Revue d'Evidence-Based Medicine



La lévodropropizine est-elle active contre la toux ?



Minerva 2016 Volume 15 Numéro 6 Page 140 - 142

Professions de santé


Analyse de
Zanasi A, Lanata L, Fontana G, et al. Levodropropizine for treating cough in adult and children: a meta-analysis of published studies. Multidiscip Respir Med 2015;10;19.


Question clinique
Quelle est l’efficacité de la lévodropropizine, versus un traitement actif ou un placebo, sur la fréquence et/ou la gravité de la toux et/ou sur les réveils nocturnes dus à la toux chez les enfants et les adultes atteints de toux d’origine variée ?


Conclusion
Cette synthèse méthodique avec méta-analyse ne nous permet pas de conclure à propos de l’efficacité et de la sécurité de la lévodropropizine sur la fréquence et/ou la gravité de la toux et/ou sur les réveils nocturnes dus à la toux chez les enfants et les adultes atteints de toux d’origines variées. Les études disponibles sont très hétérogènes sur le plan clinique, leurs méthodologies présentent de nombreuses limites et leurs résultats sont contradictoires


Contexte

La toux aiguë et la toux chronique peuvent être associées à une diminution de la qualité de vie à cause de troubles du sommeil, de nausées, de douleur thoracique et de léthargie. Si la cause de la toux doit toujours être recherchée, l’administration d’un traitement empirique au moyen d’antitussifs pourrait être utile. Contrairement aux antitussifs à action centrale comme la codéine et le dextrométhorphane, la lévodropropizine inhibe les nerfs sensitifs périphériques au niveau des voies respiratoires (1,2).

 

Résumé

 

Méthodologie

Synthèse méthodique avec méta-analyse

 

Sources consultées

  • PubMed/MEDLINE, EMBASE, Cochrane Library jusque 2014
  • listes de références des articles de synthèses méthodiques.

Études sélectionnées

  • 7 études contrôlées, menées chez des adultes (N = 3) et chez des enfants (N = 4), qui examinaient l’efficacité de la lévodropropizine, versus un traitement actif (dropropizine (N = 1), dextrométhorphane (N = 2), dihydrocodéine (N = 1), clopérastine/codéine (N = 1)) ou versus un placebo (N = 2), sur les critères de jugement en rapport avec la toux.

Population étudiée

  • 1178 patients, dont 789 enfants et 389 adultes, atteints de toux suite à une infection des voies respiratoires, à de l’asthme ou à un cancer pulmonaire.

 

Mesure des résultats

  • difference moyenne standardisée (DMS) entre la lévodropropizine et le comparateur quant à l’action antitussive (diminution de la gravité de la toux, de la fréquence de la toux et de la fréquence des réveils nocturnes).

Résultats

  • la lévodropropizine a eu un effet antitussif plus important, et ce de manière statistiquement significative, que le traitement contrôle (DMS de -0,176 avec IC à 95% de -0,282 à -0,069 ; p = 0,0015 ; sans hétérogénéité statistique (p = 0,0534)) 
  • 4 des 7 études (1 étude versus placebo, 2 études vs dextrométhorphane, et 1 étude vs clopérastine/codéine) ont montré des différences statistiquement significatives à l’avantage de la lévodropropizine pour ce qui était de la gravité de la toux (N = 3), de la fréquence de la toux (N = 1) et de la fréquence des réveils nocturnes (N = 1).

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent que cette méta-analyse montre que la lévodropropizine est un antitussif efficace chez les enfants et chez les adultes, avec de meilleurs résultats globaux, et ce de manière statistiquement significative, que les antitussifs à action centrale (codéine, clopérastine, dextrométhorphane) en termes de diminution de l’intensité de la toux, de la fréquence de la toux et des réveils nocturnes. Ce résultat consolide le profil bénéfice-risque avantageux de la lévodropropizine pour le traitement de la toux. La lévodropropizine dans le traitement de la toux chez les enfants et chez les adultes est plus efficace que les antitussifs habituels à action centrale.

