Analyse


Quelles sont les interventions les plus efficaces pour augmenter la fréquence et/ou la qualité des contacts sociaux ?


15 09 2023

Professions de santé

Ergothérapeute, Infirmier, Médecin généraliste, Psychologue
Analyse de
Zagic D, Wuthrich VM, Rapee RM, Wolters N. Interventions to improve social connections: a systematic review and meta-analysis. Soc Psychiatry Psychiatr Epidemiol 2022;57:885–906. DOI: 10.1007/s00127-021-02191-w


Question clinique
Chez les adultes, quelle est l’efficacité des interventions destinées à promouvoir les contacts sociaux et la qualité des connexions sociales ?


Conclusion
Cette étude, de bonne qualité méthodologique mais basée sur des études hétérogènes, éclaire sur le choix des stratégies à adopter pour améliorer la fréquence et/ou la qualité des contacts sociaux. L’augmentation de l’accès à un réseau social permettrait d’accroître la fréquence des contacts, tandis que les interventions psychologiques en amélioreraient la qualité.


Contexte

Selon la définition de l’OMS, la santé est un état de bien-être physique, mental et social (1). En effet, les contacts sociaux sont source de bien-être (2). Ainsi, la restriction des contacts sociaux imposés durant la pandémie de covid-19 a eu un impact démontré sur la santé mentale (3). Par ailleurs, la solitude est associée à une augmentation de la sédentarité, du risque cardiovasculaire et du déclin cognitif (2,4,5). A l’inverse, les contacts sociaux sont associés à une meilleure santé physique et mentale (2,4,5). Si diverses interventions ont été étudiées afin d’augmenter la quantité des contacts sociaux et/ou la qualité du tissu social, les données quantitatives quant à leur efficacité comparative manquent. C’est la raison pour laquelle les auteurs de cette étude ont décidé de mener une revue systématique avec méta-analyse (2). A ce jour, ce sujet original n’avait pas encore été abordé dans Minerva. 

 

 

Résumé 

Méthodologie

Revue systématique avec méta-analyses. 

 

Sources consultées

  • Medline, Embase, Psychinfo, Pubmed, Clinicaltrial.gov, EU clinical trials register, Australian and New Zealand Clinical Trials registry, le 16 juillet 2019 avec une mise à jour de la recherche le 29 juin 2020.

 

Etudes sélectionnées

  • critères d’inclusion : 
    • études randomisées contrôlées (RCTs) en anglais 
    • portant sur n’importe quelle intervention impliquant uniquement des êtres humains visant à réduire l’isolement social, la solitude et/ou à augmenter la participation sociale et les contacts sociaux 
    • avec n’importe quel comparateur
  • critères d’exclusion : 
    • commentaires ou revues narratives 
    • publications dans d’autres langues que l’anglais
  • le processus de sélection est présenté sous forme d’un diagramme PRISMA 
  • au total, 6526 études ont été trouvées ; 59 articles portant sur 58 études ont été sélectionnés ; 5 études étaient en simple aveugle, 5 en double aveugle et 49 n’ont pas précisé cette donnée.

 

Population étudiée 

  • adultes ≥18 ans peu importe leur état de santé
  • au total, 8780 sujets ; âge moyen de 62 ans (entre 18 et 103 ans), 30,8% d’hommes (entre 0 et 100%).

 

Mesure des résultats

  • critères de jugements primaires : 
    • changements quantitatifs entre les groupes comparés rapportés sous forme de mesure standardisée (via le coefficient g de Hedge) concernant : 
      • l’isolement social (taille du réseau social) 
      • la participation sociale (activités sociales, volontariat, etc) 
      • la solitude
      • les liens sociaux
    • les deux premiers points sont rassemblés par les auteurs sous le vocable « contact social objectif » et les deux derniers sous la forme de « qualité perçue des contacts sociaux »
  • critères de jugements secondaires 
    • changements quantitatifs entre les groupes comparés concernant : 
      • le support social 
      • la dépression 
      • les retraits d’études
    • efficacité relative des interventions selon 
      • leur type (interventions psychologiques, entraînement social, accès aux contacts sociaux, support social)
      • le format d’intervention (seul, en groupe ou mixte) 
      • le type de comparateur (absence d’intervention, intervention habituelle)
      • la tranche d’âge concernée
  • la taille de l’effet est considérée comme petite si le coefficient g = 0,2, moyenne si g= 0,5 et grande si g = 0,8.

