Revue d'Evidence-Based Medicine



L’activité physique influence-t-elle la communication et le fonctionnement social des enfants et adolescents autistes ?



Minerva 2021 Volume 20 Numéro 10 Page 128 - 131

Professions de santé

Kinésithérapeute, Psychologue

Analyse de
Chan JS, Deng K, Yan JH. The effectiveness of physical activity interventions on communication and social functioning in autistic children and adolescents: a meta-analysis of controlled trials. Autism 2020;25:874-86. DOI: 10.1177/1362361320977645


Question clinique
Quel est l’effet de l’activité physique sur la communication et le fonctionnement social des enfants et adolescents autistes ?


Conclusion
Cette synthèse méthodique, qui a été correctement menée, avec méta-analyse d’études hétérogènes présentant d’importantes lacunes méthodologiques, montre qu’après correction pour tenir compte du biais de publication, les interventions impliquant l’activité physique peuvent avoir un effet positif minime sur la communication des enfants et adolescents atteints de TSA.


 

Contexte

Les troubles du spectre autistique (TSA) ou autisme désignent un trouble neurobiologique du développement dont la prévalence est d’environ 1% et que l’on diagnostique environ 4 fois plus souvent chez les garçons que chez les filles (1). Les TSA se caractérisent par des problèmes de communication et d’interaction sociales, d’une part, et par des comportements répétitifs et/ou une limitation des intérêts ou des activités, d’autre part (2). Les TSA restent présents tout au long de la vie et ont un impact significatif non seulement sur la personne atteinte, mais aussi sur son entourage direct (3). Environ 30% des personnes atteintes de TSA restent limitées dans la communication verbale (4), et bon nombre d’entre elles ne parviennent pas à vivre de manière autonome, à obtenir un diplôme ou à occuper un emploi rémunéré, malgré des capacités intellectuelles suffisantes (5). Il existe un consensus international sur le fait que le traitement doit être instauré tôt dès le diagnostic, voire avant (6). Il existe actuellement des preuves de l’efficacité des interventions comportementales et développementales, ainsi que des interventions comportementales et développementales en milieu naturel, qui combinent les deux techniques dans un cadre naturel (6,7). Compte tenu des effets positifs de l’activité physique sur le fonctionnement cognitif, psychologique et émotionnel des enfants (8-11 ans), l’impact de l’activité physique sur les symptômes des TSA a également suscité un plus grand intérêt ces dernières années.

     

          

Résumé

 

Méthodologie

 

Synthèse méthodique avec méta-analyse

 

Sources consultées

  • MEDLINE, Embase, CINAHL, PsychINFO, le registre central Cochrane des essais contrôlés (Cochrane Central Register of Controlled Clinical Trials, CENTRAL), Web of Science ; jusqu’au 6 mai 2020
  • listes de références des études incluses 
  • uniquement les études en anglais.

 

Études sélectionnées

  • critères d’inclusion : études examinant, chez des enfants de moins de 18 ans atteints de TSA, l’effet sur le fonctionnement social ou communicatif d’une intervention consistant en ≥ 2 séances d’activité physique, avec au moins une mesure déterminée à l’aide d’un instrument validé
  • critères d’exclusion : études non contrôlées, groupe témoin impliqué dans des activités sociales ou physiques
  • finalement 12 études ont été sélectionnées : 9 études randomisées contrôlées et 3 études contrôlées.

 

Population étudiée 

  • enfants et adolescents atteints de TSA ayant en moyenne entre 5,29 et 11,85 ans (plage entre 3 et 17 ans), dont la proportion de filles allait de 0 à 72%.

Mesure des résultats

  • différence moyenne standardisée (DMS) dans la communication et le fonctionnement social entre le groupe intervention et le groupe témoin
  • méta-analyse suivant le modèle à effets aléatoires
  • détection du biais de publication à l’aide d’un funnel plot et correction du biais de publication par la méthode « trim and fill »
  • sensibilité « leave one out »" data-content="Dans cette analyse de sensibilité, le résultat de la méta-analyse est recalculé en omettant successivement chaque étude ; de cette façon, on peut découvrir l’influence de chaque étude sur le résultat sommé.">analyse de sensibilité « leave one out »
  • analyse en sous-groupe selon la conception de l’étude (étude randomisées contrôlée ou étude contrôlée), le type d’intervention (activités individuelles et/ou de groupe), le groupe témoin (avec ou sans liste d’attente)
  • analyse de méta-régression avec, comme variables indépendantes, la durée de l’intervention (en semaines), la durée de l’intervention (en heures), le pourcentage de filles et l’âge moyen.

