Revue d'Evidence-Based Medicine



L’infection par le SARS-CoV-2 confère-t-elle une protection contre une réinfection ?



Minerva 2023 Volume 22 Numéro 8 Page 176 - 178

Professions de santé

Infirmier, Médecin généraliste

Analyse de
COVID-19 Forecasting Team. Past SARS-CoV-2 infection protection against re-infection: a systematic review and meta-analysis. Lancet 2023;401:833-42. DOI: 10.1016/S0140-6736(22)02465-5


Question clinique
Quel est le niveau de protection contre une nouvelle infection par le SARS-CoV-2 après une infection précédente, en tenant compte du variant et du délai après l’infection précédente ?


Conclusion
Cette revue systématique actualisée, qui a été menée correctement, montre que le degré de protection contre la réinfection par le SARS-CoV-2 après une primo-infection par un variant pré-Omicron est élevé, mais diminue avec le temps. La protection est plus faible contre la réinfection par un variant Omicron. De plus, la protection contre la réinfection avec des sous-variants Omicron est plus élevée après une primo-infection avec un variant Omicron qu’avec les variants pré-Omicron. Pour tous les variants, la protection conférée par une primo-infection est robuste contre l’hospitalisation et contre le décès.


Contexte

Depuis le mois de mars 2020, il y a eu plusieurs vagues d’infections par le SARS-CoV-2, avec chaque fois de nouveaux variants du virus. Le nombre élevé d’infections après l’apparition du variant Omicron début 2022 (1) montre indirectement que l’immunité acquise par le biais de la vaccination ne confère pas une protection suffisante contre une nouvelle infection. Après trois ans de pandémie, la volonté de prendre des mesures de protection physique est également fort réduite (2, alors qu’il s’est avéré que plusieurs mesures barrières, comme le lavage des mains, le port du masque et la distanciation physique, sont associées à une diminution de l’incidence du covid-19 (3,4). En outre, face à l’espoir d’un effet protecteur de la vaccination, on ne souligne pas assez l’importance de l’immunité acquise lors d’une primo-infection. Minerva a précédemment décrit une possible équivalence entre la protection apportée par le vaccin contre le covid chez une personne n’ayant jamais été infectée auparavant et la protection après une infection antérieure (5,6). Cependant, le type de variant du virus et le délai après l’infection précédente n’étaient pas pris en compte.

 

 

Résumé

 

Méthodologie

Synthèse méthodique actualisée et méta-analyse (7).

 

Sources consultées

  • PubMed, Web of Science, medRxiv *, SSRN **, références des études incluses 
  • inclusions jusqu’au 31 septembre 2022
  • pas de restriction quant à la langue de publication
  • tant des articles revus par des pairs que des prépublications et des rapports.

 

Études sélectionnées

  • critères d’inclusion : toute étude avec des résultats concernant l’effet protecteur de l’immunité naturelle conférée par le covid-19 chez des personnes non vaccinées, par comparaison avec un groupe témoin de personnes non vaccinées qui n’ont pas développé l’infection ; en outre, inclusion des études ayant inclus des personnes vaccinées chez qui le statut de vaccination a été contrôlé (c.-à-d. évaluation distincte du groupe non vacciné) ; tant des études de cohorte rétrospectives, prospectives que des études cas-témoins à tests négatifs
  • critères d’exclusion : études examinant uniquement l’effet protecteur de l’immunité naturelle et de la vaccination (immunité hybride)
  • finalement, inclusion de 65 études, menées dans 19 pays.

 

Population étudiée

  • pas de données disponibles.

 

Mesure des résultats

  • réinfection, définie comme un résultat positif au test PCR détectant le SARS-CoV-2 ou au test rapide antigénique plus de 90 jours (dans certaines études plus de 120 jours) après un précédent test positif ; ou deux résultats positifs au test PCR ou au test rapide antigénique séparés l’un de l’autre par 4 résultats négatifs au test PCR ; ou un résultat positif au test PCR détectant le SARS-CoV-2 ou au test rapide antigénique chez une personne ayant un résultat positif au test détectant les anticorps IgG dirigés contre la protéine Spike du SARS-CoV-2 ***
  • réinfection symptomatique, définie comme une réinfection par le SARS-CoV-2 provoquant des symptômes, tels que fièvre, toux, essoufflement, frissons, douleurs musculaires, perte de l’odorat et du goût, mal de gorge, diarrhée et vomissements
  • réinfection grave, définie comme une réinfection par le SARS-CoV-2 nécessitant une hospitalisation ou entraînant le décès
  • analyse bayésienne de métaregression
  • analyse de sensibilité sur la base du risque de biais de l’étude incluse.

