Analyse


Efficacité des traitements sur la douleur due à la fasciite plantaire


15 09 2023

Professions de santé

Ergothérapeute, Kinésithérapeute, Médecin généraliste, Psychologue
Analyse de
Guimarães J de S, Arcanjo FL, Leporace G, et al. Effects of therapeutic interventions on pain due to plantar fasciitis: a systematic review and meta-analysis. Clin Rehabil 2023;37:727-46. DOI: 10.1177/02692155221143865


Question clinique
Chez les patients adultes souffrant de fasciite plantaire, quelle est l’efficacité sur la douleur à court, moyen et long terme des différentes interventions thérapeutiques versus intervention contrôle ?


Conclusion
Cette revue systématique avec méta-analyse de bonne qualité méthodologique montre une efficacité faible à modérée d’une série d’interventions différentes chez les patients adultes souffrant de fasciite plantaire en termes de douleur à court terme (1 - 6 semaines) ; à moyen et long terme (7 à > 12 semaines), seules les ondes de choc extra corporelles ont montré une efficacité sur la douleur


Contexte

La fasciite plantaire est la cause la plus fréquente de douleur plantaire chez l’adulte (jusqu’à 80% des causes de talalgie). Cette pathologie, le plus souvent localisée à l’insertion du fascia plantaire au niveau du talus, est favorisée par la station debout prolongée et/ou un surpoids, et provoque une douleur dès le lever qui invalide la marche et peut avoir des répercussions sur la capacité au travail. Le diagnostic est essentiellement clinique, la mise en évidence d’une épine calcanéenne à la radio confirmera la chronicité du processus (par conséquent la sensibilité de l’imagerie en début de douleur reste faible). Une prise en charge physique – exercices d’étirement, semelles orthopédiques, attelle de nuit et si possible perte de poids (1) – est souvent proposée en première intention. Minerva s’était déjà focalisé sur quelques interventions spécifiques pour la fasciite plantaire :  l’injection de corticoïdes montrait une efficacité supérieure uniquement à court terme par rapport à certaines autres thérapies, comme les semelles orthopédiques et l’injection de sang autologue (2,3). À plus long terme (12 semaines), les semelles orthopédiques sont statistiquement plus efficaces sur la douleur que l’injection (4,5). Le traitement extracorporel par ondes de choc focalisées à haute dose sans anesthésie locale améliore quant à lui de manière statistiquement significative la douleur ainsi que les capacités fonctionnelles des patients atteints de fasciite plantaire réfractaire (6,7). Comparé à l’étirement du tendon d’Achille, l’étirement du fascia plantaire donne de meilleurs résultats en ce qui concerne la douleur, les capacités fonctionnelles et la satisfaction du patient (8,9). Cependant aucune revue systématique avec méta-analyse n’avait jusqu’à présent comparé dans leur ensemble les interventions thérapeutiques par rapport à l’efficacité sur la douleur chez des patients adultes souffrant de fasciite plantaire (10). 

 

 

Résumé

Méthodologie

Revue systématique avec méta-analyse.

 

Sources consultées

 

Études sélectionnées

  • critères d’éligibilité : design RCT ; patients ≥ 18 ans souffrant de fasciite plantaire , comparaison de l’intervention avec soit une autre intervention soit un contrôle ; pas de restriction de langue
  • critères d’exclusion : non précisés clairement 
  • inclusion de 236 essais avec 19 interventions différentes. 

 

Population étudiée

  • 15401 patients ont été inclus, âge moyen des participants entre 25 et 60 ans. 

 

Mesure des résultats

  • critère de jugement principal : la douleur, mesurée par une échelle validée et standardisée, sur une échelle analogique ou numérique ; séquençage temporel de ce résultat au court terme (1 - 6 semaines), au moyen terme (7 - 12 semaines) et au long terme (> 12 semaines)
  • comparaison des résultats par calcul de la différence moyenne pour la douleur (sur une échelle de 0 à 10) et de l’intervalle de confiance ; mesure de l’hétérogénéité des résultats dans chaque méta-analyse par Cochran’s Q-test et I2 (une valeur > 40% indiquant une hétérogénéité haute)
  • analyse des résultats par modèle d’effets fixes en cas d’homogénéité et par modèle d’effets aléatoires en cas d’hétérogénéité.

 

Résultats

  • le tableau suivant donne les résultats statistiquement significatifs des interventions thérapeutiques comparées au contrôle.

