Revue d'Evidence-Based Medicine



Diabète de type 2 : pour quel traitement opter après échec de la metformine ?



Minerva 2013 Volume 12 Numéro 4 Page 45 - 46

Professions de santé


Analyse de
Gallwitz B, Guzman J, Dotta F, et al. Exenatide twice daily versus glimepiride for prevention of glycaemic deterioration in patients with type 2 diabetes with metformin failure (EUREXA): an open-label, randomised controlled trial. Lancet 2012;379:2270-8.


Question clinique
Chez les patients atteints du diabète de type 2 et présentant une surcharge pondérale ou une obésité et chez qui la metformine seule ne suffit pas pour contrôler la glycémie, l’exénatide, un agoniste du récepteur du GLP-1, assure-t-il une régulation de la glycémie plus durable, par comparaison au glimépiride, un sulfamide hypoglycémiant ?


Conclusion
Cette étude contrôlée randomisée en protocole ouvert, qui compare l’exénatide et le glimépiride chez les patients présentant un diabète de type 2, avec surcharge pondérale, et une HbA1c en moyenne de 7,5% sous dose maximale de metformine en monothérapie, montre que l’exénatide, un agoniste des récepteurs du GLP-1, est supérieur au glimépiride, un sulfamide hypoglycémiant, pour maintenir une bon contrôle glycémique. Les hypoglycémies (non graves) sont moins nombreuses avec l’exénatide, et une perte de poids est observée, ce qui n’a pas été le cas avec le glimépiride. Les patients sous exénatide ont toutefois été plus nombreux à arrêter le traitement en raison d'effets indésirables gastro-intestinaux. Cette étude ne permet pas de tirer de conclusion concernant le risque cardiovasculaire de l’exénatide.


 

 

Texte sous la responsabilité de la rédaction néerlandophone


 

Contexte

La metformine est généralement recommandée comme traitement de première intention du diabète de type 2 (1-4). Comme cette pathologie connaît une évolution progressive, il arrive souvent qu’avec le temps, la metformine ne suffise plus et qu’il soit nécessaire d’instaurer un traitement complémentaire. Les sulfamides hypoglycémiants sont souvent choisis en seconde intention parce que leur prix est peu élevé et parce qu’ils permettent un contrôle rapide de la glycémie ; ils sont par contre associés à une augmentation du risque d’hypoglycémie et de prise de poids (5). Les agonistes du récepteur de la GLP-1, tels que l’exénatide et le liraglutide, se sont montrés être des traitements acceptables en cas de diabète de type 2 non contrôlé bien que la place de ces médicaments dans la stratégie médicamenteuse reste à déterminer. Ils n’augmenteraient pas le risque d’hypoglycémies et s’accompagneraient d’une perte de poids (6,7). Il n’existe cependant pas d’études à long terme comparant directement les agonistes du récepteur du GLP-1 et d’autres traitements de seconde intention pour le contrôle de l’équilibre glycémique sur le long terme.

 

Résumé

 

Population étudiée

  • 1 029 patients présentant un diabète de type 2, recrutés dans 128 centres de 14 pays européens, âgés de 18 à 85 ans (âge moyen de 56 (ET 10) ans), 54% de sexe masculin, HbA1c ≥6,5% mais ≤9% (HbA1c moyenne de 7,5 (ET 0,7)%) sous metformine à dose maximale tolérée stable (en moyenne 2 g/j) ; IMC moyen de 32 (ET 4) kg/m² ; diabète en moyenne depuis 5,6 ans ; 72% sous antihypertenseurs
  • critères d’exclusion : contre-indications de la metformine ou du glimépiride, cancer ≤5 ans, pathologie rénale ou hépatique, hémoglobinopathie ou anémie chronique, rétinopathie proliférative diabétique active ou œdème maculaire, affection gastro-intestinale grave, utilisation de corticostéroïdes systémiques, utilisation récente de médicaments amaigrissants, d’insuline, de glitazones, d’inhibiteurs des glucosidases, de sulfamides hypoglycémiants ou de glinides.

