Revue d'Evidence-Based Medicine



Observance du traitement par le patient : la technique au service du patient ?



Minerva 2016 Volume 15 Numéro 6 Page 134 - 135

Professions de santé


Les messages envoyés par téléphone mobile sont un moyen efficace pour aider les patients à se rappeler qu’ils doivent prendre leurs médicaments. C’est ce qui ressort d’une méta-analyse de 16 études cliniques incluant 2654 patients. Versus prise en charge habituelle ou un simple signal sonore, un message téléphonique multiplie les chances d’observance par un facteur 2,11 (avec IC à 95% de 1,52 à 2,93) (1).

 

Cette constatation nous amène au concept d’observance thérapeutique, à son importance et aux moyens qui permettent d’encourager la prise correcte des médicaments.

 

Le terme « observance » peut s’envisager de différentes façons. La littérature internationale parle de compliance. Mais ce terme n’envisage la relation médecin-patient ou pharmacien-patient que dans un seul sens : le patient doit prendre les médicaments comme on lui dit de les prendre. Sinon, la bonne relation qu’il avait avec le médecin ou le pharmacien est rompue, et ces derniers n’ont alors pas de responsabilité dans l’échec du traitement. Ce mode de communication fait partie du « modèle médical ». Le terme adhérence est déjà plus centré sur la relation. Il indique une implication active du patient : le prestataire de soins et le patient collaborent pour atteindre un même objectif thérapeutique. Cette notion est empruntée au « modèle éducatif » : en instaurant un traitement, le patient est impliqué en tant qu’apprenti (2,3). Avec le terme concordance, une étape supplémentaire est franchie. La voix du patient a une égale importance pour l’instauration du traitement. L’organisation du traitement est, en quelque sorte, négociée. C’est le modèle d’autonomisation ou « self empowerment » (4,5). Aucun de ces trois modèles (médical, éducatif, self empowerment) n’est idéal. Le choix final pour un modèle dépend notamment de l’implication et de la capacité du patient à s’organiser de façon adéquate, et plus précisément de la manière dont le patient (ou son entourage) se sent prêt à appliquer, ou applique, les instructions en pratique, dans son quotidien.

 

La littérature nous rappelle que si le patient ne prend pas ses médicaments ou ne les prend pas correctement, cela peut entraîner des effets indésirables parfois graves. Les estimations concernant le nombre d’hospitalisations dues à une mauvaise observance sont très variables. Des calculs approximatifs des pertes économiques que le manque d’observance entraîne pour le secteur des soins de santé donnent parfois des chiffres spectaculaires. Certains auteurs évaluent ce coût à environ 2000 dollars par patient aux Etats-Unis (6). Espérons que ce ne soit pas ainsi dans notre pays. Une méta-analyse de la Cochrane Collaboration affirme qu’un meilleur rendement des soins de santé pourrait être obtenu en améliorant l’observance thérapeutique plutôt qu’en appliquant n’importe quelle amélioration thérapeutique, même innovante (7). Minerva a déjà attiré l’attention sur l’importance de l’observance (8) : les patients prenant correctement leur traitement antihypertenseur (au moins 80% de la dose prescrite) réduisent leur risque d’accident cardiovasculaire de 38% (OR de 0,62 avec IC à 95% de 0,40 à 0,96). Le fait de présenter un risque plus élevé ou de devoir prendre plusieurs médicaments jouaient un rôle plutôt positif que négatif. L’analyse secondaire de l’étude CHARM (9,10) portant sur l’ajout d’un antagoniste de l’angiotensine II ou d’un placebo au traitement de patients atteints d’insuffisance cardiaque avait donné des résultats interpellants. Les chances de survie étaient plus grandes chez les patients qui recevaient un placebo et le prenaient correctement que chez ceux qui recevaient le médicament mais ne le prenaient pas correctement.

 

Les prestataires de soins peuvent contribuer à encourager l’observance en apportant un soutien au patient. L’implication du pharmacien dans l’accompagnement des patients atteints d’hypertension n’a pas paru conduire à une observance significativement meilleure (peut-être à cause d’un manque de puissance), mais bien à une diminution significativement plus importante de la pression artérielle (11). En cas de BPCO, le pharmacien peut également améliorer la technique d’utilisation des médicaments à inhaler et augmenter leur observance (12). Une baisse de la mortalité a été constatée suite à des appels téléphoniques passés tous les deux à quatre mois aux patients qui devaient prendre beaucoup de médicaments (13).

