra-articulaires de corticoïdes, versus placebo, pouvaient soulager la douleur durant une semaine. Il n’y avait pas suffisamment de faits probants indiquant un effet à long terme, et il n’y avait pas de données concernant la sécurité d’emploi (1,2). Une étude randomisée contrôlée de 2017, correctement conçue d’un point de vue méthodologique, a montré que des infiltrations intra-articulaires trimestrielles de triamcinolone pendant deux ans, versus injections de sérum physiologique, n’avaient pas d’effet analgésique statistiquement significatif, mais que, par ailleurs, elles causaient une perte de cartilage plus importante chez les patients présentant une gonarthrose symptomatique (3,4). Une synthèse méthodique de 2012 semblait montrer que différentes formes de kinésithérapie (exercices aérobies, exercices de renforcement, entraînement de la proprioception, ultrasons) avaient un effet positif limité sur la douleur chez les adultes atteints de gonarthrose (faible niveau de preuve) (5,6). Deux autres synthèses méthodiques de 2013 et 2014 ont montré que différents types de gymnastique médicale, versus groupe contrôle sans gymnastique médicale, soulageaient la douleur et amélioraient les capacités fonctionnelles, et ce de manière statistiquement significative, chez les patients atteints de gonarthrose (7-10). Une étude de 2015 a confirmé l’utilité de la gymnastique médicale et a montré qu’une infiltration de corticoïdes deux semaines avant le début de la gymnastique médicale ne renforçait pas l’effet de la gymnastique médicale sur la douleur et les capacités fonctionnelles (11,12). Mais on ne sait toujours pas très bien quelle est la différence entre les infiltrations intra-articulaires de corticoïdes et la kinésithérapie quant à leur effet, tant à court terme qu’à long terme.

 

Une récente étude randomisée contrôlée pragmatique (13), menée dans diverses polycliniques du Military Health System aux États-Unis, a inclus 156 patients âgés en moyenne de 56 ans qui présentaient une arthrose du genou suivant les critères cliniques de l’American College of Rheumatology*, confirmée à la radiographie. Les participants ont été correctement randomisés en deux groupes de traitement. Un groupe (n = 78) a reçu une à quatre (2,5 en moyenne) infiltrations de corticoïdes réparties sur un an dans un genou ou dans les deux genoux. L’autre groupe a participé à des séances de kinésithérapie (4 à 22 séances, 11,8 en moyenne) (n = 78). Durant ces séances, les participants ont bénéficié d’exercices de renforcement musculaire supervisés par un kinésithérapeute. Si l’articulation du genou était trop raide ou si les muscles autour du genou étaient trop tendus, une thérapie manuelle était également utilisée. Après un an, on a observé une différence de 18,8 points (avec IC à 95% de 5,0 à 32,6 points) à l’Indice de WOMAC (Western Ontario and McMaster Universities Osteoarthritis Index) à l’avantage de la kinésithérapie. Cette différence statistiquement significative d’environ 8% ne satisfait pas à la différence clinique minimale proposée de 12 à 16% à l’indice de WOMAC (14,15). Il y avait un biais de contamination important entre les deux groupes (18% dans le groupe infiltration ont également bénéficié de la kinésithérapie, et 9% dans le groupe kinésithérapie ont également reçu des infiltrations de corticoïdes), ce qui peut avoir « dilué » (réduit) l’effet thérapeutique enregistré, résultat de l’analyse en intention de traiter. Les critères de jugement secondaires qui se concentrent sur les capacités fonctionnelles et sur l’amélioration subjective étaient en faveur de la kinésithérapie. Ainsi, à un an, 23% des patients du groupe corticoïdes contre 9% du groupe placebo n’avaient pas éprouvé d’amélioration ou avaient même connu une aggravation des symptômes. Il convient de noter ici que les patients du groupe kinésithérapie sont davantage entrés en contact avec un prestataire de soins, ce qui peut avoir renforcé l’effet sur l’amélioration subjective. Bien que non mentionné comme critère de jugement dans le protocole, il n’y avait pas de différence entre les deux groupes de traitement quant au score WOMAC à 4 semaines, à 8 semaines ou à 6 mois.

En termes d’extrapolation des résultats, il convient de noter qu’il s’agit d’une population de patients relativement jeunes (âge moyen de 56 ans) et obèses (IMC moyen de 31 kg/m²) atteints d’arthrose du genou. Un score WOMAC moyen de 108 (ET 45) permet de supposer que la douleur due à l’arthrose était d’intensité plutôt modérée en début d’étude. Il apparaît aussi que la douleur affectait le repos nocturne chez environ 25% des participants seulement. Peut-être l’effet des infiltrations aurait-il été plus important chez des patients ayant des symptômes plus prononcés. Une méta-analyse des données des patients individuels chez les patients atteints d’arthrose du genou et de la hanche montrait en effet que l’effet des infiltrations était plutôt plus important dans le sous-groupe de patients ayant une douleur ≥ 70 sur une échelle à 100 points (16).

 

Conclusion de Minerva

Cette étude randomisée contrôlée pragmatique, correctement conçue d’un point de vue méthodologique, a montré que, dans une population de patients d’âge moyen atteints d’arthrose du genou, l’amélioration des symptômes, après un an, était plus importante, et ce de manière statistiquement significative (mais pas cliniquement relevante), avec 12 séances de kinésithérapie axée sur des exercices qu’avec deux ou trois infiltrations de corticoïdes.

 

Pour la pratique

La plupart des guides de pratique clinique recommandent en premier lieu la gymnastique médicale pour les patients atteints d’arthrose du genou. La kinésithérapie peut être utile pour apprendre à exécuter correctement les exercices (17,18).

