Revue d'Evidence-Based Medicine



Crise d’asthme chez l’enfant de plus de 2 ans : un anticholinergique utile ?



Minerva 2013 Volume 12 Numéro 1 Page 6 - 7

Professions de santé


Analyse de
Teoh L, Cates CJ, Hurwitz M, et al. Anticholinergic therapy for acute asthma in children. Cochrane Database Syst Rev 2012, Issue 4.


Question clinique
Chez des enfants âgés de plus de 2 ans présentant une crise d’asthme, quelle est l’efficacité d’un anticholinergique inhalé administré seul versus autre traitement ?


Conclusion
Cette méta-analyse sommant les résultats de (très) petites études de qualité méthodologique peu évaluable, confirme une moindre efficacité de l’ipratropium (ou autre anticholinergique) versus bêta2-mimétiques à courte durée d’action (SABA, type salbutamol) et versus association SABA + ipratropium en cas de crise d’asthme chez des enfants âgés de plus de 2 ans.


 

 

Texte sous la responsabilité de la rédaction francophone


 

Contexte

Sur base d’articles de synthèse datant des années 96-97, la RBP belge « Asthme chez l’enfant » (1) recommandait, en l’an 2000, les anticholinergiques à action rapide (ipratropium, oxytropium) en cas de crise d’asthme chez l’enfant dans les circonstances suivantes : crise sévère ne répondant pas aux bêta2-mimétiques, chez les nourrissons avec hypersécrétion des voies respiratoires, chez les enfants tolérant mal les bêta2-mimétiques (irritabilité, tremor). Dans des recommandations plus récentes (2), l’ipratropium est recommandé en association avec un bêta2-mimétique dans les crises modérées à sévères, mais non comme traitement de première intention. Ce guide de pratique souligne l’absence de comparaison entre les 2 types de bronchodilatateurs, d’où l’intérêt de la présente synthèse méthodique.

 

Résumé

 

Méthodologie

Synthèse méthodique et méta-analyse

 

Sources consultées

  • Cochrane Register of Controlled Trials (CENTRAL), Cochrane Airways Group Specialised Register of trials recherchant systématiquement dans MEDLINE, EMBASE, CINAHL, AMED et PsycINFO + recherche manuelle dans les journaux concernant le système respiratoire et dans les résumés de congrès (recherche en avril 2011)
  • listes de référence des publications retenues.

 

Etudes sélectionnées

  • 6 RCTs évaluant l’administration d’un anticholinergique administré seul versus contrôle
  • inclusion de 4 RCTs avec l’ipratropium, 1 RCT avec de l’atropine, 1 RCT avec de l’oxitropium
  • dose d’ipratropium : 2 x 20 mcg (= 2 puffs), solution à nébuliser à 0,025% (250 mcg/ml) avec dose ajustée à l’âge
  • comparateur : un bêta2-mimétique à courte duré d’action seul (SABA : salbutamol, fénotérol, ou metaprotérénol), ou SABA + ipratropium
  • études exclues : études ciblant les adultes, études sans bras anticholinergique inhalé seul.

 

Population étudiée

  • enfants âgés de 2 à 18 ans avec crise d’asthme
  • recrutés en service d’urgence ou non spécifié
  • avec toute sévérité de crise d’asthme, ou uniquement modérément sévère, ou ne devant pas être hospitalisés
  • médicament délivré par nébulisation (4 études) ou inhalateur pressurisé avec chambre d’expansion (2 études).

 

Mesure des résultats

  • critères primaires envisagés : échec thérapeutique et hospitalisations :
    • échec de traitement : définitions différentes selon les études : reconsultation au service d’urgence dans les 12-24 heures, traitement IV nécessaire ou hospitalisation, ou hospitalisation, ou traitement IV nécessaire
    • hospitalisations : critère évalué isolément mais aussi inclus dans les échecs de traitement
  • critères secondaires : critères propres à une ou à certaines des étude(s) : score de sévérité symptomatique (score de TAL), recours à d’autres bronchodilatateurs, modification des tests respiratoires (DEP, VEMs), oxygénation, durée d’hospitalisation, effets indésirables, arrêts de traitement.

