Revue d'Evidence-Based Medicine



Approches thérapeutiques non pharmacologiques dans la démence d’Alzheimer et troubles associés



Minerva 2013 Volume 12 Numéro 3 Page 34 - 35

Professions de santé


Analyse de
Olazarán J, Reisberg B, Clare L, et al. Nonpharmacological therapies in Alzheimer's disease: a systematic review of efficacy. Dement Geriatr Cogn Disord 2010;30:161-78.


Question clinique
Quelles sont les meilleures approches thérapeutiques non pharmacologiques des patients souffrant de démence d’Alzheimer et troubles associés, pour la personne atteinte comme pour ses soignants ?


Conclusion
Cette synthèse méthodique de la littérature, de qualité méthodologique moyenne, relative à la prise en charge non médicamenteuse de la démence d’Alzheimer et troubles associés, ne permet aucune conclusion pratique pour les cliniciens.


 

 

Texte sous la responsabilité de la rédaction francophone


 

Contexte clinique 

La maladie d’Alzheimer touche des millions de personnes dans le monde, affectant leurs mémoire, comportement et capacités fonctionnelles. Une approche globale, tant environnementale que sociale et thérapeutique, est une opportunité de respecter l’être humain souffrant de cette pathologie. Les résultats de l’ensemble des études à propos des médicaments contre la maladie d’Alzheimer ne sont pas convaincants (1,2). Une synthèse méthodique des approches thérapeutiques non pharmacologiques évaluant leur efficacité est donc d’autant plus pertinente.

 

Résumé

 

Méthodologie 

Synthèse méthodique avec méta-analyses

 

Sources consultées 

  • banque de données électroniques des ressources disponibles auprès des membres du Non Pharmacological Treatment project.
  • MEDLINE, PsycINFO, CINAHL, EMBASE, Lilacs et Cochrane Dementia and Cognitive Improvement Group Specialized Register (recherche au 15 septembre 2008).

 

Etudes sélectionnées

  • 179 RCTs évaluant une approche thérapeutique non pharmacologique reproductible menée avec le patient ou le soignant versus contrôle.
  • scorées selon The Oxford guideline grading of practice recommendations
  • 3 types d’interventions sont définis : centrées sur le patient (subdivisées en 18 sous-catégories), sur le soignant (subdivisée en 5 catégories) ou autres interventions (subdivisée en 3 catégories).
  • comparateur : soins habituels ou aucune prise en charge spécifique
  • études exclues : non RCTs
  • 97% des études incluses sont en anglais.

 

Population étudiée 

  • patients bouffant de démence de type Alzheimer et troubles associés
  • patients exclus : patients souffrant de démence vasculaire et autre démence non dégénérative avec cause clairement identifiée.

 

Mesure des résultats 

  • critères de jugement primaires :
    • pour les patients : fonctionnement cognitif : Global Deterioration Scale ; qualité de vie (y compris activités de la vie quotidienne et lourdeur des soins) : ADL ; comportement ; état de l’humeur; échelles combinant la cognition ; fonctionnement physique ; qualité de vie (QoL), mortalité
    • pour les soignants (professionnels ou non) : état de l’humeur ; bien-être psychologique (PWB) ; qualité de vie (QoL).
    • rapport coût-efficacité : institutionnalisation ; contraintes ; coûts
  • méta-analyse si possible avec analyse des résultats sommés en modèle d’effets fixes.

 

Résultats

Les résultats sont donnés, pour les différentes interventions, selon le bénéficiaire de l’intervention, le critère d’évaluation et le type d’intervention

  • amélioration pour les patients :
    • recommandation de niveau B : amélioration des capacités cognitives (exercices mnémotechniques et stimulation cognitive, interventions multifactorielles) ; activités de la vie quotidienne (activités, interventions multifactorielles « patient »), comportement (stimulation cognitive, interventions multifactorielles « patient », comportementales, formation du personnel soignant), humeur (interventions multifactorielles « patient »), qualité de vie (interventions multifactorielles « patient » et « soignant »), prévention des contentions (formation des soignants professionnels).
  • amélioration pour les soignants :
    • recommandation de niveau A : délai d’institutionnalisation (interventions multifactorielles pour les soignants) (RR 0,67 ; IC à 95% de 0,49 à 0,92)
    • recommandation de niveau B : humeur (éducation du soignant, support du soignant et intervention multifactorielle « soignant ») ; bien-être psychologique et qualité de vie (via des interventions multifactorielles « soignant » et de la stimulation cognitive).

Conclusion des auteurs

Les approches thérapeutiques non médicamenteuses de la démence semblent être utiles, polyvalentes et d’un bon rapport coût efficacité potentiel pour améliorer la qualité de vie aussi bien des patients que des soignants.

Financement 

Maria Wolff Fundation

Conflits d’intérêt 

Trois des auteurs ont reçu des dédommagements partiels de la Fondation précitée.

