Revue d'Evidence-Based Medicine



Les avantages et les désavantages de l’étude cas-témoins sur un échantillon



Minerva 2016 Volume 15 Numéro 4 Page 105 - 106

Professions de santé


Minerva commente rarement des études cas-témoins. Celles-ci sont surtout conçues pour la recherche épidémiologique, et plus précisément pour des études portant sur des maladies rares. Les études cas-témoins sont des études d’observation, et on considère que leur protocole comporte - parfois - de nombreuses limites méthodologiques. Il est donc difficile d’en extrapoler les résultats à la pratique clinique.

Habituellement, les études cas-témoins examinent des cas (les patients présentant les signes d’une maladie précise à étudier), et non des personnes qui ne présentent pas les caractéristiques de la maladie étudiée mais qui présentent un certain risque de développer la maladie (1). Ce design d’étude ne convient donc pas pour les recherches cherchant à déterminer un risque sur base d’expositions rares. En outre, ce n’est pas la population totale qui est utilisée comme témoin, mais seulement un petit nombre de témoins (ou contrôles) issus de la population générale (ceux qui n’ont pas la maladie). Le principal problème pouvant survenir est un biais de sélection des témoins (2). Si la sélection n’est pas effectuée au hasard à partir d’une vaste population, les témoins risquent d’être différents de la population générale, et il se pourrait que les éventuelles différences décelées entre les cas et les témoins puissent s’expliquent par ce biais de sélection. Un second problème important est le biais de déclaration (3). Le plus souvent, les informations contextuelles récoltées sont plus nombreuses pour les cas que pour les témoins. Lorsque les informations contextuelles manquent ou sont insuffisantes, il faut alors les demander en utilisant un questionnaire portant sur les facteurs rencontrés dans le passé. Ceci peut engendrer une distorsion des informations collectées qui s’explique par le fait que les malades ont davantage tendance à se souvenir que les témoins. Une étude cas-témoins ne permet pas de déterminer l’incidence ou la prévalence d’une affection. Il n’est donc pas possible de calculer l’impact relatif des facteurs de risque sur le risque de maladie. Pour déterminer la relation entre les facteurs de risque et la maladie, l’étude cas-témoins ne permet pas de calculer de risque relatif (RR), mais seulement un rapport de cotes (RC, ou OR). Toutefois, en utilisant une analyse de régression multiple, il est possible de tenir compte des facteurs de confusion connus. Cependant, tous les facteurs de confusion ne sont généralement pas connus, ce qui peut fausser la relation réelle entre la maladie et les facteurs de risque examinés. Une part de l’inégalité entre les cas et les témoins peut être corrigée en faisant correspondre les témoins en fonction d’un certain nombre de facteurs tels que le sexe, l’âge et la région géographique, mais cela n’est possible que dans la mesure où ces facteurs sont connus au préalable (4). Enfin, ce design d’étude ne permet pas non plus de déterminer la relation de cause à effet : c’est toujours une conception rétrospective et associative.

Malgré toutes ces limites inhérentes aux études cas-témoins, Minerva commente ce mois-ci, en analyse brève, une étude cas-témoins portant sur le rapport entre la prise de la pilule contraceptive et l’apparition d’une thromboembolie (5,6). Il s’agit d’une étude cas-témoins sur un échantillon (nested case-control study) (7). Le terme « échantillon » fait ici référence au fait que les cas (les patientes présentant une thromboembolie) et les témoins (les patientes sans thromboembolie) proviennent de 2 grandes bases de données. Ceci permet aux chercheurs de contourner un certain nombre de faiblesses des études cas-témoins classiques. Les bases de données « Clinical Practice Research Datalink » et « QResearch primary care database » ont été élaborées de manière prospective avec les données de patients de cabinets médicaux vus en première ligne de soins au Royaume-Uni. A partir de là, une cohorte délimitée composée de femmes âgées de 15 à 49 ans qui, entre 2001 et 2013, avaient été enregistrées dans un des cabinets participants, a été définie. Les cas ont été identifiés, et, pour chaque cas, cinq témoins qui lui correspondaient sur le plan de l’âge et du cabinet médical ont été recherchés. La date de référence a été fixée comme étant la date de l’apparition de la thromboembolie chez le cas étudié correspondant. Les données relatives aux prescriptions de pilule contraceptive durant l’année précédant la date de référence chez les cas et chez les témoins ont été simultanément collectées. Les facteurs qui pouvaient avoir influencé le comportement des médecins en matière de prescription de contraceptifs et les facteurs qui pouvaient avoir influencé le risque de thromboembolie ont été recherchés. Comme les cas et les témoins ont été extraits d’une vaste cohorte considérée comme représentative de la population générale au Royaume-Uni, le risque de biais de sélection est faible.

Bien que cette base de données ait été élaborée de manière prospective, l’analyse (cas-témoins sur un échantillon) demeure rétrospective. L’avantage du caractère prospectif de l’enregistrement des données réside dans la neutralisation du biais de déclaration : les données sur l’utilisation de la pilule et les facteurs ayant une incidence ont été enregistrées de manière prospective, et leur collecte a été effectuée de manière égale pour les cas et pour les témoins. Il a ainsi été possible d’examiner la prescription de contraceptifs avant l’apparition de la thromboembolie. Néanmoins, cette conception d’étude ne permet pas de montrer une relation causale car il est impossible de corriger pour des facteurs de confusion encore inconnus mais qui ont une influence sur cette relation. Nous ne pouvons donc que parler d’un lien entre l’utilisation de la pilule contraceptive et l’apparition de la thromboembolie. Seule une étude randomisée, qui distribue uniformément les facteurs de confusion non encore connus, ou une étude de cohorte prospective (théorique) (8), qui connaîtrait tous les facteurs de confusion et en tiendrait compte, peut estimer de manière correcte la relation de cause à effet.

 

Conclusion

Une étude cas-témoins sur un échantillon (nested case-control study) est une étude d’observation rétrospective qui utilise les données prospectives d’une cohorte existante regroupant aussi bien les cas (présentant la maladie) que les témoins (ne présentant pas de signes de la maladie étudiée), eux-mêmes sélectionnés sur des critères précis (sexe, âge, exposition, etc.). Elle permet donc de mieux contrôler certains biais de confusion, dont le biais de déclaration.

 

 

 

Références

  1. Sedgwick P. Case-control studies: advantages and disadvantages. BMJ 2014;348:f7707.
  2. Sedgwick P. Selection bias versus allocation bias. BMJ2013;346:f3345.
  3. Sedgwick P. What is recall bias? BMJ 2012;344:e3519.
  4. Sedgwick P. Why match in case-controlstudies? BMJ 2012;344:e691.
  5. Peremans L. La pilule et thromboembolie ? Minerva bref 18/05/2016.
  6. Vinogradova Y, Coupland C, Hippisley-Cox J. Use of combined oral contraceptives and risk of venous thromboembolism: nested case-control studies using the QResearch and CPRD databases. BMJ 2015;350:h2135.
  7. Sedgwick P. Nested case-control studies: advantages and disadvantages. BMJ 2014;348:g1532
  8. Sedgwick P. Prospective cohort studies: advantages and disadvantages. BMJ 2013;347:f6726.

 


Auteurs

Michiels B.
Vakgroep Eerstelijns- en Interdisciplinaire Zorg, Centrum voor Huisartsgeneeskunde, Universiteit Antwerpen
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