 

Résultats

  • échec du traitement (y compris hospitalisation) plus fréquent avec un anticholinergique seul qu’avec un SABA (N=4, n=171) : OR 2,27 (IC à 95% de 1,08 à 4,75) et avec un anticholinergique seul qu’avec un SABA + anticholinergique (N=4, n=173) : OR 2,65 (IC à 95% de 1,2 à 5,88)
  • hospitalisations (N=3 avec ipratropium versus SABA, mais pas d’hospitalisation dans 1 des 3) : pas de différence significative : OR 5,34 avec IC à 95% de 0,24 à 121,0 ; plus d’hospitalisations pour l’atropine (N=1) versus SABA : OR 5,50 avec IC à 95% de 1,11 à 27,16 ; versus SABA + anticholinergique, résultats similaires
  • résultats discordants pour des scores cliniques/symptômes évalués sur différentes échelles
  • tests de fonction respiratoire meilleurs sous association versus anticholinergique seul dans les études considérées individuellement (absence de sommation)
  • pas d’effets indésirables significatifs sous anticholinergique.

 

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent que chez des enfants de plus de 2 ans présentant une exacerbation aiguë d’asthme, les anticholinergiques inhalés seuls sont moins efficaces que les bêta2-mimétiques. Ces anticholinergiques sont aussi moins efficaces que l’association anticholinergique inhalé + bêta2-mimétique. Les anticholinergiques inhalés utilisés seuls ne sont pas appropriés en tant que traitement unique chez des enfants présentant une exacerbation aiguë d’asthme.

 

Financement de l’étude 

Australian Cochrane Airway Scholarship, Australia et National Health and Medical Research Council (NHMRC), Australia, chacun pour un des auteurs.

 

Conflits d’intérêt des auteurs 

Aucun n’est connu.

 

 

Discussion

 

Considérations sur la méthodologie

Les auteurs se sont basés sur une recherche exhaustive dans la littérature réalisée par 2 chercheurs indépendamment l’un de l’autre. Ils ont analysé la qualité méthodologique des études incluses, ciblant seulement principalement 3 critères. Ils estiment que la qualité méthodologique des études originales est difficile à déterminer ; une seule étude score positivement pour tous les critères examinés. Les données rapportées dans 1 des 6 études sont insuffisantes et elles ne sont pas utilisées dans les synthèses/méta-analyses.

Il faut aussi souligner les faibles populations d’études. Parmi celles dont les résultats sont repris dans les méta-analyses, 20 à 48 enfants sont inclus par étude sauf dans une qui concerne 120 enfants. Les auteurs avaient prévu une sommation pour deux critères primaires distincts mais les rapports d’étude n’ont pas permis de les distinguer. Même en cumulant ces résultats, les chiffres ne concernent que 171 patients ce qui est étonnamment peu pour cette pathologie fréquente. Une RCT de bonne qualité méthodologie et incluant un nombre conséquent d’enfants aurait été bien plus instructive que cette synthèse méthodique. Soulignons aussi le manque de description de la sévérité de la crise dans la plupart des études incluses. Pour les deux études qui mentionnent le contexte, les enfants sont en majorité présenté en urgence à l’hôpital. Dans trois études, il est précisé que la crise d’asthme est modérément sévère.

 

Interprétation des résultats

Les résultats de cette méta-analyse sont faciles à résumer : efficacité moindre des anticholinergiques versus SABA et versus SABA + anticholinergique. Une méta-analyse n’est cependant possible que pour un critère d’échec thérapeutique reprenant plusieurs possibilités, allant d’une nouvelle consultation à la nécessité d’une hospitalisation. Pour les autres critères, une sommation des résultats n’est pas possible et les résultats (scores cliniques/symptômes) sont par ailleurs discordants.

L’interprétation est donc limpide, et correspond à la conclusion des auteurs : chez des enfants de plus de 2 ans présentant une crise d’asthme, faible preuve d’un moindre intérêt de l’ipratropium (ou autre anticholinergique) versus autre traitement bronchodilateur (SABA seul ou SABA + anticholinergique à courte durée d’action).

Les auteurs justifient leur choix de s’être limité aux études chez les enfants de plus de 2 ans par le fait qu’avant 2 ans le diagnostic d’asthme ne repose pas sur des critères univoques. Cette synthèse ne concerne donc pas les enfants âgés de moins de 2 ans et ne nous donne pas, pour les enfants âgés de plus de 2 ans, de données comparatives de l’association ipratropium + SABA versus SABA seul.

