Revue d'Evidence-Based Medicine



Quid du NNH (Number Needed to Harm) sur la base d’une méta-analyse ?



Minerva 2016 Volume 15 Numéro 8 Page 210 - 211

Professions de santé


La méta-analyse de Salvo et al. (1), dont Johan Wens traite ce mois sur le site de Minerva (2), examine le risque d’hypoglycémie après l’ajout d’un inhibiteur de la DPP-4 à un traitement par sulfamidés chez des patients atteints d’un diabète de type 2. Comme résultat, on parle d’un nombre nécessaire pour nuire (NNN, alias NNHNumber Needed to Harm en anglais) de 17 pour une durée de traitement de 6 mois maximum. Comment les auteurs sont-ils arrivés à ce chiffre, et que signifie-t-il pour la pratique clinique quotidienne ?

Le nombre de sujets à traiter (NST, alias NNTNumber Needed to Treat en anglais) et le nombre nécessaire pour nuire (NNN, alias NNH) sont des paramètres cliniques utiles, classiquement calculés à partir de la différence absolue de risque quant aux évènements positifs et négatifs entre un groupe intervention et un groupe contrôle dans une étude clinique randomisée. Par convention, les acronymes NNT et NNH seront utilisés ci-après car ils sont présentés comme tels dans les différents articles écrits en français.

Le NNH est le nombre de personnes qu’il faut traiter pour observer un évènement négatif (effet indésirable nuisible ou décès) consécutif à l’intervention pendant une période de traitement déterminée. (NNH = 1 / augmentation absolue du risque (AAR) de l’issue négative * 100 ; avec AAR = différence entre le risque de l’évènement négatif dans le groupe intervention (Ri) et le risque dans le groupe contrôle (Rc) (3)).

Pour un calcul correct, il convient de prendre en compte un certain nombre de conditions et de règles (4,5). Le calcul doit se baser sur le nombre de patients qui présentent un certain évènement et non pas sur le nombre d’événements parce que certains patients peuvent présenter plusieurs fois un même évènement (par exemple plusieurs hypoglycémies). Il faut également mentionner chaque fois la période de traitement dont il est question parce que l’extrapolation peut comporter des risques. Par exemple, pour une période de traitement initiale de 12 semaines, les différences entre le groupe intervention et le groupe contrôle peuvent être plus ou moins importantes que pour une période de traitement d’un an. L’extrapolation à une période plus longue n’est possible que si le risque relatif (RR) ne se modifie pas au cours du temps.

Les méta-analyses se prêtent aussi au calcul du NNT et du NNH, mais, ici aussi, il y a des pièges. Avant tout, les différentes études doivent comparer la même intervention avec le même comparateur, et de préférence pendant la même période de traitement. L’intervention peut, par exemple, être différente quant au type de molécule au sein d’une classe déterminée ou quant à la dose administrée. La solution consiste à ne sommer que les études qui remplissent ces conditions. Cela n’est bien sûr possible que si la recherche dans la littérature a donné un résultat suffisant.

La plus grande différence entre les études concerne le plus souvent le risque de base de l’évènement (ou le risque dans le groupe placebo). Ce risque dépend de nombreux facteurs, comme l’âge, le sexe, le style de vie, les comorbidités, les traitements concomitants, le cadre de vie (présélection), etc. Une fois de plus, ceci est aussi un argument pour admettre le moins d’hétérogénéité clinique possible dans une méta-analyse. Ce risque de base est déterminant pour le calcul de la différence absolue de risque, et donc du NNH. Pour résoudre le problème du risque de base différent, on utilise seulement un risque relatif (RR) sommé au lieu d’une différence de risque sommée. On part en effet du principe qu’un risque relatif dépend moins (et de préférence ne dépend pas) du risque de base (6). Pour calculer un NNH, on peut, pour le risque dans le groupe contrôle, se baser sur d’autres études plus réalistes ou sur un risque clinique réel.

