Revue d'Evidence-Based Medicine



Traitements invasifs des varices des jambes : une différence quant à la qualité de vie après six mois ?



Minerva 2015 Volume 14 Numéro 4 Page 48 - 49

Professions de santé


Analyse de
Brittenden J, Cotton SC, Elders A, et al. A randomized trial comparing treatments for varicose veins. N Engl J Med 2014;371:1218-27.


Question clinique
Une différence quant à l’effet sur la qualité de vie entre la sclérothérapie à la mousse, l’application de laser et la chirurgie comme traitement invasif des varices primaires symptomatiques des jambes chez l’adulte est-elle observée après 6 mois ?


Conclusion
Cette RCT multicentrique menée en ouvert conclut qu’après six mois aucune différence cliniquement pertinente n’est constatée quant à la qualité de vie spécifique et globale entre l’application de laser, la sclérothérapie à la mousse et la chirurgie pour le traitement des varices des jambes chez les adultes.


Que disent les guides de pratique clinique ?
En cas de symptômes de varices (tels que douleur, fatigue, sensation de lourdeur ou de tension dans les jambes) ou en cas d’insuffisance veineuse chronique, il est recommandé de porter des bas élastiques de classe II ou III (5,6). Si le patient le souhaite, lorsque les bas ne suffisent pas et en cas d’ulcération active ou guérie et/ou de modifications cutanées progressives, il est recommandé de l’adresser à la deuxième ligne. La sclérothérapie combinée à la compressothérapie, la phlébectomie en ambulatoire (après exclusion d’une insuffisance veineuse), le traitement endoveineux au laser, l’ablation par radiofréquences, la sclérothérapie échoguidée à la mousse et le stripping chirurgical et/ou la crossectomie sont des traitements courants en deuxième ligne. La RCT examinée ici ne montre pas de différence cliniquement pertinente quant à la qualité de vie après six mois entre, d’un côté, l’application de laser et la sclérose à la mousse et, de l’autre côté, le stripping chirurgical. Cependant, une différence quant au risque de récidive à long terme entre ces techniques doit encore être évaluée.


Traitements invasifs des varices des jambes : une différence quant à la qualité de vie après six mois ?

Contexte

L’ablation des varices des jambes est possible en pratiquant une technique chirurgicale classique appelée éveinage (stripping). Il existe toutefois de nouvelles méthodes moins invasives, comme la sclérothérapie à la mousse sous guidage échographique ou l’ablation thermique par laser endoveineux. Une grande incertitude règne cependant au sujet de l’efficacité et de la sécurité de ces options thérapeutiques (1).

 

Résumé

Population étudiée

  • 798 adultes âgés d’au moins 18 ans (âge moyen de 49 ans (ET 14 ans)) ; 57% de femmes ; IMC moyen de 27 kg/m² (ET de 4,5 kg/m²) ; varices primaires symptomatiques unilatérales ou bilatérales des jambes, de grade ≥ C2 selon la classification CEAP, et reflux dans la veine saphène externe ou dans la veine saphène interne à l’échographie doppler ; inclus dans 11 centres de chirurgie vasculaire entre novembre 2008 et octobre 2012 au Royaume-Uni
  • critères d’exclusion : TVP (1,4 à 3,1% des participants avaient déjà présenté une TVP), thrombophlébite superficielle, diamètre < 3 mm ou > 15 mm de la varice du tronc de la veine saphène interne ou de la veine saphène externe, varices tortueuses ; contre-indications de la mousse ou de l’anesthésie générale ou régionale.

 

Protocole de l’étude

  • étude randomisée contrôlée (RCT) avec trois groupes d’étude :
    • sclérothérapie à la mousse (n = 292) : émulsion mousseuse injectée par cathéter dans la veine saphène et dans les branches superficielles qui présentent une insuffisance, entraînant une réaction inflammatoire conduisant à leur occlusion
    • application de laser (n = 212) : une petite fibre optique est introduite dans la veine saphène pour y provoquer le dessèchement des parois (éventuellement suivi d’une sclérothérapie à la mousse des varices résiduelles après 6 semaines)
    • intervention chirurgicale classique (n = 294) avec ligature proximale et extirpation de la veine saphène interne et des branches superficielles insuffisantes
  • suivi à 6 semaines et 6 mois après le traitement.