 

Résultats

  • un groupe d’intervention avec activité physique versus groupe témoin (une liste d’attente dans 66,67% des cas) a eu un avantage faible à modéré sur la communication (DMS de 0,27 avec IC à 95% de 0,06 à 0,48 ; p < 0,01 ; N = 8, n = 350 ; I² = 65,13%) et sur le fonctionnement social (DMS de 0,39 avec IC à 95% de 0,15 à 0,63 ; p < 0,01 ; N = 11, n = 457 ; I² = 73,64%) ; la durée de l’intervention d’activité physique variait de 4 à 40 semaines, et la durée totale de l’intervention variait de 4 à 72 heures ; il s’agissait le plus souvent d’activités en groupe (66,67%), suivies par une combinaison d’activités en groupe et d’activités individuelles (25%) et par des activités individuelles (8,33%)
  • après correction pour tenir compte du biais de publication selon la méthode « trim and fill », la DMS pour la communication était réduit à 0,22 (avec IC à 95% de 0,003 à 0,43), et, pour le fonctionnement social, il n’était plus statistiquement significatif ; aucune étude n’avait une influence concluante sur le résultat
  • aucune influence de la conception de l’étude, du type d’intervention, du groupe témoin, de la durée de la période d’intervention, du temps de l’intervention et du pourcentage de filles sur l’ampleur de l’effet ; l’effet de l’intervention était plus important chez les jeunes enfants (par année supplémentaire d’âge moyen, l’ampleur de l’effet pour la communication et le fonctionnement social diminuait respectivement de 0,12 et de 0,11).

 

Conclusion des auteurs

Cette étude montre les avantages des interventions d’activité physique, et ces interventions peuvent être considérées comme un moyen rentable de traiter les troubles du spectre autistique à l’avenir.

 

Financement de l’étude

L’un des auteurs a reçu un financement de Basic Research of Knowledge Innovation Program of Shenzhen.

Conflits d’intérêt des auteurs

Les auteurs ne mentionnent pas de conflits d’intérêt.

 

Discussion

Considérations sur la méthodologie

La recherche dans la littérature pour cette synthèse méthodique a été correctement effectuée. Plusieurs bases de données ont été consultées, et les mots-clés utilisés étaient adéquats. Le biais de publication identifié par les auteurs peut s’expliquer par la restriction quant à la langue de publication et par la non prise en compte de la littérature grise. L’inclusion et l’exclusion des articles ainsi que l’évaluation de la qualité méthodologique des études sélectionnées avec l’outil Cochrane « risque de biais » ont été effectuées par deux chercheurs indépendants. La qualité méthodologique des études incluses est généralement faible. Pour plus des trois quarts des études, les informations disponibles sur la randomisation et le secret de l’attribution (concealment of allocation) sont insuffisantes. On ne peut donc exclure un important biais de sélection, avec attribution préférentielle de l’intervention à certains patients. En raison de la nature de l’intervention, il n’était pas possible d’effectuer l’intervention en aveugle des patients et des aidants proches. Mais en outre, dans une étude sur trois seulement, il n’est pas clair que l’évaluation de l’effet était effectuée en aveugle. Dans la plupart des études, l’effet a été évalué par les parents ou les aidants proches, qui étaient généralement au courant de l’affectation au groupe d’intervention ou au groupe témoin. Cela peut avoir entraîné un biais de détection important. Pour plus de 25% des études, il n’y avait pas suffisamment d’informations sur la proportion et la raison des sorties d’étude. Une inégalité entre les proportions de sorties d’étude dans le groupe intervention et le groupe témoin peut avoir conduit à une distribution inégale des caractéristiques des patients et donc à un important biais de migration (attrition bias) des résultats.

Les études incluses étaient très hétérogènes sur le plan clinique. Les interventions allaient du karaté à l’équitation en passant par des exercices chinois pour l’esprit et le corps. On ignore également quelle édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, DSM) a été utilisée pour diagnostiquer l’autisme dans les différentes études. Il aurait pu être pertinent d’en tenir compte dans la méta-analyse, compte tenu de la différence entre les deux dernières éditions du DSM en termes de critères et éventuellement aussi de prévalence. En raison de l’hétérogénéité des instruments de mesure, il n’a été possible de déterminer qu’une différence moyenne standardisée. Les auteurs ont pris grand soin de vérifier le résultat sommé en effectuant une analyse de sensibilité, une analyse de sous-groupe et une analyse de méta-régression.

 

Interprétation des résultats

Après correction pour tenir compte du biais de publication, l’effet positif sur le fonctionnement social avait disparu. L’effet sur la communication est resté statistiquement significatif avec une différence moyenne standardisée (DMS) de 0,22. En comparaison, l’ampleur de l’effet des interventions comportementales et développementales en milieu naturel sur la communication sociale dans une méta-analyse récente (6) était de 0,42 (avec IC à 95% de 0,23 à 0,62).

