Revue d'Evidence-Based Medicine



Quel type d’exercice physique pour l’arthrose du genou?



Minerva 2015 Volume 14 Numéro 2 Page 20 - 21

Professions de santé


Analyse de
Juhl C, Christensen R, Roos EM, et al. Impact of exercise type and dose on pain and disability in knee osteoarthritis: a systematic review and meta-regression analysis of randomized controlled trials. Arthritis Rheumatol 2014;66:622-36.


Question clinique
Quel type de programme d’exercices s’avère le plus efficace pour soulager la douleur et améliorer les capacités fonctionnelles physiques chez les patients souffrant d’arthrose du genou ?


Conclusion
Cette synthèse méthodique avec méta-analyses d’études hétérogènes nous permet de confirmer que différents types de gymnastique médicale, versus groupe témoin sans exercice, soulagent la douleur et améliorent les capacités fonctionnelles de manière statistiquement significative de l’arthrose du genou. La méta-régression semble indiquer qu’il vaut mieux se concentrer sur un seul type d’exercices, mais, pour le moment, il n’existe pas de preuve de la supériorité d’un programme d’exercices déterminé.


Que disent les guides de pratique clinique ?
L’association royale néerlandaise des kinésithérapeutes (Koninklijk Nederlands Genootschap voor Fysiotherapie, KNGF) recommande la gymnastique médicale pour soulager la douleur et améliorer les capacités fonctionnelles physiques de l’arthrose du genou. Le guide de bonne pratique de Duodecim publié par EBMPracticeNet recommande l’activité physique et fait référence aux activités de type aérobie et à la kinésithérapie pour la force et la souplesse. Cependant, ce guide de bonne pratique n’indique pas s’il convient ou non de combiner ces exercices. Dans la même ligne, l’association néerlandaise des médecins de famille (NHG) conseille un mode de vie actif comportant au moins une demi-heure par jour de mouvement intensif, au besoin avec l’accompagnement d’un kinésithérapeute. La présente méta-analyse réaffirme que la gymnastique médicale est indiquée en cas d’arthrose du genou. La méta-régression ne nous autorise toutefois pas encore à déterminer quelle forme et quelle fréquence de gymnastique médicale sont les plus efficaces.


Quel type d’exercice physique pour l’arthrose du genou?

Contexte

Plusieurs synthèses méthodiques et méta-analyses d’études hétérogènes montrent que, chez les patients atteints d’arthrose du genou, certains exercices thérapeutiques réduisent la douleur et améliorent les capacités fonctionnelles physiques par comparaison avec un groupe témoin sans gymnastique médicale (1-3). Cependant, malgré un nombre important d’études, on ignore encore quel type de programme d’exercices est le plus efficace en termes d’amélioration des capacités fonctionnelles et de soulagement de la douleur (4).

 

Résumé

 

Méthodologie

Synthèse méthodique avec méta-analyses avec analyse de méta-régression

Sources consultées

  • MEDLINE, EMBASE, CINAHL, PEDro, le registre central Cochrane des essais contrôlés (Cochrane Central Register of Controlled Clinical Trials, CENTRAL), jusqu’en mai 2012
  • recherche manuelle dans les listes de références des articles trouvés.

Études sélectionnées

  • 48 RCTs au total, comparaison de 59 groupes appliquant une intervention consistant en un programme d’exercices à des groupes témoins sans programme d’exercices.

Population étudiée

  • plus de 4 000 adultes âgés en moyenne de 64,3 ans ( écarts de 52,2 à 73,8 ans), atteints d’arthrose du genou unilatérale ou bilatérale selon les critères de l’ACR (5) ; moyenne de 75% de femmes (écarts de 26 à 100%) ; BMI moyen de 29,1 (écarts de 24,0 à 34,8) ; le score de la douleur au début de l’étude était en moyenne de 46,3 (écarts de 23,7 à 75,2) sur une échelle EVA de 0 à 100 (N = 45 études).

Mesure des résultats

  • différence moyenne standardisée (DMS) entre le groupe exercices et le groupe témoin quant au changement de la douleur et des capacités fonctionnelles par rapport aux valeurs de début d’étude
  • modèle d’effets aléatoires
  • méta-régression tenant compte des différentes caractéristiques des exercices : type et intensité des exercices, durée du programme d’exercices, durée des différentes séances, nombre de séances par semaine.