 

Résultats

  • la protection contre la réinfection et contre la réinfection symptomatique était > 82% pour le variant d’origine et pour les variants Alpha, Bêta et Delta, mais, pour le variant Omicron BA-1, la protection contre la réinfection n’était que de 45,3% (avec IC à 95% de 17,3 à 76,1), et la protection contre la réinfection symptomatique n’était que de 44,0% (avec IC à 95% de 26,5 à 65)
  • la protection contre la réinfection grave était > 78% pour tous les variants
  • lorsque le délai jusqu’à la réinfection est pris en compte, on observe une diminution progressive du degré de protection : pour le variant d’origine et pour les variants Alpha, Bêta et Delta, il y avait une protection de 85,2% (avec IC à 95% de 60,8 à 96,0) contre la réinfection à 4 semaines, de 78,6% (avec IC à 95% de 49,8 à 93,6) à 40 semaines et de 55,5% (avec IC à 95% de 18,8 à 81,7) à 80 semaines (sur la base de données éparses) ; la protection contre la réinfection par le variant Omicron BA.1 diminuait plus rapidement, atteignant 36,1% (avec IC à 95% de 24,5 à 51,3) à 40 semaines ; la rapidité de la diminution de la protection contre la réinfection symptomatique était similaire ; la protection contre les infections graves était de 90,2% (avec IC à 95% de 69,7 à 97,5) pour le variant d’origine et pour les variants Alpha, Bêta et Delta, et elle était de 88,9% (avec IC à 95% de 84,7 à 90,9) pour le variant Omicron BA.1 à 40 semaines
  • le niveau de protection contre les variants Omicron BA.4 et BA.5 était de 76,2% (avec IC à 95% de 66,4 à 83,1) après une primo-infection par le variant Omicron BA.1, contre 35,5% (avec IC à 95% de 12,1 à 52,7) après une primo-infection par le variant pré-Omicron
  • le niveau de protection après l’infection était au moins aussi élevé qu’après l’administration de deux doses d’un vaccin contre le covid-19, et la protection diminuait moins rapidement au fil du temps
  • les analyses de sensibilité sur la base du risque de biais dans les études ou après correction pour tenir compte des facteurs de confusion n’ont pas montré de différences significatives
  • sur les treize méta-analyses qui ont été effectuées, trois montrent une forme de biais de publication. 

 

Conclusion des auteurs

La protection conférée par une précédente infection contre la réinfection avec un variant pré-Omicron était élevée et restait élevée après 40 semaines. La protection contre la réinfection avec un variant Omicron était nettement moins bonne et diminuait plus rapidement au fil du temps que la protection contre les variants pré-Omicron. La protection contre le covid-19 sévère était élevée pour tous les variants. L’immunité acquise suite à une infection antérieure doit être prise en compte avec l’immunité conférée par la vaccination pour estimer l’importance de la pandémie de covid-19 à l’avenir, pour établir des recommandations concernant le moment propice de la vaccination, pour définir des politiques de vaccination obligatoire des travailleurs et pour déterminer les mesures de restriction d’accès sur la base du statut d’immunité dans les endroits où le risque de transmission est élevé, comme lors des voyages et dans les lieux intérieurs très fréquentés.

 

* MedRxiv est une archive de prépublications consacrée à la recherche médicale. Le site Web est géré par le Cold Spring Harbor Laboratory à New York, un établissement de recherche et d’enseignement sans but lucratif.

 

** Le Social Science Research Network (SSRN) est un référentiel de prépublications dédié à la diffusion rapide de la recherche scientifique dans des domaines tels que les sciences de la santé.

 

*** Les anticorps dirigés contre la protéine Spike peuvent se retrouver dans le sérum après une infection par le SARS-CoV-2 ou après la vaccination contre le covid-19. Les anticorps dirigés contre la nucléocapside ne se détectent qu’après une infection ; ils n’augmentent pas après la vaccination.

 

Financement de l’étude

Fondation Bill et Melinda Gates.

 

Conflits d’intérêt des auteurs

Un auteur a mentionné que son institut a reçu un financement de la Fondation Bill et Melinda Gates.