La mise en place du réseau Santé Wallon (14) en Wallonie, de Vitalink (15) en Flandres, et d’Abrumet sur la Région bruxelloise (16), doit permettre aux médecins, infirmiers/ères et pharmaciens  de collaborer autour du schéma thérapeutique de leurs patients dans le but de leur donner des informations de qualité, univoques et correctes. La technologie de l’information peut y contribuer grâce à des applications pour téléphone mobile (17). Moyennant un ehealthconsent (consentement ehealth), le patient donne au pharmacien l’accès à son dossier pharmaceutique (= médicaments délivrés en officine). Cet accès rend possible un accompagnement spécifique du traitement dans n’importe quelle pharmacie (18). Les pharmaciens et les médecins, en concertation avec le patient, peuvent programmer un dispositif avec des rappels et établir ainsi le schéma thérapeutique du patient. Cette tâche pourrait aussi être déléguée au producteur du dispositif, mais cela pose encore des questions éthiques et juridiques.

 

Conclusion

L’instauration d’un traitement médicamenteux ne prend pas fin avec la prescription et la délivrance des médicaments. Les exemples et les statistiques attirent l’attention sur l’importance de l’application correcte du schéma thérapeutique, les patients devant idéalement avoir un rôle actif. Des dispositifs techniques peuvent aider à prendre les médicaments correctement. Il convient toutefois de rester attentif à protéger la vie privée du patient.

 

 

Références

  1. Thakkar J, Kurup R, Laba TL, et al. Mobile telephone text messaging for medication adherence in chronic disease: a meta-analysis. JAMA Intern Med 2016;176:340-9.
  2. Osterberg L, Blaschke T. Adherence to medication. N Engl J Med 2005;353:487-97.
  3. Ho PM, Bryson CL, Rumsfeld JS. Medication adherence: its importance in cardiovascular outcomes. Circulation 2009;119:3028-35.
  4. Taube KM. Patient–doctor relationship in dermatology: from compliance to concordance. Acta Derm Venereol 2016;Suppl 217:25-29.
  5. Randall S, Neubeck L. What's in a name? Concordance is better than adherence for promoting partnership and self-management of chronic disease. Aust J Prim Health 2016. doi: 10.1071/PY15140.
  6. Chrisholm-Burns MA, Spivey CA. The ‘cost’ of medication nonadherence: consequences we cannot afford to accept. J Am Pharm Assoc 2012;52:823-6.
  7. Haynes RB, McDonald H, Garg AX, Montague P. Interventions for helping patients to follow prescriptions for medications. Cochrane Database Syst Rev 2002, Issue 2.
  8. De Cort P. Antihypertenseurs : influence de l’observance sur la morbidité. Minerva bref 28/04/2011.
  9. Granger BB, Swedberg I, Ekman I, et al. Adherence to candesartan and placebo and outcomes in chronic heart failure in the CHARM programme: double blind, randomised, controlled clinical trial. Lancet 2005;366:2005-11.
  10. Laekeman G, Van Driel M. Observance du placebo, garantie de longévité. [Editorial] MinervaF 2006;5(10):145.
  11. Laekeman G. Amélioration de l’observance du traitement antihypertenseur par les pharmaciens ? Minerva bref 15/10/2015.
  12. Laekeman G. Pharmacien partenaire du patient BPCO ? Minerva bref 17/12/2015.
  13. Laekeman G. Suivi téléphonique du pharmacien améliorant la survie ? MinervaF 2007;6(5):78-80.
  14. https://www.reseausantewallon.be/FR/professionals/Pages/default.aspx. (Site consulté le 30 juin 2016.)
  15. Vitalink: http://www.eenlijn.be/index/vitalink. (Site consulté le 20 juin 2016.)
  16. https://www.abrumet.be/FR/professionals/programming/programming/technicalinformation/Pages/default.aspx . (Site consulté le 30 juin 2016.)
  17. Rxmindme: http://thenextweb.com/apps/2011/10/18/rxmindme-for-iphone-is-the-ideal-app-to-help-you-take-your-pills-on-time/#gref. (Site consulté le 29 mai 2016.)
  18. FarmaFlux: http://www.farmaflux.be/?asp_faq=comment-le-patient-marque-t-il-son-accord-pour-le-partage-de-son-historique-medicamenteux&lang=fr. (Site consulté le 29 mai 2016.)

 




Ajoutez un commentaire

Commentaires