Mesure des résultats

  • critères de jugement primaires : qualité de vie spécifique selon l’appréciation personnelle du patient, après 6 mois, mesurée respectivement au moyen du questionnaire d’Aberdeen (AVVQ) et des questionnaires EQ-5D et SF-36
  • critères de jugement secondaires : après 6 semaines et après 6 mois :
    • succès clinique (proportion de patients ayant des varices résiduelles, selon l’estimation du patient et celle du personnel infirmier)
    • score de gravité clinique veineux (selon une échelle prédéfinie) et complications (selon le jugement du chirurgien ou du personnel infirmier)
    • scores AVVQ, EQ-5D et SF-36 (uniquement après 6 semaines) ; scores EVA de l’EQ-5D et les 8 domaines du SF-36
    • proportion de patients ayant une ablation complète des troncs principaux de la veine saphène à l’échographie doppler
  • analyse en ITT: sclérothérapie à la mousse versus chirurgie et laser versus chirurgie
  • analyse post hoc : application de laser versus sclérothérapie à la mousse.

 

Résultats

  • critères de jugement primaires (qualité de vie spécifique et globale) :
    • après 6 mois, le score AVVQ était meilleur avec la chirurgie qu’avec la sclérothérapie (ampleur de l’effet à -1,74 avec IC à 95% de -2,97 à -0,50 ; p = 0,006) ; pas de différence entre la chirurgie et l’application de laser
    • score EQ-5D et score SF-36 : pas de différence statistiquement significative après 6 mois entre les 3 groupes
  • critères de jugement secondaires :
    • degré de succès clinique semblable dans les différents groupes
    • les complications de l’intervention étaient moins importantes dans le groupe laser (1%) que dans le groupe chirurgie (7%) (p < 0,001) ; pas de différence entre le groupe chirurgie et le groupe sclérothérapie (6%)
    • pas de différence pour les effets indésirables graves (3% dans chaque groupe)
    • après 6 semaines et après 6 mois, significativement plus d’effets indésirables constatés (surtout des hématomes et une coloration de la peau) dans le groupe sclérothérapie que dans le groupe laser et dans le groupe chirurgie.

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent que la qualité de vie ne diffère pas d’un groupe d’étude à l’autre, à l’exception d’une petite diminution de la qualité de vie spécifique dans le groupe sclérothérapie versus le groupe chirurgie. Tous les traitements avaient un effet clinique comparable, mais les effets indésirables étaient cependant moins fréquents après l’application de laser, et le nombre de patients chez qui l’ablation des troncs principaux de la veine saphène était complète était plus faible après sclérothérapie à la mousse.

 

Financement

Programme « Health Technology Assesment » du National Institute for Health Research.

 

Conflits d’intérêt 

9 des 19 auteurs déclarent avoir reçu des indemnités du NIHR au cours de l’étude ; les autres auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d'intérêt.

 

Discussion

 

Considérations sur la méthodologie

La randomisation de cette RCT a été correctement effectuée avec respect de l’insu. La nature de l’intervention ne permettait toutefois pas de mener l’étude en double aveugle. Les questionnaires utilisés pour le critère de jugement primaire devaient être remplis par les patients. Le questionnaire AVVQ a été suffisamment validé pour montrer un changement dans la qualité de vie spécifique ou globale liée à la maladie (2). Le calcul de la taille de l’échantillon s’est appuyé sur une différence de 0,25 ET dans le score AVVQ entre la sclérothérapie à la mousse et la chirurgie et entre l’application de laser et la chirurgie. Cette différence est toutefois un seuil statistique général (3), et on ignore si une différence de 0,5 point se traduit aussi en une différence cliniquement. L’analyse de la différence quant à l’effet entre la sclérothérapie à la mousse et l’application de laser a été réalisée post hoc, et les résultats de cette analyse sont donc seulement hypothétiques. Il est regrettable qu’aucune comparaison avec un véritable groupe témoin n’ait été réalisée, comme un « traitement conservatoire » ou éventuellement une intervention factice. On ignore également pourquoi une comparaison avec l’ablation par radiofréquences n’a pas été proposée. Cette analyse ne tient pas compte d’une éventuelle influence gênante de facteurs de confusion (comme une différence quant aux antécédents de TVP), ni des scores AVVQ, AQ-5D et SF-36 à l’inclusion. Les auteurs ont effectué une analyse en intention de traiter. Le nombre de patients sortis de l’étude après six mois étaient de 6% dans le groupe sclérothérapie, 11% dans le groupe chirurgie et 4% dans le groupe laser. Le nombre de questionnaires insuffisamment remplis après six mois étaient de 17% dans le groupe sclérothérapie, 26% dans le groupe chirurgie et 17% dans le groupe laser.