Protocole de l’étude

  • étude contrôlée randomisée, ouverte, avec stratification en fonction de l’HbA1c (≤7,3% ; 7,4 à 8,2% ; >8,2%) ; évaluation des résultats réalisée en aveugle
  • intervention :
    • groupe exénatide (n=515) : injections sous-cutanées 60 minutes avant le déjeuner et avant le repas du soir ; au début : 5 µg 2 x/j; après 4 semaines : passage à 10 µg 2 x/j ; réduction à 5 µg deux fois par jour en cas de nausées se maintenant plus d’une semaine
    • glimépiride (n=514) : prise orale 1 x/j avant le déjeuner ; au début : 1 mg ; augmenté progressivement toutes les 4 semaines jusqu’à la dose maximale tolérée (selon le pays participant)
  • pendant l’étude, les 2 groupes ont continué à recevoir la metformine à la même dose qu’au début de l’étude
  • suivi sur 48 mois.

Mesure des résultats

  • critères de jugement primaires : échec de traitement = délai d’apparition d’une glycémie insuffisamment contrôlée avec nécessité d’instaurer un autre traitement, selon la définition suivante : HbA1c >9% trois mois après le début du traitement ou HbA1c >7% lors de deux contrôles successifs (à un intervalle de trois mois) après les 6 premiers mois de traitement
  • critères de jugement secondaires : marqueurs de la fonction des cellules β (HOMA-β), de la résistance à l’insuline (HOMA-IR), poids corporel, hypoglycémie et critères de jugement intermédiaires du risque cardiovasculaire (pression artérielle et fréquence cardiaque)
  • analyse en intention de traiter modifiée.

 

Résultats

  • critères de jugement primaires :
    • échec de traitement : 41,4% (203/490) dans le groupe exénatide versus 53,8% (262/487) dans le groupe glimépiride, soit une Réduction Absolue de Risque (RAR) de 12,4% avec IC à 95% de 6,2 à 18,6, ou à un HR de 0,748 avec IC à 95% de 0,623 à 0,899 et p=0,002 ; différence pour un échec de traitement plus importante dans les sous-groupes ayant une HbA1c >7,3% ; délai médian jusqu’à l’échec de traitement : 180 semaines dans le groupe exénatide contre 142 semaines dans le groupe glimépiride (p=0,032)
    • HbA1c <7% : 44% (218/490) dans le groupe exénatide contre 31% (150/487) dans le groupe glimépiride (p<0,0001)
  • critères de jugement secondaires pour l’exénatide versus glimépiride :
    • HOMA-IR : diminution significativement plus importante après 3 ans : p=0,003
    • perte de poids : significativement plus importante : -3,3 kg contre +1,15 kg, p<0,0001
    • hypoglycémies symptomatiques: significativement moins : 20% (102) contre 47% (240), p<0,0001
    • diminution de la pression systolique : significativement plus importante : -5,2 mmHg, p<0,0001
  • les nausées (4% contre 0%) et les diarrhées (3% contre 0%) significativement plus fréquentes (p=0,0005) au cours des 6 premiers mois dans le groupe exénatide comparativement au groupe glimépiride.

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent que, chez les patients atteints de diabète de type 2 chez qui la metformine seule ne suffit pas pour maîtriser la glycémie, l’exénatide est supérieur au glimépiride pour prévenir la dégradation du contrôle glycémique.

Financement 

Eli Lilly and Company ; Amylin Pharmaceuticals.

 

Conflits d’intérêt 

Quatre auteurs (BGa, BGu, RS et GS) déclarent avoir reçu des honoraires de l’industrie pharmaceutique, notamment Eli Lilly. Cinq auteurs (BRB, AF, JK, MT et HS) sont employés par Eli Lilly.

 

Discussion

 

