Revue d'Evidence-Based Medicine



Les études cas-témoins à tests négatifs



Minerva 2023 Volume 22 Numéro 8 Page 193 - 195

Professions de santé

Diététicien, Ergothérapeute, Infirmier, Kinésithérapeute, Médecin généraliste, Podologue, Psychologue

Conclusion
Pour que les résultats obtenus avec les études cas-témoins à tests négatifs prospectives observationnelles puissent être considérés comme fiables et extrapolables, il est nécessaire de bien définir le syndrome clinique et d’utiliser un test spécifique ; il faut aussi que la décision de tester ne dépende pas du statut vaccinal et que l’on surveille suffisamment de facteurs de confusion importants. Ces études ne permettent de se prononcer que sur une affection symptomatique pour laquelle le patient a consulté un médecin et a été pris en charge.


L’étude cas-témoins à tests négatifs compare, dans un groupe de participants atteints d’un syndrome clinique donné (par exemple une maladie infectieuse) chez qui l’on recherche un certain facteur déclenchant (ou agent pathogène), ceux qui sont testés positifs (les cas) avec ceux qui sont testés négatifs (les témoins) afin de mesurer l’efficacité d’une mesure de protection (comme la vaccination). Ce type d’étude diffère de l’habituelle étude cas-témoins (nichée) (1), en particulier dans la définition du groupe témoin. Pour une étude cas-témoins habituelle, le groupe témoin est constitué des personnes qui ne présentent PAS un certain syndrome clinique. Le risque de biais est plus grand dans une étude cas-témoins habituelle que dans une étude cas-témoins à tests négatifs car, pour cette dernière, le groupe témoin à tests négatifs et le groupe à tests positifs sont recrutés de manière identique dans une même population. De plus, une étude cas-témoins à tests négatifs est plus facile à réaliser qu’une étude de cohorte prospective classique (2). Les études cas-témoins à tests négatifs sont donc de plus en plus souvent utilisées pour déterminer l’efficacité des vaccins après leur mise sur le marché. Cette méthode convient particulièrement pour les vaccins contre la grippe et les vaccins anti-covid-19, mais elle a déjà été utilisée pour les vaccins contre le rotavirus et pour les vaccins antipneumococciques (2).  

 

Quelles sont les conditions pour mener une étude cas-témoins à tests négatifs ?

 

Une première condition importante est évidemment de pouvoir définir un syndrome clinique précis et de déterminer clairement qui doit être testé et qui ne doit pas l’être. Dans les études portant sur le vaccin antigrippal, par exemple, on choisit comme syndrome clinique une infection respiratoire aiguë (de préférence dans le cadre de la première ligne) ou une infection des voies respiratoires inférieures plus grave (de préférence en milieu hospitalier), à laquelle sont associés des symptômes et signes spécifiques, comme la présence ou l’absence de fièvre, la toux, la présence de crépitations à l’auscultation pulmonaire... pour n’en citer que quelques-uns. Une étude cas-témoins à tests négatifs ne permet donc pas de se prononcer sur l’efficacité des vaccins contre les infections asymptomatiques, et le contexte dans lequel le test est effectué est également important pour une extrapolation correcte. 

 

Une deuxième condition est le recours à des tests spécifiques permettant de démontrer clairement la présence de la maladie étudiée (par exemple le covid-19). Pour remplir cette condition, il existe un test PCR très spécifique pour la grippe comme pour le covid-19. Un test peu sensible pose problème si l’affection est peu fréquente, car, dans le groupe testé positif, les participants pourraient ne pas être suffisamment nombreux pour autoriser un jugement fiable sur l’effet d’un vaccin, par exemple. Un test peu sensible sera en revanche moins problématique si la maladie survient fréquemment et si l’on suppose en outre que la sensibilité est tout aussi faible chez les personnes vaccinées et chez celles qui ne le sont pas. Cette hypothèse appelle plusieurs commentaires. Par exemple, un (auto)test antigénique est moins sensible qu’un test PCR pour le covid-19, mais le nombre de jours pendant lesquels le test peut être positif est également plus court dans le groupe vacciné. En outre, il est important que le test ne soit pas effectué trop longtemps après l’apparition des symptômes afin d’éviter une différence dans les taux de faux-négatifs parmi les cas et parmi les témoins. Même lorsque les cas sont définis comme des (complications) d’affections plus graves, telles que l’admission aux soins intensifs et/ou le décès, le nombre de faux-négatifs peut être plus élevé. Pour définir une période d’étude spécifique, il est également important de choisir la période pendant laquelle il existe une circulation avérée de l’agent pathogène : cela est particulièrement important pour les infections respiratoires, qui surviennent par vagues, comme la grippe, le virus respiratoire syncytial (VRS), le covid-19 (2). 

 

Une troisième condition est que le statut vaccinal soit enregistré avec précision et que les investigateurs n’aient plus à le rechercher chez les personnes testées, ce qui pourrait conduire à des biais de déclaration et à des biais de classification.

 

Quels types de biais faut-il envisager dans une étude cas-témoins à tests négatifs ?

