Revue d'Evidence-Based Medicine



Sumatriptan oral pour les crises de migraine



Minerva 2013 Volume 12 Numéro 1 Page 2 - 3

Professions de santé


Analyse de
Derry CJ, Derry S, Moore RA. Sumatriptan (oral route of administration) for acute migraine attacks in adults. Cochrane Database Syst Rev 2012, Issue 2.


Question clinique
Chez des adultes, en cas de crise de migraine, quelles sont l’efficacité et la tolérance du sumatriptan oral versus placebo ou autre intervention estimée efficace ?


Conclusion
Cette méta-analyse de bonne qualité, reposant sur de nombreuses études, confirme l’efficacité du sumatriptan versus placebo pour le traitement de la crise de migraine chez l’adulte. Versus autres traitements actifs (y compris les autres triptans), une supériorité n’est pas claire. Le rizatriptan oral 10 mg (non remboursé en Belgique) s’est même montré plus efficace que les différentes doses de sumatriptan oral.


 

 

Texte sous la responsabilité de la rédaction francophone


 

Contexte

Pour diminuer la douleur d’une crise de migraine, un antalgique (paracétamol ou acide acétylsalicylique) est le traitement de première intention, les AINS pouvant être utilisés comme deuxième option, éventuellement en association avec un antiémétique dans les 2 cas. Les triptans par voie orale ou nasale constituent à l’heure actuelle l’étape suivante (1). Quelle est la place du sumatriptan oral dans le choix des triptans oraux disponibles, chez les adultes ?

 

Résumé

Méthodologie

Synthèse méthodique et méta-analyse

Sources consultées

  • Cochrane Register of Controlled Trials (CENTRAL), MEDLINE, EMBASE, Oxford Pain Relief Database, bases de données d’études cliniques sur le web (jusqu’au 13 octobre 2011)
  • listes de référence des études.

Etudes sélectionnées

  • RCTs en double aveugle, sumatriptan oral versus placebo (N = 24) et/ou contrôle actif (N = 13 actif seul, 24 actif et placebo) lors d’un épisode de céphalée migraineuse, avec au moins 10 participants par bras
  • exclusion des études pour le sumatriptan en prophylaxie
  • 61 RCTs incluses.

Population étudiée

  • 37 250 participants ≥18 ans (moyennes d’âge de 33 à 43 ans), 70 à 100% de femmes, souffrant de migraine (critères de l’International Headache Society ou équivalents) ; pas de restriction sur le type de migraine ni sur le traitement prophylactique
  • patients exclus dans les études : e.a. grossesse, allaitement, pathologie cardiovasculaire ou cérébrovasculaire, HTA non contrôlée, épilepsie, trouble hépatique, syndrome de Raynaud, migraine ophtalmique, basilaire ou hémiplégique
  • en majorité, doses de 50 et 100 mg utilisées
  • comparaisons directes possibles (pour certains critères) avec : rizatriptan 5 et 10 mg, aspirine effervescente 1 g, zolmitriptan 2,5 et 5 mg, élétriptan 40 et 80 mg, almotriptan 12,5 mg et paracétamol 1 g + métoclopramide 10 mg, aspirine 900 mg + métoclopramide 10 mg.

Mesure des résultats.

  • critères primaires : disparition de la douleur à 2 h, réduction de la douleur à 1 et 2 h, maintien de la disparition de la douleur à 24 h, maintien de la diminution de la douleur à 24 h ; douleur mesurée par le patient ; résultats exprimés en risque relatif et en NNT = 1/RAR *100.">Nombre de Sujets à Traiter
  • critères secondaires : médicaments complémentaires, effets indésirables, arrêts de traitement pour ce motif, symptômes associés, incapacité d’activité.

