Revue d'Evidence-Based Medicine



Importance de la communication verbale et non verbale pendant la consultation



Minerva 2016 Volume 15 Numéro 2 Page 35 - 38

Professions de santé


Analyse de
Little P, White P, Kelly J, et al. Verbal and non-verbal behaviour and patient perception of communication in primary care: an observational study. Br J Gen Pract 2015;65:e357-65.


Question clinique
Quelles sont les composantes de la communication verbale et non verbale du médecin généraliste déterminant la satisfaction du patient et son sentiment d’être au centre des soins?


Conclusion
Cette étude d’observation, avec risque de biais de sélection tant des médecins que des patients, suggère une association entre la satisfaction des patients et les comportements verbaux et non verbaux du médecin au cours de la consultation. On ignore encore quels aspects non verbaux et verbaux de la communication médecin-patient ont le plus d’influence sur cette satisfaction.


Contexte

Les modèles de consultation actuels accordent une place centrale au patient, mais les médecins s’en écartent parfois dans leur pratique quotidienne. Une synthèse méthodique de la Cochrane Collaboration publiée en 2012 avait examiné des interventions axées sur l’amélioration de la place centrale du patient dans la communication et avait montré des effets minimes sur l’état de santé et des effets contradictoires sur la satisfaction des patients (1). Il convient de remarquer qu’aucune des études incluses n’avait exploré l’effet des aspects non verbaux sur la satisfaction des patients. Pourtant, une synthèse méthodique publiée en 2002 déjà avait montré l’importance des aspects non verbaux en sus des aptitudes en communication verbale (2).

 

Résumé

 

Population étudiée

  • 25 médecins généralistes (MG) de Southampton (Royaume-Uni) ont inclus 360 patients (+/- 15 par MG) qui consultaient pour un problème clinique nouveau ou existant ; 36% des MG étaient de sexe féminin, 24% n’étaient en relation avec aucun des autres MG qui participaient à l’étude, et 20% travaillaient dans des quartiers pauvres. Les patients étaient âgés en moyenne de 48 ans, 64% étaient de sexe féminin, 65% étaient mariés, 7% recevaient une indemnité de maladie ou d’invalidité, 49% avaient un travail, et ils se rendaient chez le MG en moyenne cinq fois par an
  • critères d’exclusion : consultation pour un renouvellement de prescription ; impossibilité ou incapacité de donner un consentement éclairé ou de remplir un questionnaire en raison d’une maladie physique grave, d’une démence ou d’une dépression grave.

 

Protocole d’étude

Étude d’observation transversale

  • enregistrement sur vidéo de consultations successives et non sélectionnées chez le MG
  • les observateurs ont évalué en aveugle et de manière indépendante les aspects verbaux et non verbaux de la consultation (au moyen du système RIAS (Roter Interaction Analysis System (3))
  • les patients ont rempli un questionnaire les interrogeant sur leur perception de la communication lors de la consultation, si possible immédiatement après la consultation ou, le plus souvent, plus tard chez eux.

 

Mesure des résultats

  • critère de jugement primaire : satisfaction des patients quant à la communication et à la relation médecin-patient (soulagement de la détresse ressentie, communication-confort, entente, respect de leur volonté), mesurée au moyen d’une échelle de Likert à 7 points (Medical Interview Satisfaction Scale (MISS))
  • critères de jugement secondaires : satisfaction des patients quant à 5 domaines se rapportant à la perception de la communication : bonne communication et bon partenariat, relation personnelle, intérêt du médecin quant à l’impact sur la vie quotidienne, attention à la promotion de la santé et approche positive du problème de santé. Chaque fois mesurés au moyen d’une échelle de Likert à 7 points
  • analyse de régression linéaire multiple, avec correction pour tenir compte de la randomisation par grappe par médecin généraliste, des caractéristiques importantes des patients comme le statut socio-économique, la nature du problème clinique, l’état civil, l’attitude vis-à-vis du médecin, le nombre de contacts-patient antérieurs, et tenant compte de toutes les variables indépendantes statistiquement significatives.