Les injections intra-articulaires de corticoïdes ne seront envisagées qu’en cas de soulagement insuffisant de la douleur avec des analgésiques. Les patients doivent être clairement informés que les effets sont généralement de courte durée (< 3 semaines) et que des effets secondaires peuvent parfois survenir. Les infiltrations peuvent être répétées au maximum quatre fois par an avec un intervalle d’au moins six semaines (17). Cependant, il existe une grande incertitude (la qualité des preuves est très faible) quant à l’existence de différences cliniquement pertinentes en faveur des injections de corticoïdes par rapport aux injections de placebo (1-4;17).

L’étude décrite ci-dessus confirme que les infiltrations de corticoïdes ne sont pas un traitement de premier choix et ne peuvent remplacer la gymnastique médicale supervisée par un kinésithérapeute. L’étude suggère même que l’on n’observe pas de différence entre les infiltrations de corticoïdes et la kinésithérapie à court terme (après un mois, deux mois et six mois). Comme nous l’avions déjà mentionné, il n’y a pas non plus de valeur ajoutée prouvée des infiltrations de corticoïdes avant le début de la kinésithérapie (11,12).

 

  

* Douleur articulaire du genou et au moins trois des symptômes suivants : crépitations à la mobilisation active de l’articulation, raideur matinale inférieure à 30 minutes, âge supérieur à 50 ans, élargissement des éléments osseux du genou, douleur osseuse au niveau du genou, absence de chaleur à la palpation.

 

 

Références 

  1. Poelman T. Les infiltrations de corticostéroïdes efficaces pour la gonarthrose? MinervaF 2006;5(4):56-7.
  2. Arroll B, Goodyear-Smith F. Corticosteroid injections for osteoarthritis of the knee: meta-analysis. BMJ 2004;328:869-73. DOI: 10.1136/bmj.38039.573970.7C
  3. Rombouts J.J. Intérêts clinique et anatomique d’injections intra-articulaires trimestrielles de triamcinolone dans la gonarthrose ? MinervaF 2018;17(3):41-4.
  4. McAlindon T, LaValley MP, Harvey WF, et al. Effect of intra-articular triamcinolone vs saline on knee cartilage volume and pain in patients with knee osteoarthritis: a randomized clinical trial. JAMA 2017;317:1967-75. DOI: 10.1001/jama.2017.5283
  5. Henrard G. Quel type de kinésithérapie dans la gonarthrose ? MinervaF 2013;12(7):84-5.
  6. Wang SY, Olson-Kellogg B, Shamliyan TA, et al. Physical therapy interventions for knee pain secondary to osteoarthritis: a systematic review. Ann Intern Med 2012;157:632-44. DOI: 10.7326/0003-4819-157-9-201211060-00007
  7. Van de Velde S. Programmes d’exercices pour l’arthrose des membres inférieurs. MinervaF 2014;13(4):43-4.
  8. Uthman OA, van der Windt DA, Jordan JL, et al. Exercise for lower limb osteoarthritis: systematic review incorporating trial sequential analysis and network meta-analysis. BMJ 2013 20;347:f5555. DOI: 10.1136/bmj.f5555
  9. Van de Velde S. Quel type d’exercice physique pour l’arthrose du genou? MinervaF 2015;14(2):20-1.
  10. Juhl C, Christensen R, Roos EM, et al. Impact of exercise type and dose on pain and disability in knee osteoarthritis: a systematic review and meta-regression analysis of randomized controlled trials. Arthritis Rheumatol 2014;66:622-36. DOI: 10.1002/art.38290
  11. Poelman T. Arthrose du genou : intérêt d’une infiltration de corticostéroïdes avant des exercices physiques ? Minerva bref 15/03/2016.
  12. Henriksen M, Christensen R, Klokker L, et al. Evaluation of the benefit of corticosteroid injection before exercise therapy in patients with osteoarthritis of the knee: a randomized clinical trial. JAMA Intern Med 2015;175:923-30. DOI: 10.1001/jamainternmed.2015.0461
  13. Deyle GD, Allen CS, Allison SC, et al. Physical therapy versus glucocorticoid injection for osteoarthritis of the knee. N Engl J Med 2020;382:1420‐9. DOI: 10.1056/NEJMoa1905877
  14. Angst F, Aeschlimann A, Stucki G. Smallest detectable and minimal clinically important differences of rehabilitation intervention with their implications for required sample sizes using WOMAC and SF-36 quality of life measurement instruments in patients with osteoarthritis of the lower extremities. Arthritis Rheum 2001;45:384‐91. DOI: 10.1002/1529-0131(200108)45:4<384::AID-ART352>3.0.CO;2-0
  15. Hmamouchi I, Allali F, Tahiri L, et al. Clinically important improvement in the WOMAC and predictor factors for response to non-specific non-steroidal anti-inflammatory drugs in osteoarthritic patients: a prospective study. BMC Res Notes 2012;5:58. DOI: 10.1186/1756-0500-5-58
  16. Van Middelkoop M, Arden NK, Atchia I, et al. The OA Trial Bank: meta-analysis of individual patient data from knee and hip osteoarthritis trials show that patients with severe pain exhibit greater benefit from intra-articular glucocorticoids. Osteoarthritis Cartilage 2016; 24:1143-52. DOI: 10.1016/j.joca.2016.01.983
  17. Belo JN, Bierma-Zeinstra SM, Kuijpers T, et al. Niet-traumatische knieklachten. NHG-standaard M107. Laatste update: 2016.
  18. Arthrose. Ebpracticenet. Duodecim Medical Publications. Dernière mise à jour: 29/05/2017. Dernière révision contextuelle: 2/04/2018.         .

 




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