Résultats

  • sumatriptan vs placebo
    • sumatriptan 50 mg vs placebo : NST de 6,1 (5,5 à 6,9) pour la disparition de la douleur à 2 h ; de 7,5 et de 4,0 pour le soulagement de la douleur à 1 h et à 2 h ; NST de 9,5 (7,7 à 12) pour disparition de la douleur maintenue pdt 24 h post-dose et de 6,0 (5,0 à 7,6) pour le soulagement de la douleur maintenu pendant 24 h post-dose
    • sumatriptan 100 mg vs placebo : NST de 4,7 (4,3 à 5,1) pour la disparition de la douleur à 2 h ; de 6,8 et de 3,5 pour le soulagement de la douleur à 1 h et à 2 h ; NST de 6,5 (5,6 à 7,8) pour disparition de la douleur maintenue pendant 24 h post-dose et de 5,2 (4,6 à 6,0) pour le soulagement de la douleur maintenu pendant 24 h post-dose
    • comparaison entre doses : 25 mg d’efficacité similaire à 50 mg ; dose de 100 mg supérieure à celle de 50 mg pour certains critères à 2 et 24 h
    • un traitement à la phase de douleur légère est plus efficace (disparition de la douleur à 2 h et maintenue à 24 h) que de traiter des crises d’intensité modérée ou sévère
    • moins de symptômes associés, y compris nausées, photophobie et phonophobie, moindre recours à d’autres traitements, avec réponse liée à la dose (25 mg à 100 mg)
    • effets indésirables, généralement transitoires et légers, plus fréquents sous sumatriptan et avec relation dose-réponse
  • sumatriptan vs comparateur actif :
    • rizatriptan 10 mg supérieur au sumatriptan 25, 50 et 100 mg
    • sumatriptan 50 mg vs aspirine effervescente 1 g : résultats non concordants selon les critères
    • sumatriptan vs zolmitriptan 2,5 et 5 mg et almotriptan 12,5 mg : pas de différence
    • sumatriptan 50 et 100 mg vs élétriptan 40 et 80 mg : résultats non concordants selon les critères
    • sumatriptan 100 mg vs paracétamol (ou aspirine) + métoclopramide : résultats non concordants selon les critères.

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent que le sumatriptan oral est efficace comme traitement d’arrêt d’une crise de migraine, de diminution de la douleur, des nausées, photophobie et phonophobie et de l’incapacité d’activités, tout en provoquant plus d’effets indésirables.

Financement

Oxford Pain Relief Trust (UK), Cochrane Review Incentive Scheme 2010 (UK), Lifting The Burden: the Global Campaign against Headache (UK).

Conflits d’intérêt 

2 des 3 auteurs déclarent avoir reçu des fonds de recherche d’organisations charitables, gouvernementales ou de l’industrie pharmaceutique. Un de ces auteurs a été consultant pour différentes firmes dont GSK qui commercialise le sumatriptan. Le 3ème déclare ne pas avoir de conflit d’intérêt.

 

Discussion

Considérations sur la méthodologie

Cette synthèse métodique de RCTs est de bonne qualité méthodologique. La recherche dans la littérature est étendue, systématique, sans restriction de langue. Deux auteurs ont, indépendamment l’un de l’autre, évalué la qualité méthodologique des études originales selon le score de Jadad et extrait les données. Le risque de biais pour la séquence et le secret d’attribution, l’insu et l’ampleur d’étude ont été évalués. Cette évaluation de la qualité méthodologique des études semble cependant beaucoup plus faible que le niveau généralement retrouvé dans les synthèses méthodiques récentes de la Cochrane Collaboration. Les auteurs signalent dans leur discussion que le moment de récolte des données dans les études n’est fréquemment pas explicité et qu’il pourrait se situer après la prise d’autres médicaments ou d’une deuxième dose du médicament évalué ; le lien efficacité dose évaluée pourrait donc être remis en question. L’hétérogénéité de l’effet des résultats est évaluée selon une méthode visuelle (l'Abbé plot). Pour les comparaisons sumatriptan versus comparateur actif, les auteurs signalent une absence de correction pour comparaisons multiples et que « les résultats significatifs ne survivraient probablement pas à une correction pour comparaisons multiples ».

Mise en perspective des résultats

Sur base de la méta-analyse de Ferrari de 2001 (2), nous avons conclu en 2002 dans Minerva (3) à l’intérêt d’un triptan en 3ème intention, après échec de l’aspirine (1ère intention) et d’un AINS (2ème intention). En cas d’indication d’un triptan, sur base de cette méta-analyse, le sumatriptan 50 mg ou 100 mg pouvait être recommandé comme premier choix.

En 2003 était publiée une synthèse méthodique de la Cochrane Collaboration (4) concernant le sumatriptan oral dans la crise de migraine. Les auteurs aboutissaient à des conclusions semblables à celles de la présente analyse, avec cependant une surestimation de l’efficacité du sumatriptan 50 mg sur le critère absence de douleur à 32 h et une sous-estimation des effets indésirables du sumatriptan 100 mg versus placebo par rapport aux données actuelles.

Nous avons précédemment analysé dans Minerva (5) une méta-analyse sur données individuelles (6) montrant une efficacité similaire de l’administration d’1 g d’aspirine effervescente versus 50 mg de sumatriptan oral, mais les limites de cette étude en rendaient les conclusions incertaines.