 

Résultats

  • le score moyen sur l’échelle MISS était de 5,6 (ET 0,8) ; pour la bonne communication et le bon partenariat, le score moyen était de 5,5 (ET 0,8) ; pour la relation personnelle de 5,1 (ET 1,3) ; et pour l’intérêt du médecin quant à l’impact sur la vie quotidienne de 5,2 (ET 1,2)
  • le score sur l’échelle MISS était associé de manière positive à la mesure dans laquelle le médecin se penchait en avant (coefficient β multivariable de 0,018 avec IC à 95% de 0,002 à 0,03 et p = 0,025), au nombre de gestes qu’il faisait (0,08 avec IC à 95% de 0,01 à 0,15 et p = 0,046) et au nombre de sons approbateurs (tels que « hum hum») prononcés en début de consultation (0,11 avec IC à 95% de 0,02 à 0,2 et p = 0,02), au fait de tenir une conversation sociale tout au long de la consultation (0,29 avec IC à 95% de 0,04 à 0,54). Un langage infantile à la fin de la conversation avait un impact négatif sur le score MISS (- 0,31 avec IC à 95% de - 0,86 à 0,25 et p = 0,044)
  • la satisfaction du patient quant à la communication et à la relation médecin-patient était associée de manière négative à un comportement distant, infantilisant ou à un regard lointain à la fin de la consultation ; elle était par contre associée de manière positive à l’utilisation de gestes en début de consultation ou au fait d’entretenir une conversation sociale au cours de la consultation dans son ensemble ; il y avait une association positive avec un comportement de soutien, mais aussi avec un comportement distant au début de la consultation ; il y avait une association négative avec un optimisme (artificiel) au début de la consultation.

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent que leurs résultats suggèrent que les patients seraient plus sensibles à différents comportements non verbaux et verbaux aspécifiques, comme entretenir une conversation sociale et émettre de petits sons approbateurs en début de consultation, plutôt qu’aux expressions verbales plus traditionnelles. Ils concluent aussi qu’une dynamique évolutive dans la consultation peut aider, partant d’une distance professionnelle au début de la consultation pour passer à une communication plus chaleureuse tout en évitant un regard lointain désintéressé à la fin de la consultation.

 

Financement de l’étude :

Scientific Foundation du RCGP et du NIHR South West Regional R+D panel.

 

Conflits d’intérêts des auteurs 

Aucun conflit d’intérêts n’est signalé.

 

Discussion

 

Considérations sur la méthodologie

Cette étude d’observation a inclus suffisamment de patients pour pouvoir constater une corrélation de 0,25 entre les aspects de la communication verbale et les aspects de la communication non verbale de la consultation (variables indépendantes) et une perception positive par le patient de la communication et de la relation médecin-patient (variables dépendantes). Ce coefficient de corrélation prédéfini est basé sur les résultats d’une étude antérieure (4). Or, dans les résultats, aucune attention n’a été portée à la corrélation entre les variables de l’étude (voir l’article méthodologique sur le sujet). Pour évaluer les consultations, une liste validée de scores (Roter Interaction Analysis System (RIAS)) (3) a été utilisée. La fréquence à laquelle les items de cette liste de scores se présentent durant les consultations est indicatrice de « l’ambiance » générale de ces consultations, mais ne permet pas de déterminer dans quelle mesure ils étaient une réponse adéquate (ou inadéquate) aux signaux du patient. Cette réponse est pourtant primordiale pour des soins centrés sur le patient. La technique d’analyse séquentielle aurait probablement été préférable. Les questionnaires que les patients devaient remplir correspondaient bien, par contre, à une appréciation globale de la consultation. Cependant, on ignore quel modèle théorique (rapport entre la communication du médecin et la perception du patient) les investigateurs ont utilisé pour déterminer les critères de jugement se rapportant aux patients. Bien que l’évaluation ait été effectuée en aveugle pour les critères de jugement se rapportant aux patients, nous ne savons rien des observateurs et de leur formation, et nous ne savons pas non plus dans quelle mesure il existait une variation entre les observateurs. Pour l’analyse de régression linéaire multiple, les investigateurs ont toutefois tenu compte d’un certain nombre de facteurs de confusion, mais on ne sait pas avec certitude si cela suffisait pour exclure un biais.