 

Interprétation des résultats

Outre le fait que les techniques moins invasives se sont avérées aussi efficaces qu’une intervention classique, on est également parti du principe qu’elles étaient meilleures pour la qualité de vie du patient (4). L’étude examinée ici montre qu’après six mois, il n’y a pas de différence quant à la qualité de vie entre, d’un côté, la sclérothérapie à la mousse ou l’application de laser et, de l’autre côté, une opération chirurgicale. L’amélioration en termes de qualité de vie par rapport au début de l’étude était comparable à celle observée dans les études antérieures, et ce pour tous les groupes de traitement (1). Après six mois, il n’y avait que peu de différences entre les groupes quant à la qualité de vie. Avec une augmentation de la qualité de vie moins importante dans le groupe sclérothérapie que dans le groupe chirurgie, de 1,74 point sur une échelle de 0 à 100 – ce qui est statistiquement significatif –, il est difficile d’estimer l’éventuelle pertinence clinique de ce moins bon résultat. En effet, nous ignorons pour quels items les scores étaient moins bons dans le groupe sclérothérapie. Cependant, nous savons qu’après six semaines et après six mois, même s’il n’y avait pas de différence quant à la survenue des effets indésirables graves, le nombre d’effets indésirables mineurs, tels que la présence de grosseurs et une coloration de la peau, était plus important de manière statistiquement significative dans le groupe sclérothérapie que dans le groupe chirurgie et le groupe laser.

Comme critère de jugement secondaire important, on n’a pas constaté de différence entre les trois groupes quant au score de gravité clinique de l’atteinte des veines après six mois, mais il y avait nettement moins d’ablations réussies visibles à l’échographie après la sclérothérapie qu’après la chirurgie. Cette contradiction entre la réussite sur le plan clinique et à l’échographie a également été observée dans d’autres études (1). Actuellement, nous ignorons si le pourcentage plus faible d’ablations réussies dans le groupe sclérothérapie se traduira plus tard par une plus forte probabilité de récidive. Pour le savoir, le suivi doit être assuré sur une longue durée.

 

Conclusion de Minerva

Cette RCT multicentrique menée en ouvert conclut qu’après six mois aucune différence cliniquement pertinente n’est constatée quant à la qualité de vie spécifique et globale entre l’application de laser, la sclérothérapie à la mousse et la chirurgie pour le traitement des varices des jambes chez les adultes.

 

Pour la pratique

En cas de symptômes de varices (tels que douleur, fatigue, sensation de lourdeur ou de tension dans les jambes) ou en cas d’insuffisance veineuse chronique, il est recommandé de porter des bas élastiques de classe II ou III (5,6). Si le patient le souhaite, lorsque les bas ne suffisent pas et en cas d’ulcération active ou guérie et/ou de modifications cutanées progressives, il est recommandé de l’adresser à la deuxième ligne. La sclérothérapie combinée à la compressothérapie, la phlébectomie en ambulatoire (après exclusion d’une insuffisance veineuse), le traitement endoveineux au laser, l’ablation par radiofréquences, la sclérothérapie échoguidée à la mousse et le stripping chirurgical et/ou la crossectomie sont des traitements courants en deuxième ligne (5,6). La RCT examinée ici ne montre pas de différence cliniquement pertinente quant à la qualité de vie après six mois entre, d’un côté, l’application de laser et la sclérose à la mousse et, de l’autre côté, le stripping chirurgical. Cependant, une différence quant au risque de récidive à long terme entre ces techniques doit encore être évaluée.

 

 

Références

  1. Nesbitt C, Bedenis R, Bhattacharya V, Stansby G. Endovenous ablation (radiofrequency and laser) and foam sclerotherapy versus open surgery for great saphenous vein varices. Cochrane Database Syst Rev 2014, Issue 7.
  2. Garratt AM, Macdonald LM, Ruta DA, et al. Towards measurement of outcome for patients with varicose veins. Qual Health Care 1993;2:5-10.
  3. Cohen J. Statistical power analysis for the behavioral sciences. 2nd ed. Hillsdale, NJ: Lawrence Erlbaum Associates,1988.
  4. Allen F, Kroes M, Mitchell S, et al. Diagnostic et traitement des varices des membres inférieurs. Good Clinical Practice (GCP). Bruxelles: Centre fédéral d’expertise des soins de santé (KCE). 2011. KCE Reports 164B. D/2011/10.273/51
  5. Walma EP, Eekhof JAH, Nikkels J, et al. NHG-Standaard Varices (Tweede herziening). Huisarts Wet 2009:52:391-402.
  6. Insuffisance veineuse des membres inférieurs. Duodecim Medical Publications Ltd Dernier mis à jour: 3/03/2010. https://www.ebmpracticenet.be/fr/pages/default.aspx?ebmid=ebm00964

 




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