 

Résultats

  • critères de jugement primaires 
    • contact social objectif : les résultats poolés des 11 études concernées ne montrent pas d’effet des interventions sur la taille du réseau ou sur l’engagement dans des activités sociales ; cependant, après retrait d’une étude portant sur la population particulière des autistes, le résultat poolé des 10 études restantes montre une ampleur d’effet positive (g = 0,43 avec IC à 95% de 0, 21 à 0,65 ; I² = 45%)
    • qualité perçue des contacts sociaux : N = 32 ; l’effet global est en faveur des interventions proposées (g = -0,33 avec IC à 95% de -0,51 à -0,16 ; I²= 77,37%)
  • critères de jugements secondaires 
    • support social : pas d’effet des interventions
    • dépression : effet favorable des interventions (g = -0,25 avec IC à 95% de -0,51 à 0,01 ; I² = 78,36%)
    • retrait d’études : pas de données retrouvées dans l’étude 
    • efficacité relative des interventions (analyses de sous-groupes) : 
      • contact social objectif : 
        • augmenter l’accès aux contacts sociaux a un effet favorable sur le contact social objectif (N=4, g = 0,67 avec IC à 95% de 0,36 à 0,98 ; I² = 17,24%) ; les interventions visant à augmenter le support social n’ont pas d’effet sur le contact social objectif ; aucune analyse n’a pu être faite concernant les interventions psychologiques en raison du trop petit nombre d’études
        • l’effet bénéfique sur le contact social objectif est surtout présent : 
          • chez les sujets âgés (N = 6, g= 0,44 avec IC à 95% de 0,13 à 0,76 ; I² = 63,41%)
          • pour les interventions de groupe (N = 4, g = 0,57 avec IC à 95% de 0,15 à 0,99 ; I² = 48,15%) 
          • pour les interventions avec support technologique (N = 4, g = 0,44 avec IC à 95% de 0,09 à 0,79 ; I² = 28,44%) ou sans support technologique (N = 7, g = 0,43 avec IC à 95% de 0,14 à 0,73 ; I² = 56,22%)
          • dans les études versus traitement habituel 
      • qualité perçue des contacts sociaux :
        • les interventions psychologiques améliorent la qualité perçue des connexions sociales (N = 12, g = -0,53 avec IC à 95% de -0,79 à -0,26 ; I² = 70,88%) ; il n’y a pas d’effet de l’augmentation de l’accès aux contacts sociaux ni du support social
        • l’effet bénéfique sur la qualité des connexions sociales est surtout présent :
          • chez les jeunes (N = 7, g = -0,34 avec IC à 95% de -0,60 à -0,08 ; I² = 28,05%)
          • pour les interventions de groupe (N = 15, g = -0,41 avec IC à 95% de -0,63 à -0,18 ; I²=64,81%)
          • pour les interventions non technologiques (N = 21, g = 0,37 avec IC à 95% de -0,62 à -0,13 ; I² = 80,50%) et technologiques,
          • avec un effet toutefois moins important (N = 11, g = -0,24 avec IC à 95% de -0,48 à -0,01 ; I²= 69,60%)
          • dans les études versus traitement habituel.

 

Conclusion des auteurs

Différentes interventions ont des effets sur la fréquence et sur la qualité perçue des interactions sociales et sur le stress émotionnel associé. Les contacts sociaux objectifs sont améliorés surtout si la possibilité d’interagir avec les autres est plus importante. La qualité des connexions sociales est quant à elle améliorée surtout par des interventions psychologiques. 

 

Financement de l’étude

Pas de financement déclaré.

 

Conflit d’intérêts des auteurs

Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêt.