Interprétation des résultats

Le point fort de cette vaste étude d’observation est d’avoir examiné tant les aspects de la communication verbale que ceux de la communication non verbale. Les investigateurs sont, à juste titre, partis d’un α = 0,01 pour le calcul de la taille de l’échantillon. Lors de l’interprétation des résultats, ils n’ont cependant plus tenu compte de ce niveau de signification. Nous ne savons donc pas s’il est justifié de considérer les associations trouvées comme étant statistiquement significatives.

A noter également que le score de satisfaction des patients était élevé (5,6 sur une échelle de Likert de 1 à 7), ce qui fait qu’il était probablement plus difficile, en termes de statistiques, d’établir un rapport significatif entre le comportement du médecin et le degré de satisfaction du patient. Cette satisfaction élevée des patients est peut-être la conséquence d’un biais de sélection. Les médecins et les patients connaissaient l’objectif de l’étude (aveugle impossible) ; il se peut donc que les médecins qui communiquaient déjà bien et les patients qui avaient déjà une bonne relation avec le médecin aient eu plus de chances d’être inclus dans l’étude. Il est apparu que le comportement infantilisant ou distant à la fin de la consultation avait un effet négatif sur la relation médecin-patient (critère de jugement secondaire), mais cela ne s’est pas répercuté sur la satisfaction du patient (critère de jugement primaire) parce que peu de consultations étaient infantilisantes ou distantes.

De nombreuses études antérieures ont déjà montré qu’à la fin de la consultation il est important d’éviter un regard lointain manifestant du désintérêt (5). De même, l’importance des gestes et d’un contact physique adéquat a déjà été montrée (5,6).

Les auteurs attirent aussi l’attention sur l’impact différent de certains comportements au début ou à la fin de la consultation. Ils suggèrent qu’au début de la consultation, il est préférable que les médecins évitent les expressions optimistes et qu’ils gardent une certaine distance professionnelle. À la fin de la consultation, ils peuvent manifester plus de chaleur humaine. Les auteurs parlent ici d’une consultation « dynamique dans son déroulement ». Il s’agit d’un résultat original qui mérite une recherche plus approfondie.

 

Conclusion de Minerva

Cette étude d’observation, avec risque de biais de sélection tant des médecins que des patients, suggère une association entre la satisfaction des patients et les comportements verbaux et non verbaux du médecin au cours de la consultation. On ignore encore quels aspects non verbaux et verbaux de la communication médecin-patient ont le plus d’influence sur cette satisfaction.

 

Pour la pratique

Différentes sources montrent l’importance de la formation en communication pour améliorer la prise en charge axée sur le patient ainsi que la satisfaction du patient qui y est associée (1,5,6). L’étude examinée ici montre qu’à côté de l’acquisition de compétences verbales, il convient d’accorder aussi de l’attention aux comportements non verbaux.



 

Références

  1. Dwamena F, Holmes-Rovner M, Gaulden CM, et al. Interventions for providers to promote a patient-centred approach in clinical consultations. Cochrane Database Syst Rev 2012, Issue 12.
  2. Beck RS, Daughtridge R, Sloane PD. Physician-patient communication in the primary care office: a systematic review. J Am Board Fam Pract 2002;15:25-38.
  3. Roter DL, Stewart M, Putnam SM, et al. Communication patterns of primary care physicians. JAMA 1997;277:350-6.
  4. Kinnersley P, Stott N, Peters TJ, Harvey I. The patient-centredness of consultations and outcome in primary care. Br J Gen Pract 1999;49:711-6.
  5. Mehrabian A. Some referents and measures of nonverbal behavior. Behav  Res Meth & Instru 1968;1:203-7.
  6. Gleeson M, Timmins F. A review of the use and clinical effectiveness of touch as a nursing intervention. Clin Eff Nurs 2005;9:69-77.

 




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