 

 

Discussion

 

Discussion de la méthodologie

Il s’agit ici d’une synthèse méthodique actualisée, c.-à-d. que de nouvelles publications continuent d’être incluses. Ce n’est que pour cet article-ci qu’une date de fin a été fixée. La méthodologie utilisée a été correctement mise en œuvre et rapportée. Les auteurs eux-mêmes indiquent que la valeur de leurs résultats dépend directement de la qualité des études incluses. Le nombre d’études trouvées était plutôt faible, notamment parce que la recherche se concentrait spécifiquement sur des études mentionnant le délai après l’infection précédente. N’ont été retenues que peu d’études concernant les infections sévères, peu d’études portant sur le variant et les sous-variants Omicron BA.1, peu d’études africaines et peu d’études avec un suivi supérieur à 40 semaines après l’infection initiale. Parmi les 13 résultats de cette méta-analyse, 3 étaient sujets à un biais de publication, mais on n’en connaît pas la signification. Toutes les études incluses sont des études observationnelles et peuvent donc toujours être associées à des facteurs de confusion inconnus susceptibles d’influencer la relation entre la vaccination et les infections (graves), comme la comorbidité, le statut tabagique, le BMI. Dans la plupart des études, une correction a été effectuée pour tenir compte de l’âge et du sexe, mais pas toujours d’autres facteurs d’influence pertinents. Les auteurs ont effectué une analyse de sensibilité basée sur le risque de biais dans les études incluses et une analyse de sensibilité basée sur le degré de correction pour tenir compte des facteurs de confusion, mais aucune différence dans les résultats n’a pu être identifiée. Il existe également une forte hétérogénéité dans la détermination des antécédents d’infection. De plus, la définition de l’hospitalisation n’est pas toujours claire : la distinction entre hospitalisation pour covid-19 et hospitalisation pour un autre motif, le covid-19 étant découvert fortuitement, n’est pas toujours clairement indiquée.  

 

Discussion des résultats

Cette méta-analyse indique que le degré de protection après le covid-19 est au moins aussi élevé voire supérieur et que la protection dure plus longtemps qu’après une vaccination de base (2 doses) avec un vaccin à ARNm. Cela s’explique aussi par le fait que ce vaccin n’agit que sur l’immunité adaptative spécifique au virus, dont le but principal est de générer des titres élevés d’anticorps neutralisants. Cela vise principalement la protection contre les conséquences graves (hospitalisation et décès), même si initialement, on espérait aussi une protection durable contre la transmission et contre les infections symptomatiques. Les infections naturelles provoquent une réponse immunitaire à large spectre, tant l’immunité acquise non spécifique des voies respiratoires que l’immunité adaptative (activation des lymphocytes B et des lymphocytes T). Le risque de complications graves du covid-19 dépend aussi de l’âge, de la comorbidité et du type de variant (variant Omicron par rapport au variant delta, par exemple). Le degré de protection dépend du délai après la primo-infection et du type de virus à l’origine de la réinfection : la protection est beaucoup moins robuste contre le variant Omicron si la primo-infection était de type pré-Omicron. La protection diminue toutefois plus lentement après une primo-infection qu’après une vaccination de rappel. Tout cela doit être pris en compte dans les prévisions, les conseils de vaccination de rappel et les conseils de voyage.

Cette étude ne se prononce pas sur l’immunité hybride qui apparaît en cas de covid-19 en plus de la vaccination, que l’infection survienne avant ou après la vaccination de base (8). En principe, l’infection peut être considérée comme un rappel supplémentaire. Il existe également des études qui montrent que, chez les personnes qui ont reçu plus de doses de rappel, la protection dure relativement moins longtemps et la probabilité de réinfection est plus élevée (9,10). Ce phénomène est surtout observé chez les jeunes et pourrait être dû au problème d’empreinte, l’immunité accumulée contre le variant de Wuhan étant un obstacle à une immunité adéquate contre un variant Omicron plus récent. La protection contre les infections graves reste toutefois bonne. Cette étude ne se prononce pas non plus sur le risque de séquelles à long terme du covid (« covid long ») ni sur une éventuelle protection contre elles. En fin de compte, la réponse immunitaire à une infection par un nouveau variant du SARS-Cov-2 dépend de divers facteurs. Il existe également de nombreux facteurs ou mécanismes inconnus, et il est donc très difficile de faire des prédictions.

