Revue d'Evidence-Based Medicine



Pertinence clinique d’un seuil de différence



Minerva 2011 Volume 10 Numéro 8 Page 103 - 103

Professions de santé


 

 

Formation médicale continue ~ Concepts et outils en EBM

La rédaction consacre une rubrique ‘Formation médicale continue’ (FMC) à l’explicitation de concepts et outils en Evidence-Based Medicine (EBM)

 

 

Pour pouvoir interpréter correctement les résultats d’une étude exprimés sur un score particulier, le clinicien doit connaître la différence qui atteint un seuil de pertinence clinique. Une différence cliniquement pertinente minimale a été définie (1) comme la plus petite différence au score concerné que le patient perçoit comme bénéfique et qui motive, en l’absence d’effet indésirable gênant et de coût excessif, une modification de traitement pour ce patient. 

Si le score est exprimé sur une échelle visuelle analogique (EVA) en mm, il faut déterminer combien de mm une différence doit atteindre pour être cliniquement pertinente. Si le score est numérique, l’interprétation est similaire. Par exemple, pour un score ADAS-cog (Alzheimer’s Disease Assessment Scale pour les fonctions cognitives) qui peut varier entre 0 et 70, il est généralement admis qu’une modification de 7 points a un impact clinique (2).

La détermination d’un tel seuil de différence à pertinence clinique est également importante parce qu’elle est utilisée lors de l’élaboration du protocole de l’étude quand il s’agit de déterminer la taille nécessaire de l’échantillon à inclure en fonction de la puissance d’étude désirée.

 

 

Une synthèse méthodique récente (3) illustre un problème pratique majeur dans la fixation d’un tel seuil : une variété très grande lors de sa fixation dans différentes études (74) concernant la douleur. Le seuil de différence cliniquement pertinente varie de 4 à 40 mm sur une EVA selon les études, et de 15 à 55% sur un score numérique. Ces auteurs montrent aussi des confusions fort fréquentes entre réponses observées (et comparées) entre bras d’étude et réponses à un niveau individuel (pour un patient, amélioration supérieure au seuil de pertinence clinique ou amélioration en-dessous d’un seuil de douleur acceptable pour lui-même).

Les auteurs rappellent, après leurs constatations, que des recommandations consensuelles ont déjà été formulées pour les études concernant l’évaluation de traitements contre la douleur, recommandations qui ne semblent guère appliquées dans la majorité des études. Ils font ensuite leurs propres recommandations pour la détermination d’un seuil de pertinence clinique dans la douleur.

En essayant de reprendre les éléments qui méritent une plus grande généralisation, nous pouvons retenir la nécessité de :

  • déterminer le seuil de pertinence clinique au niveau d’un groupe (bras d’étude) et au niveau individuel ; les résultats doivent se rapporter au critère précis
  • distinguer clairement une différence cliniquement pertinente de la plus petite modification détectable (qui est souvent l’erreur standard de la mesure).

Plusieurs précisions supplémentaires sont faites par les auteurs dans le domaine spécifique de l’évaluation de la douleur, particulièrement la nécessité de mentionner une différence moyenne entre les groupes mais aussi le pourcentage de répondeurs pour l’évaluation individuelle.

 

Nous avons déjà insisté dans Minerva sur l’importance d’analyser d’abord si une différence statistiquement significative est observée pour un résultat, puis ensuite, d’évaluer si cette différence est cliniquement pertinente. Par exemple, pour l’indacatérol dans le traitement de la BPCO, si une différence statistiquement significative est observée versus tiotropium pour le critère amélioration du VEMS, cette différence est inférieure au seuil de pertinence clinique fixé (4), opinion partagée par la Commission de Transparence de la HAS (5).

 

La synthèse méthodique commentée dans ce bref article illustre les difficultés qui peuvent se présenter dans la détermination du seuil de pertinence clinique pour un critère de jugement avec score numérique. D’autres aspects sont également à prendre en compte. Nous y reviendrons dans de prochains articles.

 

 

Références

  1. Jaeschke R, Singer J, Guyatt GH. Measurement on health status. Ascertaining the minimal clinically important difference. Control Clin Trials 1989;10:407-15.
  2. Fiche de transparence CBIP. Traitement médicamenteux de la démence. Mise à jour (juillet 2008).
  3. Ruyssen-Witrand A, Tubach F, Ravaud P. Systematic review reveals heterogeneity in definition of a clinically relevant difference in pain. J Clin Epidemiol 2011;64:463-70.
  4. Chevalier P. Indacatérol, nouveau LABA, dans le traitement de la BPCO ? MinervaF 2011;10(1):10-1.
  5. Haute Autorité de Santé. ONBREZ BREEZHALER. Avis de la Commission de la Transparence, 15 décembre 2010.
Pertinence clinique d’un seuil de différence

Auteurs

Chevalier P.
médecin généraliste
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