Financement de l’étude

Non mentionné.

 

Conflits dintérêts des auteurs

Deux auteurs travaillent chez Dompé SpA, Medical Department, une entreprise qui produit et commercialise la lévodropropizine ; 3 des 4 autres auteurs ont également des liens avec Dompé SpA.

 

Discussion

 

Considérations sur la méthodologie

Les auteurs de cette synthèse méthodique ont recherché dans les bases de données les plus importantes, mais les mots-clés (MeSH Terms) ne sont pas mentionnés. Les critères d’inclusion étaient très larges : tant des enfants que des adultes, le comparateur étant aussi bien un traitement actif qu’un placebo. Les seules limites étaient les suivantes : il devait s’agir de toux (peu importait son étiologie), et les études devaient être des études contrôlées (qui ne devaient pas nécessairement être randomisées et menées en aveugle). Ceci explique l’importante hétérogénéité clinique entre les études sur le plan de la population étudiée, du plan expérimental et des critères de jugement. Les chercheurs n’ont pas utilisé de flow chart pour montrer comment avait été effectuée la sélection des études pour finalement retenir 7 études. Le risque de biais des différentes études n’a pas été examiné. Les informations disponibles dans la publication ne nous permettent même pas de faire une estimation correcte de la qualité de ces études. Mise à part une étude (une étude d’observation à plusieurs bras), toutes les études sont contrôlées et menées en double aveugle, mais les informations concernant la randomisation, l’attribution, l’insu et les sorties d’études sont absentes. Enfin, on ne sait pas bien dans quelle mesure le promoteur (le fabriquant de la lévodropropizine) a été impliqué dans la sélection des études incluses et dans leur analyse.

 

Interprétation des résultats

La recherche sur la lévodropropizine se limite très vraisemblablement à ces 7 études. Il s’agit de groupes de patients très divers (depuis des enfants atteints d’infection des voies respiratoires jusqu’à des adultes atteints de cancer du poumon et pris en charge en soins palliatifs) et, dans 5 des 7 études, le groupe témoin était constitué de patients qui prenaient un autre antitussif. Jusqu’à présent, aucun antitussif ne s’est montré efficace. Nous ne pouvons tirer aucune conclusion concernant celle de la lévodropropizine. Une étude menée chez 12 enfants présentant une toux asthmatique et une étude menée chez 40 adultes atteints de toux liée à une bronchite étaient placebo-contrôlées. Ce n’est que dans la dernière étude (3) que l’on a observé une diminution statistiquement significative de la gravité de la toux, avec une DMS de -0,696. La pertinence clinique est toutefois difficile à estimer à partir de ce chiffre (4). Parmi les 5 études qui ont comparé la lévodropropizine à un autre antitussif, il y en a 3 (une la comparant à la codéine et 2 la comparant au dextrométhorphane) où le résultat était meilleur, et ce de manière statistiquement significative, pour ce qui était de la gravité de la toux, de la fréquence de la toux et/ou des réveils nocturnes. Dans une étude menée chez 209 adultes présentant une toux modérée non productive, moins de réveils nocturnes ont été observés, et ce de manière statistiquement significative, avec la lévodropropizine qu’avec le dextrométhorphane (5). Ici non plus, on ne sait pas quelle est la pertinence clinique du résultat. En effet, il se pourrait aussi que la lévodropropizine ait une action plus sédative que le dextrométhorphane. Dans une autre étude menée chez 77 enfants présentant une « bronchite aiguë ou chronique avec toux non récidivante ou légèrement récidivante », le groupe intervention avec la lévodropropizine avait un meilleur résultat, et ce de manière statistiquement significative, que le groupe témoin avec le dextrométhorphane, en ce qui concerne la gravité de la toux et la fréquence de la toux (6). Cependant, ici aussi, il manque des détails sur la qualité de l’étude et sur la manière dont l’efficacité a été mesurée. Enfin, les effets indésirables ne sont pas mentionnés et n’ont pas été analysés dans cette synthèse méthodique.