Considérations sur la méthodologie

Le recrutement des patients pour cette étude s’est déroulé dans 128 centres. En divisant le nombre total de patients inclus par le nombre de centres participants, il s’avère que seuls 8 patients en moyenne ont été recrutés par centre. Ceci pourrait indiquer qu’il s’agit d’un essai clinique promotionnel visant à introduire auprès des médecins le concept de nouveau médicament plutôt qu’une étude ayant pour but d’examiner en profondeur une question scientifique (étude d’ensemencement) (8). Un biais de sélection pendant le recrutement des patients n’est donc pas exclu. Par ailleurs, la randomisation a été effectuée correctement, et le secret d’attribution a été maintenu tout au long de l’étude, un biais d’attribution pouvant ainsi être évité. Cependant, comme cette étude contrôlée randomisée a été menée en ouvert (tant les investigateurs que les patients savaient quel traitement était donné), un biais de traitement est bien possible. Ainsi, la dose de glimépiride utilisée était plutôt faible, alors que le protocole d’étude avait demandé que la dose soit augmentée jusqu’à la dose maximale tolérée. Le biais de détection a été évité car l’évaluation de l’effet a été réalisée en aveugle (9). Les auteurs ont utilisé une analyse en intention de traiter modifiée. Pour l’analyse des résultats, seuls ont été retenus les patients qui avaient pris au moins une dose de médicament durant l’étude et dont les caractéristiques essentielles de même qu’au moins une valeur d’HbA1c après le début de l’étude étaient connues. Cette option n’a probablement pas faussé les résultats car, dans les 2 groupes, peu de patients ont été exclus pour cette raison (10). Initialement, l’étude avait été conçue comme une étude de non-infériorité avec passage à une étude de supériorité si la non-infériorité était montrée. Les auteurs ont tenu compte des exigences requises dans ce domaine (11). Le délai d’apparition d’une glycémie non contrôlée est mentionné comme critère de jugement primaire dans les résultats alors qu’il n’est pas mentionné comme tel dans le protocole d’étude ; les critères de jugement secondaires ont été évalués sur une période de 3 ans au lieu de 4 ans initialement prévus. Ces 2 constatations posent question.

 

Interprétation des résultats

L’étude EUREXA est à ce jour la plus longue étude (durée du suivi jusqu’à 4,5 ans) comparant un agoniste du récepteur du GLP-1 et un traitement ‘habituel’ de seconde intention pour les patients atteints du diabète de type 2 chez qui la metformine seule ne suffit pas pour contrôler la glycémie. La plupart des résultats sont significativement en faveur du groupe ayant reçu l’exénatide. Sur une période de 4 ans, 8 patients (NST de 8 avec IC à 95% de 5 à 16) doivent être traités par exénatide au lieu de glimépiride pour éviter l’échec du traitement chez un patient. Le critère de jugement primaire est pertinent pour la pratique clinique quotidienne, mais les critères de jugement vraiment forts, telle l’hospitalisation, n’ont pas été évalués. Cette étude ne permet pas non plus de tirer de conclusions concernant l’effet sur le risque cardiovasculaire car seuls les critères de jugement intermédiaires ont été examinés. Il n’est pas non plus possible d’extrapoler ces résultats à tous les patients qui ont un diabète de type 2 et chez qui la metformine ne suffit pas pour contrôler la glycémie. La population incluse se composait principalement d’individus de race blanche dont l’HbA1c était en moyenne de 7,5% en début d’étude. Dans leur analyse de puissance, les investigateurs ont tablé sur une HbA1c moyenne de 8,2% lors de l’inclusion.

Des effets indésirables gastro-intestinaux sont survenus plus souvent dans le groupe exénatide, ce qui a provoqué des arrêts de traitement plus fréquents dans ce groupe que dans le groupe glimépiride. Dans le groupe exénatide, une perte de poids significative a été observée, ce qui confirme les résultats d’études antérieures (7,12,13). En outre, deux fois moins d’hypoglycémies ont été signalées. Il faut noter à ce sujet que une seule hypoglycémie grave a été signalée dans le groupe exénatide pour aucune dans le groupe glimépiride. Des études à plus long terme conçues spécifiquement pour évaluer la sécurité cardiovasculaire des agonistes des récepteurs du GLP-1 sont en cours ; leurs résultats ne seront connus qu’après 2015.

 

Conclusion de Minerva

Cette étude contrôlée randomisée en protocole ouvert, qui compare l’exénatide et le glimépiride chez les patients présentant un diabète de type 2, avec surcharge pondérale, et une HbA1c en moyenne de 7,5% sous dose maximale de metformine en monothérapie, montre que l’exénatide, un agoniste des récepteurs du GLP-1, est supérieur au glimépiride, un sulfamide hypoglycémiant, pour maintenir une bon contrôle glycémique. Les hypoglycémies (non graves) sont moins nombreuses avec l’exénatide, et une perte de poids est observée, ce qui n’a pas été le cas avec le glimépiride. Les patients sous exénatide ont toutefois été plus nombreux à arrêter le traitement en raison d'effets indésirables gastro-intestinaux. Cette étude ne permet pas de tirer de conclusion concernant le risque cardiovasculaire de l’exénatide.