Résultats

  • versus groupe témoin, un programme d’exercices réduit la douleur (DMS = 0,50 (avec IC à 95% de 0,39 à 0,62) ;  = 62%) et améliore les capacités fonctionnelles (DMS = 0,49 (avec IC à 95% de 0,35 à 0,63) ; I² = 68,8%)
  • pas de différence entre les exercices de type aérobie, les exercices contre résistance et les exercices de proprioception quant à l’effet
  • effet significativement plus important avec les programmes axés sur un seul type d’exercices qu’avec ceux qui combinent 2 ou plusieurs types d’exercices (DMS = 0,45 (avec IC à 95% de 0,20 à 0,69) pour la douleur, et DMS = 0,36 (avec IC à 95% de 0,13 à 0,58) pour les capacités fonctionnelles)
  • programmes axés sur un seul type d’exercices comportant au moins 3 séances par semaine versus 2 séances maximum par semaine : effet significativement plus important sur la diminution de la douleur et sur l’amélioration des capacités fonctionnelles
  • exercices de type aérobie : diminution de la douleur significativement plus importante lorsque le nombre de séances d’exercices augmente
  • exercices contre résistance : diminution de la douleur et amélioration des capacités fonctionnelles significativement plus importantes lorsque le programme est axé sur le muscle quadriceps plutôt que sur la jambe dans son ensemble
  • gravité de l’arthrose du genou : pas d’influence significative concernant l’effet du traitement sur la douleur et sur les capacités fonctionnelles.

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent qu’un programme optimal d’exercices pour l’arthrose du genou ne doit se fixer qu’un seul objectif d’amélioration : soit la capacité aérobie, soit la force du muscle quadriceps, soit la proprioception des membres inférieurs. Les meilleurs résultats sont obtenus avec un programme de 3 séances par semaine sous supervision. L’effet clinique est indépendant des différentes caractéristiques du patient, comme la gravité à la radiographie ou la douleur au début de l’étude.

Financement 

Health Insurance Foundation, Danish Physiotherapy Association, the Oak Foundation.

Conflits d’intérêt 

non mentionnés.

 

Discussion

 

Considérations sur la méthodologie

Cette synthèse méthodique avec méta-analyses a été correctement conçue et menée. Les auteurs de la revue ont effectué une recherche étendue dans plusieurs bases de données et ont examiné les listes de références des articles pertinents. Ils n’ont cependant pas évalué le risque de biais de publication. La sélection des études incluses a été effectuée par deux auteurs de la revue de manière indépendante sur la base des critères préalablement définis. La qualité méthodologique des études a été évaluée par les investigateurs comme étant globalement moyenne à médiocre. Ainsi, la randomisation a été correctement effectuée, et le secret de l’attribution a été correctement préservé dans respectivement 62,5% et 64,6% des études. Les mesures prises pour traiter les données incomplètes et pour éviter un compte rendu sélectif étaient adéquates dans respectivement 27,1% et 20,21% des études. Le protocole avait été préalablement publié pour 2 études seulement. Étant donné la nature de l’intervention, il n’a pas été possible de maintenir l’insu pour les patients et pour les thérapeutes. La douleur et les capacités fonctionnelles ont été rapportées par les patients eux-mêmes, et on ne peut exclure l’influence de la connaissance de la nature de la prise en charge sur l’évaluation de l’effet. Les informations sur le rôle éventuel des promoteurs n’étaient pas disponibles dans les études. Une analyse de sensibilité a montré que les études où le risque de biais était élevé n’influençaient pas l’ampleur de l’effet de la gymnastique médicale.

Une grande hétérogénéité statistique a été constatée lorsque les résultats de tous les programmes d’exercices ont été cumulés. Une méta-analyse stratifiée en fonction du type de programme d’exercices n’a pas complètement résolu le problème de l’hétérogénéité statistique. Un tableau récapitulatif des études incluses nous permet d’établir que l’hétérogénéité clinique était très importante, tant pour les groupes interventions que pour les groupes témoins. Ainsi, les programmes d’exercices ont, par exemple, été effectués tant au sol que dans l’eau, tandis que, dans les groupes témoins étaient appliqués des soins médicaux de référence, des exercices à domicile, des exercices de souplesse, voire une éducation.

 

Mise en perspective des résultats

Minerva a déjà discuté d’une méta-analyse en réseau publiée en 2013 sur la gymnastique médicale pour l’arthrose des membres inférieurs (3,4). En raison de l’hétérogénéité importante entre les études et du manque d’études comparant différents programmes d’exercices, il ne nous avait pas été possible de tirer de conclusion définitive sur la question de savoir quelle est la forme de gymnastique médicale ayant le plus d’effets en termes de soulagement de la douleur et d’amélioration des capacités fonctionnelles. Les auteurs de la présente étude confirment l’effet de la gymnastique médicale dans l’arthrose du genou. Après transposition des DMS en EVA de 0 à 100 mm (6), la gymnastique médicale a apporté une diminution de la douleur de 8,5 mm (avec IC à 95% de 6,5 à 10,5) et une amélioration des capacités fonctionnelles de 8,3 mm (avec IC à 95% de 5,9 à 10,7). Il n’est cependant pas clair de savoir dans quelle mesure ces chiffres sont cliniquement importants pour les patients. Comment ce gain se traduit-il par exemple en termes d’utilisation des médicaments antidouleur, en termes de qualité de vie… ? Cette étude ne permet pas non plus de se prononcer sur la question de savoir si les effets sont durables.