 

Comme dans toute étude observationnelle, un biais est également possible dans une étude cas-témoins à tests négatifs (1). Ce biais peut découler du motif justifiant la vaccination. Par exemple, lorsqu’une campagne de vaccination se concentre sur la population à risque, les personnes vaccinées sélectionnées présentent un risque plus élevé de comorbidité pouvant influencer l’immunité. Il peut également y avoir une différence entre le groupe de personnes vaccinées et le groupe de personnes non vaccinées dans la mesure où elles se protègent contre les infections, par exemple en maintenant la distanciation sociale et en portant un masque facial (3). Les chercheurs tentent de remédier à cette situation en procédant par stratification et correction des cofacteurs (via une comparaison par régression). Le problème est que de nombreux éventuels facteurs de confusion ne sont pas (correctement) enregistrés dans toutes les bases de données : que l’on songe au statut de fumeur et au BMI. 

 

Il ressort clairement de ce qui précède qu’une étude cas-témoins à tests négatifs visant à examiner l’efficacité d’un vaccin ne permet de se prononcer que dans le cadre d’une affection pour laquelle le patient consulte. Mais, la probabilité qu’un patient consulte peut être corrélée à son statut vaccinal. Tant les patients vaccinés que ceux qui ne le sont pas peuvent être plus ou moins enclins à consulter un médecin pour différentes raisons. Il est important que le chercheur essaie d’identifier ce biais et de le corriger (3). Si une personne malade est en contact avec un prestataire de soins de santé, la probabilité qu’elle soit testée ne devrait pas non plus dépendre du parti pris du prestataire. Celui-ci pourrait être influencé par le statut vaccinal, la gravité des symptômes et/ou la comorbidité. Cette forme de biais se rencontre surtout lorsqu’une étude cas-témoins à tests négatifs utilise rétrospectivement des données collectées dans le cadre de la surveillance des agents pathogènes/variants en circulation, les personnes infectées n’étant pas systématiquement toutes testées. Par exemple, les médecins vigies ne testeront pas tous les patients malades parce qu’il n’est pas important d’en savoir plus sur les agents pathogènes/variants en circulation. Il est également possible que l’on teste principalement des personnes non vaccinées parce que l’on suppose qu’elles ne sont pas protégées contre l’agent pathogène que l’on veut surveiller. 

 

Pour obtenir des résultats valides, il est également important de disposer d’une définition correcte du groupe témoin : le groupe témoin peut être composé de personnes dont le test est négatif pour l’agent pathogène/variant étudié, mais chez qui un autre variant, un autre agent causal viral et/ou bactérien a été détecté ; ou le groupe témoin est constitué exclusivement de personnes ayant une infection dont l’agent causal ne peut être déterminé. Le premier groupe est plus petit, mais plus spécifique, et il est privilégié en raison d’un moindre risque de biais de sélection. Dans le deuxième groupe, les personnes souffrant d’une exacerbation de BPCO, d’une insuffisance cardiaque ou d’une crise d’asthme peuvent également être incluses. À l’avenir, on peut donc aussi s’attendre à des biais dans les études cas-témoins à tests négatifs portant sur l’effet du vaccin antigrippal, quand il sera très possible qu’une personne vaccinée contre la grippe le soit contre le covid-19 également. On peut remédier à ce problème en excluant du groupe témoin les infections dues au SARS-CoV-2 (2). Et vice versa, cela s’applique aussi aux études portant sur l’effet du vaccin contre le covid-19. L’une des hypothèses des études cas-témoins à tests négatifs est que la vaccination n’exerce aucune influence sur la sensibilité (tant négative que positive) aux autres infections respiratoires. Étant donné que, dans le groupe témoin à tests négatifs, le syndrome infectieux peut être dû à plusieurs autres germes, il faudrait déjà un effet important et durable pour influencer de manière significative l’efficacité du vaccin à l’étude (tel que le vaccin antigrippal) (2). 

 

Conclusion 

Pour que les résultats obtenus avec les études cas-témoins à tests négatifs prospectives observationnelles puissent être considérés comme fiables et extrapolables, il est nécessaire de bien définir le syndrome clinique et d’utiliser un test spécifique ; il faut aussi que la décision de tester ne dépende pas du statut vaccinal et que l’on surveille suffisamment de facteurs de confusion importants. Ces études ne permettent de se prononcer que sur une affection symptomatique pour laquelle le patient a consulté un médecin et a été pris en charge.

 

 


Références 

  1. Michiels B. Les avantages et les désavantages de l’étude cas-témoins sur un échantillon. MinervaF 2016;15(4):105-6.
  2. Chua H, Feng S, Lewnard JA, et al. The use of test-negative controls to monitor vaccine effectiveness: a systematic review of methodology. Epidemiology 2020;31:43-64. DOI: 10.1097/EDE.0000000000001116
  3. Ainslie KE, Shi M, Haber M, Orenstein WA. On the bias of estimates of influenza vaccine effectiveness from test-negative studies. Vaccine 2017;35:7297-301. DOI: 10.1016/j.vaccine.2017.10.107


Auteurs

Michiels B.
Vakgroep Eerstelijns- en Interdisciplinaire Zorg, Centrum voor Huisartsgeneeskunde, Universiteit Antwerpen
COI : Absence de conflits d’intérêt avec le sujet.

Code


Z00
A97


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