Aucune information n’a été donnée sur les autres traitements reçus par les enfants, ni sur d’éventuelles différences à cet égard entre le groupe intervention et le groupe témoin. Le groupe témoin n’était autorisé à participer à aucune autre activité sociale ou physique, et, dans deux études sur trois, un groupe témoin était une « liste d’attente ». Le groupe intervention a ainsi probablement bénéficié, en plus de l’activité physique, de plus d’attention individuelle également, ainsi que de soutien thérapeutique… Cela peut avoir conduit à une surestimation de l’effet. Il n’y a aucune information sur les effets indésirables, et les effets à un peu plus long terme n’ont pas non plus été étudiés. On s’est également limité au premier domaine des symptômes des TSA (limitations des interactions sociales), et l’on n’a pas examiné l’effet sur le deuxième domaine des symptômes (baisse de l’intérêt et activités limitées).

Malgré cela et malgré les lacunes méthodologiques décrites ci-dessus, les auteurs recommandent toujours l’activité physique comme un outil rentable pour la prise en charge des TSA. Ils laissent ouverte la question de savoir si l’activité physique peut remplacer le traitement existant ou si elle doit plutôt être considérée comme un complément. Étant donné toutes ces lacunes, il ne nous semble pas indiqué de recommander l’activité physique en remplacement du traitement comportemental étayé pour les TSA (6,7). Une activité physique suffisante peut évidemment avoir un effet favorable chez les enfants atteints de TSA tout comme chez les autres enfants.

 

Que disent les guides de pratique clinique ?

En 2014, le Centre fédéral d’expertise des soins de santé (KCE) a publié un guide de pratique clinique pour le traitement des enfants et des jeunes atteints de TSA (7). Sur la base des données probantes disponibles à ce jour, il est recommandé d’aborder les problèmes d’interaction sociale et de communication par le biais d’interventions psychosociales utilisant des techniques de jeu interactives, impliquant également les parents. L’activité physique n’est pas explicitement mentionnée dans le guide de pratique clinique. Cependant, il est recommandé d’envisager une thérapie appropriée en cas de problèmes psychomoteurs supplémentaires qui affectent la vie quotidienne.

 

Conclusion de Minerva

Cette synthèse méthodique, qui a été correctement menée, avec méta-analyse d’études hétérogènes présentant d’importantes lacunes méthodologiques, montre qu’après correction pour tenir compte du biais de publication, les interventions impliquant l’activité physique peuvent avoir un effet positif minime sur la communication des enfants et adolescents atteints de TSA.

 

 

Références 

  1. Fombonne E, MacFarlane H, Salem AC. Epidemiological surveys of ASD: advances and remaining challenges. J Autism Dev Disord 2021;51:4271-90. DOI: 10.1007/s10803-021-05005-9
  2. American Psychiatric Association. Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders. Fifth Edition. American Psychiatric Association, 2013.
  3. Karst JS, Van Hecke AV. Parent and family impact of autism spectrum disorders: a review and proposed model for intervention evaluation. Clin Child Fam Psychol Rev 2012;15:247-77. DOI: 10.1007/s10567-012-0119-6
  4. Tager-Flusberg H, Kasari K. Minimally verbal school-aged children with autism spectrum disorder: the neglected end of the spectrum. Autism Res 2013;6:468-78. DOI: 10.1002/aur.1329
  5. Howlin P. Social disadvantage and exclusion: adults with autism lag far behind in employment prospects. J Am Acad Child Adolesc Psychiatry 2014;52: 897-9. DOI: 10.1016/j.jaac.2013.06.010
  6. Sandbank M, Bottema-Beutel K, Crowley S, et al. Project AIM: Autism intervention meta-analysis for studies of young children. Psychol Bull 2020;146:1-29. DOI: 10.1037/bul0000215
  7. Veereman G, Holdt Henningsen K, Eyssen M, et al. Management of autism in children and young people: a good clinical practice guideline. Good Clinical Practice (GCP) Brussels: Belgian Health Care Knowledge Centre (KCE), 2014.
  8. Donnelly JE, Hillman CH, Castelli D, et al. Physical activity, fitness, cognitive function, and academic achievement in children: a systematic review. Med Sci Sports Exerc 2016;48:1197-222. DOI: 10.1249/MSS.0000000000000901
  9. Spruit A,  Assink M, van Vugt E, et al. The effects of physical activity interventions on psychosocial outcomes in adolescents: a meta-analytic review. Clin Psychol Rev 2016;45:56-71.  DOI: 10.1016/j.cpr.2016.03.006
  10. Wiles NJ, Jones GT, Haase AM, et al. Physical activity and emotional problems amongst adolescents: a longitudinal study. Soc Psychiatry Psychiatr Epidemiology 2008;43:765-72. DOI: 10.1007/s00127-008-0362-9
  11. Hillman CH, Erickson KI, Kramer AF. Be smart, exercise your heart: exercise effects on brain and cognition. Nat Rev Neurosci 2008;9:58-65. DOI: 10.1038/nrn2298

 




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