Contexte

Les preuves des effets positifs de l’exercice sur la prévention et le traitement du cancer se multiplient (1). Chez les patients atteints de cancer, on constate cependant une diminution d’environ 50% de l’activité physique (2). Le mentorat par les pairs pourrait être une bonne stratégie pour augmenter l’activité physique de ces patients (3). Le mentorat par les pairs pour les patients cancéreux consiste en une interaction sociale, un échange d’expériences et un soutien mutuel sur le plan pratique et émotionnel (4). Devenus experts suite à leur expérience, les pairs mentors peuvent avoir un rôle important pour la détection précoce des symptômes, une meilleure évaluation des problèmes et la recherche plus ciblée de solutions créatives (4). Le mentorat par les pairs peut de la sorte également contribuer à détecter un certain niveau d’activité physique, favoriser la surveillance régulière de l’activité physique et permettre de mieux convaincre le patient des effets positifs de l’activité physique sur le corps humain (5).

Résumé

Méthodologie

Synthèse méthodique et méta-analyse (6).

Sources consultées

• Web of science, Science Direct, Pubmed, ProQuest, CINAHL complété avec les bases de données EBSCOhost, Springer Link, Cochrane Library, MEDLINE et Ovid ; jusque janvier 2022
• uniquement les publications en anglais
• pas de limite de date de publication.

Études sélectionnées

• critères d’inclusion : étude randomisée contrôlée (RCT) chez des patients cancéreux âgés de 18 ans et plus, atteints d’au moins un cancer de n’importe quel stade et ayant une activité physique réduite, comparant l’effet de toute forme de mentorat par les pairs avec un groupe témoin bénéficiant d’une prise en charge standard ou d’une autre intervention pour l’activité physique, mesuré avec n’importe quel instrument de mesure 
• finalement, inclusion de 6 études, menées entre 2015 et 2022 en Australie (N = 1) et aux États-Unis (N = 5), la taille de l’échantillon allant de 37 à 378 participants ; le mentorat par les pairs a eu lieu lors de moments de contact d’une durée de 1 à 2 heures (durée qui n’est pas rapportée dans toutes les études) les semaines 2, 3, 4, 6, 9, 12 et 24 ; l’activité physique était mesurée au moyen du 7-day Physical Activity Recall Scale (PAR) (N = 4), du questionnaire Godin & Shephard Leisure-Time Physical Activity Questionnaire (GSLTPAQ) (N = 1) et du nombre d’heures MET d’activité physique modérée à intense par semaine (N = 1).

Population étudiée

• 1551 participants, dont l’âge moyen allait de 55,6 à 63,8 ans, atteints d’un cancer du sein (N = 4), d’un cancer de la prostate (N = 1) ou d’un cancer colorectal (N = 1) à n’importe quel stade.

Mesure des résultats

• différence cumulée d’activité physique entre le groupe « mentorat par les pairs » et le groupe témoin, exprimée en g de Hedge avec IC à 95% 
• utilisation des données en intention de traiter des études incluses
• méta-analyse suivant le modèle à effets aléatoires
• détection de l’hétérogénéité statistique avec I² 
• détection des biais de publication à l’aide de différents instruments
• analyse de sensibilité.

Résultats

• le mentorat par les pairs a conduit à une augmentation de l’activité physique, comparativement au groupe témoin : g de Hedge de 0,322 (avec IC à 95% de 0,15 à 0,49  ; p < 0,001 ; I² = 48,64%).

Conclusion des auteurs

Le mentorat par les pairs est un outil simple qui peut contribuer à augmenter les niveaux d’activité physique chez les patients atteints de cancer. En outre, la sensibilisation des professionnels de la santé au mentorat par les pairs en tant que soins holistiques va croître.

Financement de l’étude

Selon les auteurs, il n’y a pas eu de financement supplémentaire pour l’étude.

Conflits d’intérêt des auteurs

Aucun conflit d’intérêts n’a été déclaré par les auteurs.