 

Autres études

Les auteurs ont inclus toutes les RCTs concernant l’évaluation des anticholinergiques utilisés seuls chez l’enfant présentant une crise d’asthme. L’anticholinergique à longue durée d’action tiotropium est actuellement uniquement enregistré pour l’indication BPCO, même s’il a été étudié dans le traitement d’entretien (mais non pour la crise) de l’asthme, uniquement chez l’adulte (3,4). Pour les enfants âgés de moins de 2 ans et présentant des sibilances, une méta-analyse (N=6, n=321) (5) a conclu à une insuffisance de preuves pour un usage non critique des anticholinergiques dans cette situation, malgré un avis favorable des parents de ces enfants pour l’ipratropium versus placebo. L’association ipratropium + SABA est plus efficace qu’un placebo, sans différence statistiquement significative et cliniquement pertinente versus SABA seul et pour les 2 comparaisons sans différence sur la durée d’hospitalisation.

Chez des enfants âgés de plus de 2 ans (comme chez les adolescents et chez les adultes), une autre méta-analyse (6) a montré en 2005 que l’administration fréquente (toutes les 20 à 30 minutes) d’ipratropium avec un SABA pendant les 2 premières heures d’une crise d’asthme sévère s’est montré plus efficace que l’administration d’un SABA seul dans des services d’urgence. Cette méta-analyse incluait 16 RCTs (dont 2 incluses dans la méta-analyse de TEOH) concernant des enfants (n = 1 564).

 

Conclusion de Minerva

Cette méta-analyse sommant les résultats de (très) petites études de qualité méthodologique peu évaluable, confirme une moindre efficacité de l’ipratropium (ou autre anticholinergique) versus bêta2-mimétiques à courte durée d’action (SABA, type salbutamol) et versus association SABA + ipratropium en cas de crise d’asthme chez des enfants âgés de plus de 2 ans.

 

Pour la pratique

En cas de crise d’asthme chez l’enfant, tous les guides de pratique recommandent un bêta2-mimétique à action courte (SABA) en première intention (1,2,7). La présente méta-analyse confirme une plus grande efficacité des SABA versus anticholinergique à courte durée d’action en cas de crise d’asthme chez l’enfant.

Les guides de pratique insistent aussi sur l’intérêt possible de plusieurs administrations d’une association de SABA et d’ipratropium chez l’enfant présentant une crise d’asthme modérée à sévère. Chez les enfants de moins de 2 ans, une méta-analyse ne trouve pas de preuve suffisante de l’intérêt de cette association versus SABA seul, ni de l’intérêt de l’ipratropium seul. En cas d’asthme, chez l’enfant particulièrement, le dispositif d’administration d’un bronchodilatateur doit être individuellement adapté et testé (8).

 

 

Références

  1. Stoffelen H, De Schampheleire L, Van Peer W. Astma bij kinderen. WVVH aanbeveling voor goede medische praktijkvoering. Berchem: WVVH, 2000.
  2. National Heart, Lung, and Blood Institute. Guidelines for the diagnosis and management of asthma (EPR-3). July 2007. Available at: http://www.nhlbi.nih.gov/guidelines/asthma/
  3. Peters SP, Kunselman SJ, Icitovic N, et al; National Heart, Lung, and Blood Institute Asthma Clinical Research Network. Tiotropium bromide step-up therapy for adults with uncontrolled asthma. N Engl J Med 2010;363:1715-26. (TALC-study).
  4. Chevalier P. Tiotropium pour l’asthme aussi ? MinervaF 2010;9(11):126-7.
  5. Everard M, Bara A, Kurian M, et al. Anticholinergic drugs for wheeze in children under the age of two years. Cochrane Database Syst Rev 2005, Issue 3.
  6. Rodrigo GJ, Castro-Rodriguez JA. Anticholinergics in the treatment of children and adults with acute asthma: a systematic review with meta-analysis. Thorax 2005;60:740-6.
  7. From the Global Strategy for the Diagnosis and Management of Asthma in Children 5 Years and Younger, Global Initiative for Asthma (GINA) 2009. Available from: http://www.ginasthma.org/
  8. Pierart F. L'efficacité des inhalateurs dans le traitement de l'asthme. MinervaF 2003;2(1):14-5.
Crise d’asthme chez l’enfant de plus de 2 ans : un anticholinergique utile ?

Auteurs

Chevalier P.
médecin généraliste
COI :

Pierart F.
Pneumologie pédiatrique, CHC Clinique de l’Espérance, Montegnée
COI :

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