 

AAR = Ri - Rc

RR = Ri / Rc

Ri = RR * Rc

AAR = RR * Ri - Rc = Rc * (RR - 1)

NNH = 1 / AAR * 100 = 1 / Rc * (RR - 1) * 100

Ri = risque dans le groupe intervention

Rc = risque dans le groupe contrôle

RR = risque relatif

AAR = augmentation absolue de risque

 

Revenons à notre exemple où un NNH de 17 a été trouvé au détriment de l’association d’un inhibiteur de la DPP-4 et d’un sulfamidé pour une période de traitement de 6 mois maximum. Les auteurs ont retrouvé 10 études où différents inhibiteurs de la DPP-4 à dose faible et à dose élevée ont été comparés avec un placebo en plus d’un traitement par différents sulfamidés. Il y avait aussi une grande différence quant au risque de base d’hypoglycémie (principal critère de jugement dans cette méta-analyse) s’expliquant par un grand nombre de facteurs (par exemple, dans certaines études, la metformine ou l’insuline pouvaient être utilisées en supplément). Sur la base de ces études hétérogènes, un risque relatif (RR) de 1,52 (avec IC à 95% de 1,29 à 1,80) a été calculé. Ce chiffre a été utilisé pour calculer le NNH, ce qui implique que l’on est parti du principe que le RR ne diffère pas en fonction de la molécule, du comparateur (type de sulfamidé), du traitement utilisé en supplément, du risque de base et de la dose d’inhibiteur de la DPP-4 utilisée. Ce n’est que pour cette dernière hypothèse qu’une analyse de sous-groupe a été effectuée ; elle a donné un RR significatif de 1,66 mais uniquement pour la dose élevée. Comme risque de base, ce n’est pas le risque sommé du groupe placebo qui a été utilisé (= 6,7%), mais bien un risque plus élevé provenant de la littérature (= 11,6% découlant d’une méta-analyse d’études ayant comparé un sulfamidé et un placebo). Ici, le problème est que ce chiffre élevé s’explique par l’inclusion de sulfamidés plus anciens qui ne sont plus recommandés en raison d’un risque plus élevé d’hypoglycémie !

Les calculs ont été effectués correctement (partout * 100 au dénominateur):

NNH = 1 / AAR = 1 / Rc * (RR - 1) = 1 / 0,116 * (1,52 - 1) = 16,58 arrondi à 17.

Mais le NNH est 29 si 6,7% est utilisé comme risque de base :

NNH = 1 / AAR = 1 / Rc * (RR - 1) = 1/0,067*(1,52 - 1) = 28,70 arrondi à 29.

Note : L’explication qui précède vaut également pour un NNT.

 

Conclusion

Avant de pouvoir se prononcer sur un NNH dans une méta-analyse, il faut connaître le risque de base dans le groupe contrôle, le risque relatif sommé pour l'évènement et la durée de l’intervention (période de suivi). Il faut éviter autant que possible l’hétérogénéité dans l’intervention et dans le contrôle. L’extrapolation à un autre risque de base n’est autorisée que si le NNH a été calculé sur la base du RR sommé. Les différences de risque absolu sommé ne peuvent pas être utilisées à cet effet.

 

 

Références 

  1. Salvo F, Moore N, Arnaud M, et al. Addition of dipeptidyl peptidase-4 inhibitors to sulphonylureas and risk of hypoglycaemia: systematic review and meta-analysis. BMJ. 2016;353:i2231.
  2. Wens J. L'ajout d'un inhibiteur de la DPP-4 à un sulfamidé hypoglycémiant augmente-t-il le risque d'hypoglycémie ? Minerva bref 17/10/2016.
  3. Glossaire de Minerva.
  4. Chevalier P. Nombre de sujets à traiter. MinervaF 2009;8(2):24.
  5. Chevalier P. L’estimation du NST : pièges. MinervaF 2013;12(9):116.
  6. Marx A, Bucher HC. Numbers needed to treat derived from meta-analysis: a word of caution. ACP J Club 2003;138:A11-2.

 


Auteurs

Michiels B.
Vakgroep Eerstelijns- en Interdisciplinaire Zorg, Centrum voor Huisartsgeneeskunde, Universiteit Antwerpen
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