Discussion

Évaluation de la méthodologie

Deux chercheurs, indépendamment l’un de l’autre, ont effectué une recherche dans plusieurs bases de données pour trouver des études pertinentes qui répondaient aux critères d’inclusion prédéterminés. La qualité méthodologique des six études sélectionnées a été évaluée de manière indépendante par deux chercheurs à l’aide de l’outil Cochrane d’évaluation du risque de biais. Quatre études se sont vu attribuer un « risque élevé » de biais parce qu’elles n’ont pas été menées en aveugle. Concernant les deux autres études, les chercheurs ont exprimé certaines inquiétudes en raison du manque d’informations adéquates concernant la mise en aveugle. Le risque a été considéré comme faible pour le biais de sélection, le biais de détection et le biais de déclaration. Les études ont utilisé des instruments validés pour mesurer l’activité physique. Malgré des recherches approfondies, seul un petit nombre d’études ont pu être incluses. Le coefficient I2 indiquait une hétérogénéité statistique modérée entre les études. Les chercheurs ont donc utilisé, à juste titre, un modèle à effets aléatoires pour estimer l’effet du mentorat par les pairs sur l’activité physique. La taille de l’effet a été calculée à l’aide du g de Hedge (et de l’intervalle de confiance à 95% associé), et les critères de Cohen ont été utilisés pour interpréter la taille de l’effet (d ≥ 0,80 pour un effet important ; d compris entre 0,20 et 0,80 pour un effet modéré, et d ≤ 0,20 pour un petit effet). Différents tests n’ont pas permis de démontrer un biais de publication. Une analyse de sensibilité a montré que, suite à l’omission d’une étude, on n’observait plus de différence statistiquement significative (5). De ce fait, le résultat de la méta-analyse perd en robustesse.

Évaluation des résultats

Le mentorat par les pairs a eu un effet positif sur l’augmentation de l’activité physique. Un g de Hedge de 0,322 a été calculé, ce qui, selon les critères de Cohen, correspond à une taille d’effet modéré. Mais c’est à nuancer car, si l’effet sur l’activité physique était statistiquement significatif dans trois études, il ne l’était pas dans les trois autres études, bien qu’une amélioration y fût également constatée. Les différences entre les études étaient importantes en termes de type d’intervention, de durée de l’intervention et d’intervalle entre les moments de l’intervention. Les interventions se faisaient par conversations téléphoniques, téléconférences, entretiens de motivation. Les patients ont reçu des informations d’un pair mentor sur l’intensité et la durée des activités physiques. Le pair mentor a également aidé à fixer des objectifs d’activité, fourni des commentaires sur les objectifs atteints, identifié avec le patient les obstacles à l’activité physique et fourni des conseils et un soutien pour résoudre les problèmes. Du fait de cette variété d’approches et de la grande diversité des groupes de patients étudiés, il n’était pas possible d’effectuer des analyses en sous-groupes. Nous ne sommes donc pas en mesure de formuler des conseils clairs pour la pratique.

Que disent les guides pour la pratique clinique ?

Différents guides de pratique clinique sur Ebpracticenet insistent sur l’importance de l’exercice physique chez les patients cancéreux (7-9). Cependant, il n’existe pas encore de guide de pratique clinique formulant des recommandations sur l’importance du mentorat par les pairs pour améliorer le niveau d’activité physique des patients atteints de cancer.  

Conclusion de Minerva

Cette synthèse méthodique avec méta-analyse, correctement menée d’un point de vue méthodologique, montre que le mentorat par les pairs a un effet positif sur le niveau d’activité physique des patients atteints de cancer. Cependant, la taille de l’effet est modérée, et une analyse de sensibilité montre que le résultat n’est pas très robuste. La grande hétérogénéité clinique complique également l’évaluation de l'application des résultats pour la pratique.

Références  

1. Courneya KS, Friedenreich CM. Physical activity and cancer control. Semin Oncol Nurs 2007;23:242-52. DOI: 10.1016/j.soncn.2007.08.002
2. Rock CL, Doyle C, Demark-Wahnefried W, et al. Nutrition and physical activity guidelines for cancer survivors. CA Cancer J Clin 2012;62:243-74. DOI: 10.3322/caac.21142
3. Ginis KA, Nigg CR, Smith AL. Peer-delivered physical activity interventions: an overlooked opportunity for physical activity promotion. Transl Behav Med 2013;3:434-43. DOI: 10.1007/s13142-013-0215-2
4. Pinto BM, Dunsiger SI, Kindred MM, Mitchell S. (2022). Peer mentoring for physical activity adoption and maintenance among breast cancer survivors: moderators of physical activity outcomes. J Cancer Surviv 7/01/2022. DOI: 10.1007/s11764-021-01162-z
5. DeMello, MM, Pinto BM, Mitchell S, et al. Peer support for physical activity adoption amoing breast cancer survivors: do the helped resemble the helpers? Eur J Cancer Care (Engl) 2018; 27:e12849. DOI: 10.1111/ecc.12849
6. Sezgin MG, Bektas, H. Effect of peer mentoring on physical activity in patients with cancer: a systematic review and meta-analysis of randomised controlled trials. J Clin Nurs 2022. DOI: 10.1111/jocn.16320
7. Cancer pédiatrique: exercice. Ebpracticenet. JBI, mis à jour par le producteur: 18/07/2022.
8. Patients en rémission d'un cancer : exercice. Ebpracticenet. JBI, mis à jour par le producteur: 29/04/2021.
9. Dépression (cancer) : exercice. Ebpracticenet. JBI, mis à jour par le producteur: 1/07/2021.