Uthman et al. (3) concluaient que, dans la prise en charge de l’arthrose des membres inférieurs, les programmes d’exercices les plus efficaces étaient vraisemblablement ceux qui combinaient des exercices de force, des exercices de souplesse et des exercices de type aérobie. En contradiction avec ces conclusions, nous préconiserions sur la base de la méta-régression dans la méta-analyse examinée ici de se concentrer de préférence sur un seul type d’exercices. Néanmoins, nous devons plutôt considérer les résultats de l’analyse de méta-régression comme étant hypothétiques. Ce résultat incohérent montre l’importance de conduire de nouvelles études cliniques randomisées comparant directement les types de programmes d’exercices dans l’arthrose du genou pour pouvoir, dans l’avenir, définir quel est le meilleur type d’exercices ainsi que leur intensité optimale.

 

Conclusion de Minerva

Cette synthèse méthodique avec méta-analyses d’études hétérogènes nous permet de confirmer que différents types de gymnastique médicale, versus groupe témoin sans exercice, soulagent la douleur et améliorent les capacités fonctionnelles de manière statistiquement significative de l’arthrose du genou. La méta-régression semble indiquer qu’il vaut mieux se concentrer sur un seul type d’exercices, mais, pour le moment, il n’existe pas de preuve de la supériorité d’un programme d’exercices déterminé.

 

Pour la pratique

L’association royale néerlandaise des kinésithérapeutes (Koninklijk Nederlands Genootschap voor Fysiotherapie, KNGF) recommande la gymnastique médicale pour soulager la douleur et améliorer les capacités fonctionnelles physiques (7) de l’arthrose du genou. Le guide de bonne pratique de Duodecim publié par EBMPracticeNet recommande l’activité physique et fait référence aux activités de type aérobie et à la kinésithérapie pour la force et la souplesse. Cependant, ce guide de bonne pratique n’indique pas s’il convient ou non de combiner ces exercices (8). Dans la même ligne, l’association néerlandaise des médecins de famille (NHG) conseille un mode de vie actif comportant au moins une demi-heure par jour de mouvement intensif, au besoin avec l’accompagnement d’un kinésithérapeute (9). La présente méta-analyse réaffirme que la gymnastique médicale est indiquée en cas d’arthrose du genou. La méta-régression ne nous autorise toutefois pas encore à déterminer quelle forme et quelle fréquence de gymnastique médicale sont les plus efficaces.

 

 

Références

  1. Fransen M, McConnell S. Exercise for osteoarthritis of the knee. Cochrane Database Syst Rev 2008, Issue 10.
  2. Bartels EM, Lund H, Hagen KB, et al. Aquatic exercise for the treatment of knee and hip osteoarthritis. Cochrane Database Syst Rev 2007, Issue 8.
  3. Uthman OA, van der Windt DA, Jordan JL, et al. Exercise for lower limb osteoarthritis: systematic review incorporating trial sequential analysis and network meta-analysis. BMJ 2013 20;347:f5555.
  4. Van de Velde S. Programmes d’exercices pour l’arthrose des membres inférieurs. MinervaF 2014;13(4):43-4.
  5. Altman R, Asch E, Bloch D, et al. Development of criteria for the classification and reporting of osteoarthritis: classification of osteoarthritis of the knee. Diagnostic and Therapeutic Criteria Committee of the American Rheumatism Association. Arthritis Rheum 1986;29:1039-49.
  6. Poelman T. Comment interpréter une différence moyenne standardisée (DMS) ? MinervaF 2014;13(4):51.
  7. Koninklijk Nederlands Genootschap voor Fysiotherapie. KNGF-richtlijn Artrose heup-knie. KNGF 2010.
  8. L'arthrose. Duodecim Medical Publications Ltd. Dernier mis à jour: 23.03.2011. URL: https://www.ebmpracticenet.be/fr/pages/default.aspx?ebmid=ebm00396
  9. Belo JN, Bierma-Zeinstra SM, Raaijmakers AJ. NHG-Standaard Niet-traumatische knieproblemen bij volwassenen (Eerste herziening). Huisarts Wet 2008:51:229-40.

 

 

 




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