 

Discussion

Considérations sur la méthodologie

La recherche systématique de la littérature a été réalisée dans de nombreuses bases de données mais par 2 auteurs et non de façon indépendante comme il est recommandé actuellement. Les 5 critères d’inclusion utilisés pour la sélection des études sont correctement décrits. La qualité du travail de sélection des études incluses a été évaluée par un groupe d’experts externes. La définition de la démence est cliniquement claire. Les outils pour déterminer la sévérité de la démence en début d’étude et son évolution en cours d’étude ne sont pas décrits ; une hétérogénéité clinique ne peut donc être exclue. Nous ignorons aussi si les évolutions sont évaluées par le patient ou par un soignant. Les instruments d’évaluation des capacités fonctionnelles et de la qualité de vie ne sont pas décrits, ce qui ne permet pas de déterminer si les instruments utilisés le sont facilement en première ligne de soins et si les résultats sont extrapolables. Une RCT est classée ‘positive’ uniquement sur la foi d’un p<0.05 pour au moins un domaine. Les analyses post-hoc permettant des comparaisons entre des petits groupes sans ajustement multiples sont acceptées. La durée des études n’est pas mentionnée. Aucune comorbidité n’est décrite. Le type d’analyse (ITT ou non) n’est pas décrit. Le nombre de patients inclus dans les études n’est pas mentionné : nous apprenons uniquement qu’une étude inclut 8 patients tandis qu’à l’autre extrême une autre en inclut 7 949.

 

Interprétation des résultats

Les résultats de cette méta-analyse sont faciles à comprendre : la prise en charge non médicamenteuse de la démence d’Alzheimer et des troubles associés est une alternative crédible. Pour autant, pour le clinicien, cette publication n’apporte pas d’outils précis pour la pratique. Les descriptions précises des interventions, la durée par contact, la fréquence, la durée totale d’intervention ne sont pas mentionnés assez précisément. « Une intervention multifactorielle » est un concept beaucoup trop vague que pour pouvoir aider de façon pragmatique les soignants.

Cette méta-analyse, comme d’autres, montre toute la difficulté de pouvoir donner des résultats probants, cliniquement pertinents, à partir d’une question (trop) large, dont les critères d’évaluation sont multiples et les résultats ne permettent que très rarement une sommation correcte. Cette difficulté est encore majorée par le fait que le nombre de RCTs de haute qualité est très peu élevé (uniquement 3 sur les 179 prises en compte) et publiées entre 1999 et 2008. De bonnes RCTs, bien construites, dont les critères de jugements primaires sont cliniquement pertinents sont dès lors souvent plus instructives.

Il existe une discordance entre les conclusions des auteurs et leur analyse des résultats : l’affirmation que les prises en charge non médicamenteuses sont d’un bon rapport coût-efficacité ne repose que sur des études de faible qualité et les résultats sont au mieux limités et le plus souvent non concluants.

En conclusion, ces résultats s’adressent plus à des décideurs en politique de soins de santé qu’à des soignants. Il appartiendrait à ces derniers, si une décision d’orientation thérapeutique devait être prise, de documenter précisément les prises en charge efficaces.

 

Autres études

Sur base de 22 synthèses méthodiques de la littérature et de 30 RCTs, le rapport du KCE (3) publié très peu de temps après la synthèse méthodique d’Olazarán, de bonne qualité méthodologique, note que seules 4 interventions non pharmacologiques sont de niveau de preuve élevé (Niveau 1B) : 1/ Interventions de type psychosocial/psychoéducation : impact sur les soignants informels et sur l’institutionnalisation, 2/ Formation du personnel soignant en institution, 3/ Programmes d’activité physique et 4/ Stimulation/entraînement cognitif du patient. La majorité des études incluses dans ce rapport du KCE se déroulaient néanmoins en institution. De plus, les données relatives à ces interventions sont tout au plus de qualité modérée ; elles sont le plus souvent de qualité faible, voire insuffisante. Les conclusions sont donc similaires à celles de la synthèse ici analysée.

 

Conclusion de Minerva

Cette synthèse méthodique de la littérature, de qualité méthodologique moyenne, relative à la prise en charge non médicamenteuse de la démence d’Alzheimer et troubles associés, ne permet aucune conclusion pratique pour les cliniciens.

 

Pour la pratique 

Il n’existe pas actuellement de guide de pratique clair et détaillé concernant la prise en charge non médicamenteuse de la démence d’Alzheimer et troubles associés. Cette méta-analyse n’apporte pas d’outil utile pour la pratique du médecin généraliste. Nous reprendrons cependant ici la conclusion de la préface du rapport du KCE susmentionné : « L’éventail des traitements proposés est très large, à l’opposé des budgets disponibles. Il est donc primordial d’investir dans les initiatives les plus prometteuses afin de faciliter la vie des personnes démentes et de leur entourage dans ces circonstances souvent difficiles » (3). Les cliniciens resteront attentifs au développement d’alternatives à une prise en charge médicamenteuse, elle-même peu convaincante (4).

 

 

Références

  1. Raina P, Santaguida P, Ismaila A, et al. Effectiveness of cholinesterase inhibitors and memantine for treating dementia: evidence review for a clinical practice guideline. Ann Intern Med 2008;148:379-97.
  2. Michiels B. Traitement médicamenteux de la démence. MinervaF 2008;7(10);146-7.
  3. Kroes M, Garcia-Stewart S, Allen F, Eyssen M, Paulus D. Démence: quelles interventions non pharmacologiques? Good Clinical Practice (GCP). Bruxelles: Centre fédéral d’expertise des soins de santé (KCE). 2011. KCE Reports 160B. D/2011/10.273/36.
  4. Chevalier P. Maladie d’Alzheimer : donépézil + mémantine ? Minerva online 28/09/2012.
Approches thérapeutiques non pharmacologiques dans la démence d’Alzheimer et troubles associés



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