Dans la synthèse méthodique de la Cochrane Collaboration concernant l’aspirine avec ou sans métoclopramide (7) que nous avons analysée (8), le sumatriptan 100 mg (mais pas le 50 mg) était plus efficace que l’aspirine sur l’absence de douleur à 2 h, mais il n’y avait pas de différence significative pour le soulagement des céphalées à 2 heures pour le sumatriptan 50 ou 100 mg versus aspirine.

Sur base d’une méta-analyse de Ferrari en 2002 (9), le guide de pratique de SIGN (10) recommande (avec un niveau de preuve maximal) l’almotriptan 12,5 mg, l’élétriptan 40-80 mg ou le rizatriptan 10 mg comme les triptans oraux à préférer.

La présente méta-analyse de la Cochrane ne concerne que le sumatriptan oral. Elle montre clairement sa supériorité versus placebo, avec des effets indésirables non sévères, qui s’amenuisent au fil des administrations pour différentes crises. Versus autres triptans, seul le rizatriptan 10 mg semble supérieur à différentes doses de sumatriptan pour tous les critères rapportés, y compris la disparition de la douleur à 2 heures, la diminution de la douleur à 1 heure et à 2 heures. Il faut cependant souligner que, selon les études (et donc les comparaisons de médicaments et de doses), les critères de jugement peuvent être différents, ce qui ne permet pas une comparaison totale, complète, entre les différents traitements.

 

Conclusion de Minerva

Cette méta-analyse de bonne qualité, reposant sur de nombreuses études, confirme l’efficacité du sumatriptan versus placebo pour le traitement de la crise de migraine chez l’adulte. Versus autres traitements actifs (y compris les autres triptans), une supériorité n’est pas claire. Le rizatriptan oral 10 mg (non remboursé en Belgique) s’est même montré plus efficace que les différentes doses de sumatriptan oral.

 

Pour la pratique

La RBP belge concernant la migraine (11) recommande comme traitement de premier choix d’une crise de migraine un analgésique simple (AINS) (GRADE 1A). En cas de nécessité, y ajouter un antiémétique.

En cas de résultat insuffisant, passer à un traitement spécifique avec un triptan (GRADE 1A). Une mise à jour de cette RBP en mai 2012 (12) précise que le traitement de premier choix peut être choisi en fonction de la sévérité de la crise : en cas de crise sévère invalidante, les triptans sont recommandés.

Cette méta-analyse confirme l’efficacité du sumatriptan oral dans cette indication. Seul le rizatriptan oral pourrait être plus efficace. Il n’est pas remboursé en Belgique.

 

Références

  1. Fiche de transparence. Antimigraineux. Centre Belge d'Information Pharmacothérapeutique, mai 2012.
  2. Ferrari MD, Roon KI, Lipton RB, Goadsby PJ. Oral triptans (serotonin 5-HT agonists) in acute migraine treatment : a meta-analysis of 53 trials. Lancet 2001;358:1668-75.
  3. Heyrman J. Les triptans dans le traitement de la migraine. MinervaF 2002;1(9):21-4.
  4. McCrory DC, Gray RN. Oral sumatriptan for acute migraine. Cochrane Database Syst Rev 2003, Issue 3.
  5. Vanwelde A. L’aspirine effervescente pour traiter les crises de migraine ? MinervaF 2009;8(4):42-3.
  6. Lampl C, Voelker M, Diener HC. Efficacy and safety of 1,000 mg effervescent aspirin: individual patient data meta-analysis of three trials in migraine headache and migraine accompanying symptoms. J Neurol 2007;254:705-12.
  7. Kirthi V, Derry S, Moore RA, McQuay HJ. Aspirin with or without an antiemetic for acute migraine headaches in adults. Cochrane Database Syst Rev 2010, Issue 4.
  8. Chevalier P. Migraine : aspirine avec ou sans métoclopramide. Minerva online 28/08/2010.
  9. Ferrari MD, Goadsby PJ, Roon KI, Lipton RB. Triptans (serotonin, 5-HT1B/1D agonists) in migraine: detailed results and methods of a meta-analysis of 53 trials. Cephalalgia 2002;22:633-58.
  10. Scottish Intercollegiate Guidelines Network. The diagnosis and management of headache in adults. SIGN, clinical guideline n° 107, November 2008.
  11. Van Leeuwen E, Paemeleire K, Van Royen P, et al. Aanpak van migraine in de huisartsenpraktijk. Huisarts Nu 2010;39:S37-S56.
  12. Van Royen P, Leysen P, van Leeuwen E. Opvolgrapport. Richtlijn voor goede medische praktijkvoering ‘Aanpak van migraine in de huisartsenpraktijk’. Domus Medica, mei 2012.

 

Sumatriptan oral pour les crises de migraine



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