 

Que disent les guides de pratique clinique ?

Les recommandations actuelles de rappel de vaccination contre le covid-19 ne tiennent pas compte des infections antérieures. Cependant, les groupes cibles étaient limités aux prestataires de soins, aux personnes de plus de 65 ans, aux résidents de maisons de repos et de soins (MRS), aux personnes présentant une comorbidité et souffrant d’immunodépression (y compris vaccination de l’entourage) et aux femmes enceintes. Il est recommandé de faire coïncider la vaccination de rappel avec le vaccin antigrippal à l’automne, et l’on attend un nouveau vaccin adapté (variant Omicron XBB) (11).

 

 

Conclusion de Minerva

Cette revue systématique actualisée, qui a été menée correctement, montre que le degré de protection contre la réinfection par le SARS-CoV-2 après une primo-infection par un variant pré-Omicron est élevé, mais diminue avec le temps. La protection est plus faible contre la réinfection par un variant Omicron. De plus, la protection contre la réinfection avec des sous-variants Omicron est plus élevée après une primo-infection avec un variant Omicron qu’avec les variants pré-Omicron. Pour tous les variants, la protection conférée par une primo-infection est robuste contre l’hospitalisation et contre le décès.

 

 


Références 

  1.  Reiner RC Jr, Collins JK, Murray CJ; Forecasting Team C-19. Forecasting the trajectory of the COVID-19 pandemic under plausible variant and intervention scenarios: a global modelling study. Social Science Research Network, 2022. DOI: 10.1101/2023.03.07.23286952
  2. Adolph C, Amano K, Bang-Jensen B, et al. Pandemic politics: timing state-level social distancing responses to COVID-19. J Health Polit Policy Law 2021;46:211-33. DOI: 10.1215/03616878-8802162
  3. Sculier J.P. Les mesures de protection personnelle et sociale – lavage des mains, port de masque et distanciation physique – sont associées à des réductions de l'incidence de la covid-19. MinervaF 2022;21(5):96-9.
  4. Talic S, Shah S, Wild H, et al. Effectiveness of public health measures in reducing the incidence of covid-19, SARS-CoV-2 transmission, and covid-19 mortality: systematic review and meta-analysis. BMJ 2021;375:e068302. DOI: 10.1136/bmj-2021-068302
  5. Mouillet M. Protection vaccinale et immunité « naturelle » face à la covid-19 : équivalence ? MinervaF 2022;21(5):92-5
  6. Shenai MB, Rahme R, Noorchashm H. Equivalency of protection from natural immunity in COVID-19 recovered versus fully vaccinated persons: a systematic review and pooled analysis. Cureus 2021;13:e19102. DOI: 10.7759/cureus.19102
  7. COVID-19 Forecasting Team. Past SARS-CoV-2 infection protection against re-infection: a systematic review and meta-analysis. Lancet 2023;401:833-42. DOI: 10.1016/S0140-6736(22)02465-5
  8. Spinardi JR, Srivastava A. Hybrid immunity to SARS-CoV-2 from infection and vaccination-evidence synthesis and implications for new COVID-19 vaccines. Biomedicines 2023;11:370. DOI: 10.3390/biomedicines11020370
  9. Chemaitelly H, Ayoub HH, AlMukdad S, et al. Protection from previous natural infection compared with mRNA vaccination against SARS-CoV-2 infection and severe COVID-19 in Qatar: a retrospective cohort study. Lancet Microbe 2022;3:e944-e955. DOI: 10.1016/S2666-5247(22)00287-7
  10. Eythorsson E, Runolfsdottir HL, Ingvarsson RF, et al. Rate of SARS-CoV-2 reinfection during an omicron wave in Iceland. JAMA Netw Open 2022;5:e2225320. DOI: 10.1001/jamanetworkopen.2022.25320
  11. Conseil Supérieur de la Santé. Vaccinations. Avis 9766 - COVID-19 vaccination automne-hiver - saison 2023 – 2024. URL: 
    https://www.health.belgium.be/fr/avis-9766-covid-19-vaccination-automne-hiver-saison-2023-2024

Auteurs

Michiels B.
Vakgroep Eerstelijns- en Interdisciplinaire Zorg, Centrum voor Huisartsgeneeskunde, Universiteit Antwerpen
COI : Absence de conflits d’intérêt avec le sujet.

Code


B34, J06, J22
A77, R74, R78


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