 

 


Résultats

Nombre d’études incluses

Nombre de participants

Différence moyenne (IC à 95%)

Hétérogénéité

I2, %

P value

GRADE

Court terme (1 – 6 semaines)

Toxine botulique versus contrôle

4

161

-2,14 (-4,15 à -0,14)

95

0,04

bas

Injection d’HACM versus contrôle

2

175

-3,31 (-5,54 à -1,08)

94

<0,01

bas

Aiguilletage à sec versus contrôle

3

215

-2,34 (-4,64 à -0,04)

97

0,05

bas

Thérapie à bas niveau laser versus contrôle

5

231

-2,09 (-2,28 à -1,90)

0

<0,01

modéré

Taping du pied versus contrôle

4

213

-3,60 (-4,16 à -3,03)

58

<0,01

bas

Libération myofasciale versus contrôle

4

101

-1,79 (-2,63 à -0,94)

75

<0,01

bas

Injection plasma enrichi plaqu versus contrôle

2

110

-3,30 (-3,91 à -2,69)

94

<0,01

bas

Radiofréquence versus contrôle

2

87

-2,47 (-4,65 à -0,29)

81

0,03

bas

Etirements versus contrôle

2

112

-1,14 (-2,02 à -0,26)

50

<0,01

bas

Moyen terme (7 - 12 semaines)

Ondes choc extra corporelles versus contrôle

8

1432

-0,97 (-1,13 à -0,81)

0

<0,01

modéré

Long terme (>12 semaines)

Ondes choc extra corporelles versus contrôle

3

96

-2,49 (-3,17 à -1,82)

0

<0,01

modéré

 

 

  • lorsque différentes interventions étaient comparées entre elles :
    • à court terme, l’injection de corticoïdes était plus efficace que l’injection de sang autologue, la thérapie par ozone et l’orthèse
    • à moyen terme, les ondes de choc extra corporelles étaient plus efficaces que l’injection de corticoïdes et les étirements du fascia plantaire plus efficaces que les étirements musculaires 
    • à long terme, aucune différence statistiquement significative n’a été mise en évidence dans les comparaisons disponibles entre les différentes interventions
  • on note un niveau de preuve globalement bas des études et une hétérogénéité importante des résultats dans les méta-analyses. 

 

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent qu’à court terme, l’injection de toxine botulique, de membrane humaine d’amnion/chorion micronisée et déshydratée, l’aiguilletage à sec, la thérapie à bas niveau de laser, le taping du pied, la libération myofasciale, l’injection de plasma enrichi en plaquettes, la radiofréquence et les étirements sont plus efficaces sur la douleur que les interventions contrôle. À moyen et long terme seules les ondes de choc extra corporelles sont plus efficaces que le contrôle. Comparées entre elles, à moyen terme l’intervention par ondes de choc était plus efficace que l’intervention par injection de corticoïdes et les étirements du fascia plantaire plus efficaces que les étirements musculaires.  

 

Financement de l’étude

Pas de financement extérieur déclaré.

 

Conflit d’intérêt des auteurs

Aucun déclaré.

 

 

Discussion

Evaluation de la méthodologie

La méthodologie de cette méta-analyse est de bonne qualité. Réalisation et reporting de la méta-analyse selon les directives PRISMA.  Plusieurs bases de données ont été consultées selon un vocabulaire contrôlé et aucune restriction de langue n’a été demandée. Deux chercheurs ont sélectionné de façon indépendante les abstracts ; 558 abstracts en première sélection, dont 315 articles potentiellement pertinents et deuxième sélection sur texte complet par deux chercheurs indépendants des 236 essais cliniques randomisés qui rencontraient les critères d’inclusion. Les auteurs des études originales ont été contacté par mail si nécessaire.  L’analyse des risques de biais a été réalisée selon le Cochrane Collaborative Tool. Les biais principaux qui ont été identifiés étaient un problème de masquage d’attribution, le manque d’insu dans l’évaluation des résultats et des données incomplètes de résultat. Les auteurs ont également réalisé une analyse par la méthode GRADE des niveaux de preuve. Notons cependant que certaines interventions auraient pu être décrites de façon plus précise : on ne sait par exemple pas comment les 19 types d’interventions ont été triés. 

 

Interprétation des résultats

Comme souvent dans des méta-analyses aussi larges, le faible niveau de preuve et l’hétérogénéité importante des études doit nous inciter à une grande prudence dans l’interprétation des résultats. C’est principalement vrai pour les résultats concernant la douleur à court terme, où même en poolant les populations dans les différentes méta-analyse le nombre maximal de participant est de 231 (avec 5 études poolées). À une exception près (laser à bas niveau), tous les résultats montrent une grande hétérogénéité et un effet sur la douleur faible à modéré. Les seuls résultats significatifs sur la douleur à moyen et long terme se concentrent sur les ondes de choc, avec ici une faible hétérogénéité. La principale critique à adresser à cette revue systématique est l’absence de résultat sur la fonction (certes assez difficile à évaluer par rapport à la fasciite plantaire) et la scotomisation complète des effets secondaires des différentes interventions. Or la sécurité est un critère de jugement essentiel dans le choix d’une intervention par le thérapeute qui doit en informer son patient.  Rappelons que les résultats de La revue Cochrane de 2017 (11) montraient un faible, voire marginal, avantage de l’injection par corticostéroïde versus placebo sur la douleur à court terme et que leurs auteurs ne signalaient la supériorité d’aucune autre intervention, par défaut de qualité de preuve. On peut supposer que les essais cliniques réalisés entre 2017 et 2022 peuvent avoir modifié les résultats de la revue systématique réalisée par Cochrane. On s’étonnera par ailleurs de l’absence de l’intervention « semelles orthopédiques » dans les interventions évaluées supérieures au contrôle, alors que cette intervention avait apporté certaines preuves d’efficacité sur la douleur (voir Contexte ci-dessus) et est en pratique encore souvent proposée. 
En pratique, la taille d’effet faible à modérée, le faible niveau de preuve, l’hétérogénéité importante et l’absence de données sur les effets secondaires ne permettent pas de proposer avec certitude un traitement en première intention qui se distingue des autres. Le clinicien orientera son choix sur le/les traitement(s) le(s) moins invasif(s) et le/les moins cher(s). En cas de fasciite réfractaire, le traitement par onde de choc extra corporelle pourra être proposé de façon plus certaine, en informant le patient du risque de douleur liée à la procédure.