 

Autres études

Une synthèse méthodique de la Cochrane Collaboration publiée en 2014 (7) portant sur la délivrance libre des antitussifs n’avait retenu aucune étude portant sur la lévodropropizine. Une autre synthèse méthodique publiée en 2011 (8), portant sur l’efficacité de la lévodropropizine en cas de toux liée à un cancer ou à une affection chronique bénigne, avait retenu 4 études (dont 2 études placebo-contrôlées) et avait conclu que la lévodropropizine était plus efficace que le placebo et même plus efficace que les autres antitussifs, mais avait souligné que les faits probants étaient rares et que leurs qualités étaient douteuses. Une synthèse méthodique incluant des enfants (9), publiée en 2012 par le même groupe de recherche que l’étude susmentionnée, avait inclus 3 des 4 études menées chez les enfants. La littérature parle très peu des effets indésirables de la lévodropropizine.

 

Conclusion de Minerva

Cette synthèse méthodique avec méta-analyse ne nous permet pas de conclure à propos de l’efficacité et de la sécurité de la lévodropropizine sur la fréquence et/ou la gravité de la toux et/ou sur les réveils nocturnes dus à la toux chez les enfants et les adultes atteints de toux d’origines variées. Les études disponibles sont très hétérogènes sur le plan clinique, leurs méthodologies présentent de nombreuses limites et leurs résultats sont contradictoires.

 

Pour la pratique

Selon les recommandations de Domus Medica (10), l’efficacité des médicaments contre la toux, qui peuvent être délivrés sans ordonnance, n’est pas établie. Un antitussif (dextrométhorphane) ou un expectorant (guaïfénésine) pourrait être prescrit comme traitement symptomatique, mais cette proposition ne repose pas sur des preuves provenant d’études comparatives de bonne qualité. L’efficacité de la lévodropropizine n’a pas non plus été démontrée, et il n’existe aucune donnée concernant sa sécurité.

 

 

Nom du produit 

  • lévodropropizine = Levotuss®

 

 

Références

  1. Lavezzo A, Melillo G, Clavenna G, Omini C. Peripheral site of action of levodropropizine in experimentally-induced cough: role of sensory neuropeptides. Pulm Pharmacol 1992;5:143-7.
  2. Melillo G, Malandrino S, Rossoni G, et al. General pharmacology of the new antitussive levodropropizine. Arzneimittelforschung 1998;38:1144-50.
  3. Allegra L, Bossi R. Clinical trials with the new antitussive levodropropizine in adult bronchitic patients. Arzneimittelforschung 1988;38:1163–6.
  4. Poelman T. Comment interpréter une différence moyenne standardisée (DMS) ? MinervaF 2014;13(4):51.
  5. Catena E, Daffonchio L. Efficacy and tolerability of levodropropizine in adult patients with non-productive cough. Comparison with dextromethorphan. Pulm Pharmacol Ther 1997;10:89-96.
  6. Kim DS, Sohn MH, Jang GC. Levodropropizine in children with bronchitis. Diagn Treat 2002;22:9.
  7. Smith SM, Schroeder K, Fahey T. Over-the-counter (OTC) medications for acute cough in children and adults in community settings. Cochrane Database Syst Rev 2014, Issue 11.
  8. Schildmann EK, Rémi C, Bausewein C. Levodropropizine in the management of cough associated with cancer or nonmalignant chronic disease--a systematic review. J Pain Palliat Care Pharmacother 2011;25:209-18.
  9. De Blasio F, Dicpinigaitis PV, De Danieli G, et al. Efficacy of levodropropizine in pediatric cough. Pulm Pharmacol Ther 2012;25:337-42.
  10. Coenen S, Van Royen P, Van Poeck K, et al. La toux aiguë. Recommandations de bonne pratique. Domus Medica/SSMG 2004.

 

 


Auteurs

De Sutter A.
Vakgroep Volksgezondheid en Eerstelijnszorg, UGent
COI :

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