 

Pour la pratique

En cas de diabète de type 2, tous les guides de pratique recommandent la metformine en première intention (1-4). Étant donné le manque de preuves pour les différents traitements de seconde intention sur le long terme en ce qui concerne les critères de jugement forts tels que les affections cardiovasculaires et la mortalité, les guides de pratique européens et américains les plus récents insistent sur l’importance d’individualiser le traitement, la valeur cible pour l’HbA1c. Les avantages et inconvénients de chaque traitement de seconde intention doivent être pris en considération en tenant compte des caractéristiques individuelles du patient (4). Comme traitements possibles en seconde intention, citons les antidiabétiques oraux et les traitements injectables. Cette étude montre que l’exénatide est une bonne alternative versus glimépiride pour maintenir, à terme, un bon contrôle glycémique. Comme le traitement par exénatide est associé à moins d’hypoglycémies, il conviendrait de le préférer au glimépiride pour le traitement en seconde intention chez les patients atteints du diabète de type 2 chez qui il faut absolument éviter les hypoglycémies, comme les personnes âgées et les patients qui ne ressentent plus bien leurs hypoglycémies.

Compte tenu du prix, les critères de remboursement en Belgique n’autorisent le remboursement des agonistes des récepteurs du GLP-1 que chez les patients atteints de diabète de type 2 chez qui la metformine et un sulfamide hypoglycémiant ne suffisent pas pour maîtriser la maladie (HbA1c >7,5%). Cette étude apporte de nouveaux arguments pour envisager l’exénatide au lieu d’un sulfamide hypoglycémiant dans certaines situations (voir plus haut) après l’échec de la metformine en monothérapie.

 

 

Références

  1. Wens J, Sunaert P, Nobels F, et al. Aanbeveling voor goede medische praktijkvoering: Diabetes Mellitus type 2. Berchem/Gent. WVVH/VDV, 2005.
  2. Rutten GE, De Grauw WJ, Nijpels G, et al. NHG-Standaard Diabetes mellitus type 2 (Tweede herziening). Huisarts Wet 2006;49:137-52.
  3. Prodigy. Diabetes type 2. Management. Managing glucose control in type 2 diabetes.
  4. Inzucchi SE, Bergenstal RM, Buse JB, et al. Management of hyperglycaemia in type 2 diabetes: a patient-centered approach. Position statement of the American Diabetes Association (ADA) and the European Association for the Study of Diabetes (EASD). Diabetologia 2012;55:1577-96.
  5. Kahn SE, Haffner SM, Heise MA, et al; ADOPT Study Group. Glycemic durability of rosiglitazone, metformin, or glyburide monotherapy. N Engl J Med 2006;355:2427-43.
  6. Bergenstal RM, Wysham C, MacConell L, et al; DURATION-2 Study Group. Efficacy and safety of exenatide once weekly versus sitagliptin or pioglitazone as an adjunct to metformin for the treament of type 2 diabetes (DURATION-2): a randomized trial. Lancet 2010;376:431-9.
  7. Nauck M, Frid A, Hermansen K, et al; LEAD-2 Study Group. Efficacy and safety comparison of liraglutide, glimepiride, and placebo, all in combination with metformin, in type 2 diabetes: the LEAD (liraglutide effect and action in diabetes)-2 study. Diabetes Care 2009; 32:84-90.
  8. Chevalier P. Etudes pour rire mais pour prescrire. [Editorial] MinervaF 2009;8(1):1.
  9. Chevalier P. Double aveugle et protocole ouvert : résultats différents ? MinervaF 2012;11(2):25.
  10. Chevalier P. Analyse en intention de traiter modifiée. MinervaF 2011;10(2):25.
  11. Chevalier P. Etude de non infériorité : intérêt, limites et pièges. MinervaF 2009;8(7):100.
  12. Chevalier P. Diabète mal équilibré sous metformine + sulfonylurée : qu’y ajouter ? Minerva online 28/09/2011.
  13. Ruige J. Exénatide en ajout à un antidiabétique oral ? MinervaF 2008;7(3):38-9.
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