 

Que disent les guides de pratique clinique ?

Les recommandations de NICE (12) qui n’ont pas changé depuis 2009 proposent un traitement conservateur en première intention : repos, application de froid, médication antalgique, AINS, orthèse, kinésithérapie, étirements, injection de corticostéroïdes, et réservent les ondes de choc aux fasciites réfractaires. Ebpracticenet (1) (mise à jour sur le sujet en 2017) propose une série de traitements conservateurs (perte de poids, repos relatif, attelle de nuit, bandage, médication antalgique, semelles et chaussures adaptées, exercices d’étirement, injection de corticostéroïdes ou d’anesthésique et évoque prudemment le recours à la chirurgie en seconde intention. Aucune mention à propos des ondes de choc.

 

 

Conclusion de Minerva

Cette revue systématique avec méta-analyse de bonne qualité méthodologique montre une efficacité faible à modérée d’une série d’interventions différentes chez les patients adultes souffrant de fasciite plantaire en termes de douleur à court terme (1 - 6 semaines) ; à moyen et long terme (7 à > 12 semaines), seules les ondes de choc extra corporelles ont montré une efficacité sur la douleur. 

 

 


Références 

  1. Ebpracticenet. Talalgie. Dégénérescence de l'aponévrose plantaire (fasciopathie plantaire) (fasciopathieplantaire). Dernière mise à jour: 24/07/2017. Dernière révision contextuelle : 28/10/2017. Consulté le 03/08/2023.
  2. Feron J-M.  Quel est l’intérêt de l’injection par corticoïde en cas de fasciite plantaire ? MinervaF 2020;19(5):56-9.
  3. Whittaker GA, Munteanu SE, Menz HB, et al. Corticosteroid injection for plantar heel pain: a systematic review and meta-analysis. BMC Musculoskelet Disord 2019;20:378. DOI: 10.1186/s12891-019-2749-z
  4. Feron J-M. Semelles orthopédiques versus infiltration de corticoïdes dans la fasciite plantaire.  MinervaF 2020;19(9):102-5.
  5. Whittaker GA, Munteanu SE, Menz HB, et al. Effectiveness of foot orthoses versus corticosteroid injection for plantar heel pain: the SOOTHE randomized clinical trial. J Orthop Sport Phys Ther 2019;49:491-500. DOI: 10.2519/jospt.2019.8807
  6. Vermeersch V, Poelman T. Traitement extracorporel par ondes de choc dans la fasciite plantaire chronique ? MinervaF 2016;15(6):143-6.
  7. Gollwitzer H, Saxena A, DiDomenico LA, et al. Clinically relevant effectiveness of focused extracorporeal shock wave therapy in the treatment of chronic plantar fasciitis. J Bone Joint Surg Am 2015;97:701-8. DOI: 10.2106/JBJS.M.01331
  8. Vanderstraeten G. Exercices d'étirement pour fasciite plantaire chronique. MinervaF 2004;3(9):141-2.
  9. DiGiovanni BF, Nawoczenski DA, Lintal ME et al. Tissue-specific plantar fascia-stretching exercise enhances outcomes in patients with chronic heel pain. A prospective randomized study. J Bone Joint Surg 2003;85A:1270-7.  DOI: 10.2106/00004623-200307000-00013
  10. Guimarães J de S, Arcanjo FL, Leporace G, et al. Effects of therapeutic interventions on pain due to plantar fasciitis: a systematic review and meta-analysis. Clin Rehabil 2023;37:727-46. DOI: 10.1177/02692155221143865
  11. David JA, Sankarapandian V, Christopher PR, et al. Injected corticosteroids for treating plantar heel pain in adults. Cochrane Database Syst Rev 2017, Issue 6. DOI: 10.1002/14651858.CD009348.pub2
  12. National Institute for Health and Care Excellence. Extracorporeal shockwave therapy for refractory plantar fasciitis. Interventional procedures guidance [IPG311]. Published: 26 August 2009.




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