 

 

Discussion  

 

Evaluation de la méthodologie

Il s’agit d’une revue systématique avec méta-analyse sur un sujet original. Les objectifs, la méthode et les résultats sont clairement énoncés. La stratégie de recherche comprend au moins 3 bases de données, les critères de jugements et les seuils de pertinence sont clairs et adaptés, les biais de publication sont recherchés et le risque de biais des études correctement évalué. Ont été définies : 7 à faible risque, 45 à risque moyen et 7 à haut risque. La stratégie de sélection des études est transparente et le degré d’accord entre les auteurs élevé, reflet de la clarté des critères d’inclusion et d’exclusion. En revanche, les auteurs sont tous psychologues ; on ne retrouve pas d’expert en méthodologie. Ceci peut expliquer la liste restreinte de mots-clés présentés. L’exhaustivité de la recherche peut ainsi être interrogée, d’autant qu’il existe un filtre linguistique. Il n’y a pas de conflits d’intérêts décrits. Concernant les résultats, le degré d’hétérogénéité entre les études est élevé pour le critère « augmentation de la qualité perçue des contacts sociaux » et dans une certaine mesure pour le critère « contacts sociaux objectifs ». Les auteurs expliquent cela par des critères de jugement variables et un manque de cadre conceptuel. Ceci rend l’interprétation des résultats de la méta-analyse délicats. 

 

Interprétation des résultats

Le principal enseignement de cette étude est d’éclairer sur le type d’intervention à proposer en fonction de l’objectif recherché en termes de tissu social. Faciliter l’accès aux contacts sociaux permet de lutter contre l’isolement social et d’augmenter la participation sociale, surtout chez les sujets âgés et lors d’interventions de groupe. Par contre, la qualité des contacts sociaux sera mieux perçue si une intervention psychologique visant à réduire le stress émotionnel associé aux contacts sociaux est entreprise, surtout chez les jeunes et lors d’interventions de groupe. Même si les résultats de cette revue reposent sur des études hétérogènes aux résultats fragiles, ils permettent d’apporter un premier éclaircissement pour la pratique. 

 

Que disent les guides de pratique clinique?

DynaMed rappelle l’importance, chez les personnes âgées, de maintenir un réseau social développé. Le guide propose de maintenir les liens avec la famille mais aussi avec la communauté, et de favoriser l’implication dans des activités de volontariat, dans des clubs ou des organisations diverses (5). Le Center for Disease Control (CDC) propose des pistes basées sur la création et le maintien de lien social par l’entraide, la gestion des émotions en lien avec les situations sociales et l’évitement des distracteurs lors des interactions sociales (pression du temps, technologies, etc) (6). 

 

 

Conclusion de Minerva

Cette étude, de bonne qualité méthodologique mais basée sur des études hétérogènes, éclaire sur le choix des stratégies à adopter pour améliorer la fréquence et/ou la qualité des contacts sociaux. L’augmentation de l’accès à un réseau social permettrait d’accroître la fréquence des contacts, tandis que les interventions psychologiques en amélioreraient la qualité. 

 

 

 


Références 

  1. WHO. Constitution. Consulté le 4/08/2023. Disponible sur https://www.who.int/fr/about/governance/constitution
  2. Zagic D, Wuthrich VM, Rapee RM, Wolters N. Interventions to improve social connections: a systematic review and meta-analysis. Soc Psychiatry Psychiatr Epidemiol 2022;57:885–906. DOI: 10.1007/s00127-021-02191-w
  3. Banse E, Bigot A, Valkeneer CD, et al. Quelques enseignements sur les impacts sociaux et économiques de la stratégie de réponse à la pandémie du coronavirus en Belgique. Louvain Med 2020;139:375-382. Disponible sur https://www.sciensano.be/sites/default/files/view.pdf
  4. Cardiovascular disease possible risk factors. DynaMed. Consulté le 4/08/2023. Disponible sur https://www-dynamed-com.gateway2.cdlh.be/prevention/cardiovascular-disease-poss
  5. Geriatric health maintenance. DynaMed. Consulté le 4/08/2023. Disponible sur https://www-dynamed-com.gateway2.cdlh.be/prevention/geriatric-health-maintenance#SOCIAL_AND_EMOTIONAL_ENGAGEMENT
  6. Centers for Disease Control and Prevention. Ways to improve social connectedness. Consulté le 4/08/2023. Disponible sur https://www.cdc.gov/emotional-wellbeing/social-connectedness/ways-to-improve.htm




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